Intervention de Bernard Gérard

Séance en hémicycle du 11 octobre 2012 à 9h30
Formation aux cinq gestes qui sauvent face à un accident de la route — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Gérard :

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'intérieur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, « Sauver une vie, ça s'apprend ! » : nous connaissons bien ce slogan, lancé par une grande association nationale de secourisme. Et pourtant, alors que la mortalité routière touche encore près de 4 000 personnes chaque année et qu'on dénombre en outre 80 000 blessés, dont 30 000 hospitalisés, moins de la moitié des Français déclarent avoir déjà bénéficié d'une formation ou d'une initiation aux gestes de premiers secours.

C'est que, si la nécessité d'une prise en charge immédiate d'un accidenté de la circulation est aujourd'hui présente dans les esprits, la formation aux notions élémentaires de secourisme reste un parent pauvre de la politique de sécurité routière. Alors même que cette dernière, développée de manière continue à partir des années 1970, a permis de diviser par quatre le nombre de tués sur les routes de France, l'apprentissage des gestes de premiers secours, et leur hiérarchie, – ces « gestes qui sauvent » –, n'a jamais été privilégié et reste dès lors trop ponctuel.

Bien sûr, tout doit d'abord être fait pour lutter contre l'accidentalité elle-même ; mais la diminution de la mortalité routière constitue un objectif essentiel, que seule peut aussi permettre d'atteindre la mise en oeuvre plus systématique de politiques de formation aux connaissances élémentaires de secourisme.

Face à ce défi, le groupe UMP a choisi d'inscrire dans sa séance d'initiative réservée la présente proposition de loi, en préconisant une solution simple et pragmatique : une formation aux cinq gestes qui sauvent – alerter les secours, baliser les lieux et protéger les victimes, ventiler, à savoir libérer les voies respiratoires, comprimer l'hémorragie, enfin sauvegarder la vie des blessés, dernier point qui peut parfois se résumer à parler à la victime en attendant les secours.

Loin de tout esprit partisan, cette proposition rejoint de très nombreuses initiatives émanées de tous les bancs depuis plusieurs années : propositions de loi, amendements, questions au Gouvernement, voire promesses de dispositions réglementaires, jamais tenues… Au Sénat, une proposition de loi analogue a été déposée en février dernier par MM. Jean-Pierre Leleux et Jean-René Lecerf. Et je sais que le président de la commission des lois du Sénat, Jean-Pierre Sueur, est très sensible à ce sujet, et plus particulièrement pour ce qui concerne les conducteurs de transport routier de personnes.

En outre, de nombreux pays voisins ont défini des dispositifs comparables dès les années 1970 et avec succès. Je pense notamment à l'Allemagne, l'Autriche ou à la Suisse. Dix-huit pays de l'Europe géographique ont adopté de telles mesures ; mais c'est aussi le cas de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande. C'est dire à quel point cette question est considérée partout comme essentielle.

Le principal objectif de ce texte, la lutte contre la mortalité routière, est naturellement bien identifié. Je l'ai dit : 4 000 personnes meurent sur les routes chaque année, ce qui équivaut à trente catastrophes aériennes, pour reprendre une analogie qui figurait en 2011dans une résolution du Parlement européen.

La place qui revient à la formation aux premiers secours est en fait très marginale.

Il existe, certes, des formations de secourisme ouvertes à tous les citoyens, en particulier la formation dite « de base », d'une durée de sept heures, qui est sanctionnée par l'attribution du certificat PSC 1, « Prévention et secours civiques 1 ». En outre, en application de l'article L. 312-13-1 du code de l'éducation, institué en 2004, tout élève est supposé bénéficier, dans le cadre de la scolarité obligatoire, d'un apprentissage des gestes élémentaires de premiers secours. Cependant, alors même que cette formation avait vocation à dispenser cet apprentissage au plus grand nombre, elle ne touche aujourd'hui que 20 %, au mieux, des collégiens. En outre, les connaissances acquises sont souvent en partie oubliées au moment du passage de l'examen du permis de conduire, qui survient de nombreuses années plus tard.

La Croix-Rouge n'a pas hésité à souligner, récemment, que « les Français n'ont pas la culture du risque et de la prévention », et qu'« ils possèdent un niveau de formation aux gestes qui sauvent largement insuffisant ».

Sans doute le législateur a-t-il commencé à se saisir de cette question : l'article 16 de la loi du 12 juin 2003, relative au renforcement de la lutte contre la violence routière, prévoit ainsi que les candidats au permis de conduire doivent être sensibilisés, dans le cadre de leur formation, aux notions élémentaires de premiers secours. Cet article renvoie le soin de fixer ses modalités d'application à un décret en Conseil d'État, qui n'a jamais été pris. Les nombreuses auditions que j'ai conduites ont confirmé que, dans les faits, cette sensibilisation est très insuffisante, voire totalement inexistante.

Aujourd'hui, ce sont environ un million de permis de conduire qui sont délivrés chaque année : inclure la formation aux notions élémentaires de premiers secours dans l'examen du permis de conduire permettrait donc de favoriser la formation d'un public particulièrement large. Même si la formation dispensée dans le cadre de la préparation du permis de conduire aurait un caractère très spécifique, puisqu'elle serait centrée, par définition, sur l'accidentalité routière, il est évident que les connaissances acquises pourraient ensuite être réutilisées, en cas d'urgence, dans de nombreuses circonstances de la vie quotidienne.

En outre, le fait d'avoir suivi une telle formation pourrait avoir, indirectement, un effet très positif en matière de sécurité routière : la prise de conscience du risque automobile pourrait inciter à un changement de comportement et à l'adoption d'une conduite plus vertueuse et plus apaisée. Cette forme d'apaisement prévaudra aussi, naturellement et a fortiori, en cas d'accident : un témoin qui, fort de sa connaissance des gestes simples à accomplir, aura reçu des consignes claires, sera à même d'intervenir de manière beaucoup plus sereine, sans céder à la panique.

La formation proposée pourrait être d'une durée de quatre heures. Parce qu'elle est simplifiée, elle permettra une diffusion au plus grand nombre, sans coût excessif, ni en temps, ni en argent, pour les candidats au permis de conduire. Le message transmis n'en sera que plus clair, et plus efficace. La formation sera axée sur les apprentissages essentiels relatifs à l'accidentalité routière et offrira, naturellement, toutes les garanties requises. La dispense et la validation de cette formation seront confiées aux associations de secourisme agréées, ce qui constitue le meilleur gage de qualité.

Il existe certes un certain nombre d'objections à la mise en place de ce dispositif, et la commission des lois n'a pas adopté ce texte. Je souhaite revenir ici sur les points qui font débat, car il me semble que les objections ne résistent vraiment pas à l'analyse.

On reproche d'abord à ce dispositif son coût et la lourdeur supposée de sa mise en oeuvre : il risque, dit-on, de créer une charge nouvelle et importante pour l'État. La notion d'« épreuve », que nous avons retenue dans un souci de parallélisme avec la terminologie existante pour les apprentissages théorique et pratique, ne doit pas toutefois induire en erreur et laisser penser à l'organisation d'un examen spécifique, sur le modèle de ceux prévus pour le code ou la conduite. En effet, dans la pratique, la formation, ainsi que sa validation, seront prises en charge par les associations de secourisme agréées, qui remettront aux intéressés une attestation, valant sanction de la connaissance des notions élémentaires de premiers secours.

Que ce soit bien clair : les inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière ne seront pas investis d'une mission nouvelle, qui supposerait, pour eux, une charge de travail et une formation supplémentaires. Je présenterai un amendement tendant à préciser le rôle des associations dans le dispositif, et je proposerai également de supprimer l'article de gage, prévu à seul titre de précaution et devenu par là inutile. Le président de la commission des finances a du reste expressément validé cette proposition de loi, au regard des exigences de l'article 40 de la Constitution.

Ce dispositif – c'est la deuxième objection qui lui est faite – pourrait être trop coûteux pour les candidats au permis de conduire. Il est vrai qu'il aura un coût, mais que représente-t-il, au regard des 4 000 tués, des 80 000 blessés et des 30 000 personnes hospitalisées chaque année ?

Selon certaines estimations, et d'après les auditions que nous avons réalisées, le coût, à la charge de chaque candidat, ne devrait pas dépasser 25 euros, voire 20 euros. Si elle n'est naturellement pas négligeable, cette somme peut cependant être considérée comme extrêmement raisonnable, au regard de l'enjeu que représente la sécurité routière, comme au regard du coût global du permis de conduire.

Troisièmement, certains doutent de la capacité des associations de secourisme à faire face à la charge que constitue la formation de masse proposée. À cet égard, les auditions que j'ai conduites ont permis de rappeler qu'on dénombrait aujourd'hui quelque 35 000 moniteurs de premiers secours. En outre, les grandes associations nationales que nous avons entendues ont estimé que le défi pouvait tout à fait être relevé.

Quatrièmement, selon certains, l'apprentissage de masse des gestes de premiers secours devrait se faire à l'école, conformément au dispositif mis en place en 2004. Mais je vous répète, mes chers collègues, que ce dispositif laisse à l'écart au moins 80 % d'une tranche d'âge, et qu'il intervient à un moment qui peut être très éloigné du passage du permis de conduire. En attendant le jour où il concernera la majorité des élèves, pourquoi se priver d'un outil supplémentaire au profit de la généralisation de la formation aux premiers secours, lesquels, en réalité, devraient être enseignés tout au long de la vie ? Certains évoquent aussi l'initiation prévue dans le cadre des Journées défense et citoyenneté, les JDC, qui concernent 800 000 jeunes chaque année. Cette séance, qui ne dure parfois que trois quarts d'heure, ne saurait toutefois se substituer à un véritable apprentissage : il s'agit en réalité d'une simple démonstration, voire d'un rappel, pour certains.

D'aucuns estiment enfin que la mesure proposée serait d'ordre réglementaire. S'il est vrai que la question des différentes composantes du permis de conduire relève d'une disposition de nature réglementaire dans le code de la route, en revanche, le traitement d'un sujet de sécurité routière, comme la création du nouveau dispositif de formation aux premiers secours, peut justifier l'inscription dans le marbre législatif, comme cela fut fait pour l'apprentissage des notions de secourisme à l'école.

Aussi, je présente un amendement destiné à placer le nouveau dispositif dans la loi du 12 juin 2003, dédiée à la lutte contre la violence routière, en lieu et place de la seule sensibilisation aux notions élémentaires de premiers secours dans le cadre de la formation du permis de conduire, mesure dont, je le rappelle, le décret d'application n'a jamais été publié.

Je conclus. Tout le monde est d'accord : l'académie de médecine, la Croix-Rouge française, la fédération française de cardiologie, le SAMU, la fédération nationale des sapeurs-pompiers, le conseil national des professions de l'automobile, ainsi que la fédération nationale des enseignants de la conduite. La gauche et la droite sont d'accord ! Les experts sont d'accord !

Que convient-il donc de faire, mes chers collègues ? Voter ensemble cette loi, qui préservera la vie de nombre de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

2 commentaires :

Le 13/10/2012 à 10:11, BURGGRAEVE a dit :

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Remercions M. Bernard GERARD d'avoir pris l'initiative de déposer une nouvelle proposition de loi et ses collègues de l'avoir cosignée. On nous dit, pour la rejeter, que cette formation aux "5 gestes qui sauvent" serait strictement du domaine règlementaire ! Cet argument est contestable mais ce qui est encore plus contestable c'est que l'on soit obligé,encore,en 2012,de discuter de cette formation indispensable au Parlement afin de contraindre les pouvoirs publics d'agir ! Point complet de ce qui s'est passé dans le bulletin du CAPSU n° 50 de novembre. Autres informations sur la page CAPSU du site secourisme.net

Il ne faut pas s'arrêter à ce blocage et poursuivre, avec tous ceux qui le veulent, ce combat légitime et nécessaire afin d'épargner des vies humaines.

Didier BURGGRAEVE, président du CAPSU.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 06/11/2012 à 21:42, photograf13 a dit :

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Texte interessant et intention fort louable, mais pourquoi ne pas l'avoir présenté pendant la précédete législature alors que votre groupe Mr GERARD disposait de la majorité nécessaire à son adoption ??? Est ce a dire que le gouvernement de l'époque désaprouvait ce texte ?? Ou bien n'est ce qu'une manoeuvre politicienne ?? Nous ne pouvons que nous interroger sur la sincérité de la démarche.

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