…avec, au nom des indépendantistes, toujours Jacques Lafleur, et Rock Wamytan, au nom du FLNKS, un nouvel accord a été signé : l’accord de Nouméa. Celui-ci prévoyait un dispositif très particulier – le président de la commission des lois l’a rappelé – de décolonisation et d’émancipation au sein de la République française.
Cela a conduit à la révision constitutionnelle que vous connaissez, permettant à la Nouvelle-Calédonie de disposer à elle seule d’un titre au sein de la Constitution de la République – ce qui n’est pas une mince affaire.
Cet accord de Nouméa a prévu des dispositions très particulières. La citoyenneté, d’abord : nous avons une citoyenneté calédonienne en sus de la citoyenneté européenne et française. La capacité pour notre congrès d’adopter des lois, à l’instar du Parlement de la République. Des transferts de compétences progressifs jusqu’au terme de l’accord, c’est-à-dire dans un an maintenant. À l’orée des élections provinciales de 2014 ne resteront dans les mains de l’État que les compétences régaliennes. La possibilité également d’adopter des signes identitaires.
La possibilité aussi de tester une notion extrêmement intéressante dans notre pays : la souveraineté partagée. Par exemple, dans le domaine des relations internationales, le pouvoir est partagé entre la France et la Nouvelle-Calédonie, notamment dans le cadre régional.
Nous arrivons aujourd’hui au bout de cet exercice. Nous avons une échéance : les élections provinciales de 2014. À partir de ce moment-là, la Nouvelle-Calédonie devra une nouvelle fois faire face à son avenir. Un référendum est prévu, entre 2014 et 2018 : les Calédoniens devront décider s’ils veulent l’indépendance du pays, ou s’ils souhaitent poursuivre leur émancipation au sein de la République française.
Ce référendum peut être organisé à trois reprises ; il aura obligatoirement lieu en 2018, s’il n’a pas été décidé par le Congrès à la majorité des trois cinquièmes.
La question qui se pose aujourd’hui – comme l’a indiqué le président de la commission des lois –, c’est celle de l’attention particulière des forces politiques locales sur cette sortie de l’accord, et non pas sur des sujets qui paraissent de prime abord plus importants, eu égard notamment aux difficultés concrètes que rencontre la population dans le domaine économique et social.
La raison est toute simple : la capacité pour un pays et sa population de continuer à vivre ensemble dépend aussi de sa capacité à trouver des équilibres politiques qui permettent cette vie ensemble. Toutes les perspectives économiques et sociales de réduction des inégalités, d’amélioration des conditions de vie sont possibles dès lors qu’on conserve la paix dans un pays. Nous sommes particulièrement sensibles à ce sujet parce qu’on a vécu ce qu’on a vécu, parce qu’il y a eu du sang et des morts.
On se dit qu’avant tout, il y a la paix. Comment faire pour la conserver ? Comment faire pour franchir cette étape de 2014-2018 sans que cette paix ne se brise sur les idéologies des uns ou des autres ? C’est peut-être la raison pour laquelle vous avez été frappés par cette attention particulière des forces politiques locales sur le sujet.
Ce que nous souhaitons au nom de « Calédonie ensemble », la formation politique à laquelle nous appartenons en Nouvelle-Calédonie avec ma collègue Sonia Lagarde, c’est de pouvoir engager un dialogue nourri, constructif, avec l’ensemble des forces politiques. Cette solution de sortie ne sera pas celle des uns contre les autres, mais une solution commune que nous devons apprendre à construire.
Je crois qu’il y a un chemin possible, même s’il est escarpé. Il demandera de la part des uns et des autres de la modestie, de l’humilité, et une part de compromis. Sans ce compromis, aucune solution commune n’est envisageable. En ce qui nous concerne, nous sommes tout à fait favorables à développer cet esprit de dialogue et de compromis pour nous permettre de sortir par le haut de l’échéance qui nous attend.
En ce qui concerne plus particulièrement cette loi, j’insisterai sur un seuil point, car il est fondamental : il s’agit de la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes. Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, il s’agit certes d’un point entériné dans le dernier comité des signataires, mais il a été porté par nous, Calédoniens, ensemble, à bout de bras, contre un certain nombre, afin qu’il aboutisse.
Oui, la loi évoquée, dite loi antitrust est une loi déposée par notre groupe, au congrès de la Nouvelle-Calédonie, et non par le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. C’est cette loi qui a été adoptée, à la majorité absolue du congrès. C’est cette loi qui a été validée récemment par le Conseil constitutionnel. C’est une loi qui permettra que la concurrence puisse à nouveau s’exercer en Nouvelle-Calédonie dans un certain nombre de secteurs qui sont aujourd’hui monopolistiques ou duopolistiques, ce qui contribue fortement à la vie chère dans notre pays.
Bien évidemment, cette loi n’a de sens que si un gendarme peut la faire respecter. Ce gendarme, c’est l’autorité de la concurrence : une autorité indépendante, disposant d’un pouvoir d’enquête, et de sanctions, et à l’abri des influences politiques ou économiques. C’est bien sûr indispensable lorsque l’on a vocation à faire respecter un certain ordre économique dans notre pays.
Oui, le Gouvernement de la République a proposé, dans le cadre de cette loi organique, la possibilité de créer des autorités administratives indépendantes. C’est une bonne chose. Cette loi antitrust donnera, je l’espère, sa pleine mesure dans les années qui viennent, de façon à ce que la cherté de vie évoquée par un certain nombre d’intervenants soit demain un petit peu plus acceptable par les populations du pays qu’elle ne l’est aujourd’hui. Je vous remercie.