Intervention de Frédérique Massat

Séance en hémicycle du 2 octobre 2013 à 21h30
Agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Massat :

…voire illégitime. Bien au contraire ! En tant que députée de la nation, je veux aujourd’hui associer à mes propos tout le groupe socialiste dans un grand mouvement de solidarité avec l’ensemble de nos collègues ultramarins. Cette solidarité vient d’ailleurs de s’exprimer à l’instant, puisque les deux précédents textes ont été votés à l’unanimité. « Jamais deux sans trois », dit-on : nous saurons faire, sur ces bancs, l’unanimité pour le troisième texte.

Cette proposition de loi succède à plusieurs projets que nous avons eu l’occasion de voter dans cet hémicycle, notamment pour « réinstaurer la justice dans tous nos territoires, en métropole comme en outre-mer » – promesse de campagne du Président de la République. C’est d’abord la proposition de loi tendant à prohiber la différence du taux de sucre entre les produits vendus en métropole et ceux vendus en outre-mer, votée en mai 2013, qui répondait à deux impératifs : le premier de santé publique et le second de rétablissement de l’égalité entre les citoyens de tous les territoires de la République.

Mais je pense aussi au premier acte fort, monsieur le ministre, réalisé en novembre 2012 avec l’adoption du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer. Il visait à lutter contre un phénomène qui touche durement nos concitoyens de ces territoires : la vie chère.

Le sujet qui nous est soumis aujourd’hui représente un combat supplémentaire à mener et que nous menons avec fougue. Ce combat pour l’outre-mer, nous l’avons toujours mené, dans l’opposition comme dans la majorité. Nous voulons vous accompagner. Je me souviens de cette proposition de loi relative à l’habitat insalubre de Serge Letchimy que nous avons votée en décembre 2010. Je tiens d’ailleurs à saluer son travail, alors qu’il était déjà rapporteur du précédent texte.

Comme il l’a expliqué tout à l’heure, la question des cinquante pas géométriques est relativement compliquée pour les métropolitains. Cette loi vise à répondre à une urgence : nous devons aider les régions et les départements d’outre-mer dans leurs aménagements. C’est donc fière du travail mené, tant dans l’opposition que dans la majorité, que je m’exprime aujourd’hui comme députée de la nation, par solidarité. Nous savons que beaucoup reste à faire, mais c’est le sens du travail que nous effectuons aujourd’hui et demain. Cette proposition de loi, issue d’un texte de nos collègues sénateurs, vise à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et à faciliter la reconstitution des titres de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin.

Elle répond donc à une urgence juridique. Il s’agit de faire un pas de plus et de prolonger la vie des agences des cinquante pas qui devrait s’achever à la fin de l’année 2013. Cette prolongation est une nécessité, monsieur le ministre l’a bien expliqué, face au vide juridique existant puisque, sinon, il y aurait de facto l’annulation de 3 000 à 4 000 procédures de cession de terrains.

Le zonage des cinquante pas a été créé dans les Antilles sous l’Ancien Régime. Le statut de cette zone, devenue inaliénable, a ensuite été modifié à de nombreuses reprises : en 1955, elle a été transférée dans le domaine privé de l’État puis, en 1986, réincorporée par la loi Littoral dans le domaine public de l’État, et, en 1996, une loi a créé les agences des cinquante pas géométriques chargées de la mise en valeur des espaces urbains concernés et de régulariser les nombreux occupants sans titre. La création de ces agences avait notamment pour but de régulariser les occupations sans titre sur la zone, d’établir des programmes d’équipement des terrains mis à disposition, de vérifier la cohérence entre les cessions et ces programmes, de réaliser certains travaux d’équipement et de lutter contre l’habitat spontané. C’est donc à elles que revient la gestion de 7 770 hectares que possède l’État, soit 4 263 hectares en Guadeloupe et 3 516 hectares en Martinique.

Ces agences, cela a été rappelé, devaient disparaître fin 2011, mais un décret a prolongé leur existence de deux ans. Leurs missions devaient être transférées à des établissements fonciers d’État. Or sur cette zone, 15 000 constructions existent et hébergent plus de 10 % de la population martiniquaise ; en Guadeloupe, 17 000 constructions sont concernées par les régularisations. D’où l’impérieuse nécessité de prolonger les délais. Mais face à l’ampleur du travail qui reste à faire, la prolongation de deux ans risque d’être nettement insuffisante, notamment s’agissant du délai d’un an pour le dépôt des demandes de régularisation.

Les raisons du retard sont multiples : négligence des habitants qui ont des difficultés par rapport à la population concernée, manque d’information, personnes démunies face aux multiples procédures à mener.

Pourtant le citoyen à tout à gagner dans cette opération de régularisation : sortir d’une situation de précarité et d’illégalité, devenir propriétaire, acquérir des droits et, le cas échéant, bénéficier d’aides. Régulariser sa situation, c’est donner une existence légale à son occupation, se voir conférer les droits et les devoirs dévolus aux propriétaires de bâti et de foncier, obtenir le droit d’effectuer des travaux et de transmettre son patrimoine.

Ce texte, adopté à l’unanimité par nos collègues sénateurs, se décompose en trois articles : le premier autorise la prolongation de deux ans, par décret, de la durée de vie des agences ; le deuxième déplace de la même durée la date limite de dépôt des demandes de régularisation, soit jusqu’au 1er janvier 2015 ; le troisième et dernier article, issu d’un amendement du Gouvernement, crée une procédure de titrement.

S’agissant de la prolongation de la vie de ces agences, il y a en effet urgence, ce qui implique que nous ayons un vote conforme ce soir. C’est pourquoi il n’y a pas d’amendements déposés sur ce texte.

Mais je me permets, monsieur le ministre, de relayer ce qu’a dit notre rapporteur et d’accompagner la démarche des sénateurs, en pensant notamment à la loi ALUR qui va être examiné en première lecture au Sénat et qui offrira la possibilité d’encore rallonger la vie de ces agences.

Par cette belle unanimité, nous allons pouvoir une fois de plus, mes chers collègues, nous retrouver sur la thématique de l’outre-mer. Cela va vous permettre, monsieur le ministre, de répondre à un engagement que vous avez pris ici même au mois de décembre en disant que vous étiez favorable à la prolongation de la durée de vie des agences des cinquante pas.

Cette proposition de loi sénatoriale aura donc bien sûr le vote de tout le groupe socialiste, mais elle ne nous exonère pas de continuer à travailler sur cette thématique.

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