Intervention de Daniel Gibbes

Séance en hémicycle du 2 octobre 2013 à 15h00
Actualisation de la loi organique no 99-209 du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie - diverses dispositions relatives aux outre-mer — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Gibbes :

Concrètement, que contiennent les deux textes ?

Le projet de loi ordinaire prévoit, pour l’essentiel, la ratification de huit ordonnances. Trois d’entre elles ont été adoptées sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution et concernent différentes collectivités d’outre-mer ainsi que la Nouvelle-Calédonie. Elles y étendent et adaptent des dispositions en vigueur dans l’hexagone, notamment en matière de droit civil, de protection juridique des majeurs et de surendettement. Les cinq autres ont été adoptées dans le cadre d’une habilitation fondée sur l’article 38 de la Constitution. Elles concernent plus particulièrement l’instauration en Guyane et en Martinique d’une collectivité unique, collectivité qui tarde d’ailleurs un peu à se faire jour.

Plusieurs modifications ont été apportées par les deux chambres, non pas sur les ordonnances, mais pour ajouter diverses dispositions en profitant de ce véhicule législatif ultramarin. Pour ma part, je tiens à souligner, parmi les modifications apportées par la commission des lois de l’Assemblée nationale, l’introduction de l’article 12, qui permettra, je l’espère, de mieux lutter contre l’orpaillage illégal en Guyane. En effet, il permet d’instaurer, dans certaines zones de Guyane, un régime de déclaration préalable de la détention de certains matériels, comparable au régime de déclaration des armes à feu. Il faudra ainsi désormais déclarer la détention de mercure, de concasseurs et corps de pompe, utilisés pour l’orpaillage illégal. La détention et le transport de ces matériels sans récépissé de la préfecture seront passibles de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Le Saint-Martinois que je suis se réjouit également du maintien d’un article 7 introduit lors de l’examen du texte par la commission des lois du Sénat, relatif à l’artisanat à Saint-Martin. Cet article précise qu’à titre dérogatoire, à Saint-Martin, l’État peut, par convention avec la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin, confier à celle-ci l’exercice de missions, autres que consultatives, dévolues aux chambres de commerce et d’industrie, aux chambres de métiers et de l’artisanat et aux chambres d’agriculture, des dispositions attendues depuis plusieurs années par notre CCISM.

S’agissant du projet de loi organique, et conformément aux souhaits émis par le dixième comité des signataires de décembre 2012, la loi organique donne au président du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie un pouvoir de police administrative spéciale, destiné à permettre la mise en oeuvre des compétences d’ores et déjà transférées, comme la circulation maritime et la circulation aérienne, ou qui vont l’être, à l’instar de la sécurité civile.

À ce titre, la lecture de l’étude d’impact annexée au projet de loi organique, s’agissant de la sécurité civile, est à la fois éclairante et troublante. L’on comprend bien la nécessité de donner au président du Gouvernement la possibilité de prendre des décisions réglementaires et individuelles en matière de police administrative, car le système institutionnel actuel, avec des décisions à caractère collégial et solidaire du Gouvernement, rend difficile la prise de décision dans un contexte d’urgence, mais, à détailler le type de décisions que le président de Gouvernement est amené à prendre, telles que la réquisition des moyens privés, parce que l’État ne dispose pas de moyens aériens de lutte contre l’incendie en Nouvelle-Calédonie et qu’il est amené à réquisitionner des hélicoptères appartenant à des sociétés privées, on obtient un aperçu inquiétant de l’insuffisance des moyens humains et matériels pour l’exercice de cette compétence par la Nouvelle-Calédonie, même si ce n’est pas l’objet de ce texte d’y répondre.

Ensuite, et c’est sans doute la mesure la plus innovante du projet de loi, est prévue la faculté pour la Nouvelle-Calédonie de créer, par des lois de pays, des autorités administratives indépendantes relevant de son champ de compétences. Ainsi, la Nouvelle-Calédonie pourra créer de telles autorités dans divers domaines : concurrence, concentration économique, aménagement commercial, consommation, répression des fraudes, postes et communications électroniques, droit du travail, droit syndical, droit de la sécurité sociale. La Nouvelle-Calédonie définira l’ensemble de leurs prérogatives, dont leurs pouvoirs réglementaires, de contrôle et de sanction. Cependant, l’État restera garant de l’indépendance de ces autorités. Il lui reviendra d’encadrer ceux de leurs pouvoirs qui pourraient mettre en cause les libertés publiques, heurter la liberté individuelle ou le droit de propriété. Il lui reviendra également de déterminer les voies de recours contre leurs décisions.

En l’espèce, à court terme, il s’agit de mettre en place une autorité administrative indépendante chargée de la concurrence. D’ailleurs, je ferai remarquer que cette création répond à une préconisation de l’Autorité de la concurrence elle-même, en septembre 2012 : elle avait alors recommandé au Gouvernement de Nouvelle-Calédonie que la nouvelle autorité soit chargée du contrôle des pratiques anticoncurrentielles et des opérations de concentration.

Quant au reste des dispositions, je ne crois pas utile de m’y arrêter plus avant ; les échanges en commission des lois ont montré que cette « actualisation » – si l’on peut dire – de la loi organique de 1999 ne faisait pas particulièrement débat.

Mais je crois que, si nous nous sommes entendus pour décrire ce projet de loi organique comme un texte technique, c’est surtout par prudence, pour ne pas dire par pudeur. Et il est nécessaire d’user de prudence et de pudeur avant de voter des dispositions ou de faire des propositions qui concernent des compatriotes vivant à plus de 20 000 kilomètres de cet hémicycle – la Nouvelle-Calédonie étant le deuxième territoire le plus éloigné de Paris après Wallis-et-Futuna –, au risque autrement de fragiliser l’équilibre trouvé par les signataires de l’accord de Nouméa.

Il est vrai que si l’on raisonne en juristes, nos outre-mer sont un défi technique permanent : les statuts des collectivités ultramarines sont très souvent des modèles uniques en leur genre, plutôt éloignés du modèle des collectivités territoriales hexagonales.

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