Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais rappeler ici, dans cet hémicycle, combien les territoires sont une richesse pour notre pays, un atout pour le redéploiement économique et social de la France, qu'il convient de préserver et de valoriser. Ils sont également le ciment de l'unité et de la cohésion de notre République.
Or l'inflation, l'hystérie, je dirais même l'incontinence législative et normative qui s'est emparée de nos assemblées ces dernières années, l'alourdissement des procédures qui pèsent chaque jour davantage sur le quotidien tant de nos concitoyens que des élus locaux s'est révélé un véritable frein au développement des territoires, notamment des territoires ruraux.
Le recours croissant à la règle de droit pour réguler toutes les facettes du réel est devenu une constante dans nos sociétés contemporaines, la norme devenant ainsi l'unique moyen de résoudre les problèmes, le bon sens laissant place à l'absurdité, à des situations qui n'ont plus le moindre lien direct avec la réalité du terrain.
Peu à peu, la nécessité de restaurer, au nom des principes d'accessibilité et d'intelligibilité du droit, la qualité et la lisibilité de la norme juridique s'est imposée à nous. Sous la précédente législature, notre assemblée a entrepris un important travail de simplification du droit, et nous débattions encore, il y a quelques mois de cela, de mesures de simplification du droit des entreprises.
La proposition de loi aujourd'hui soumise à notre examen nous donne l'opportunité de poursuivre ce travail de simplification. Notre collègue Pierre Morel-A-L'Huissier part d'un constat et d'une analyse très simple, que nous partageons tous au regard du débat qui a eu lieu en commission : la prolifération des normes et l'inadaptation à la réalité de terrain de décisions provenant d'administrations centralisées parisiennes constituent un frein au développement des territoires, en particulier des territoires ruraux.
À ce jour, ce sont 400 000 normes, selon l'Association des maires de France, qui doivent être respectées par les acteurs de ces territoires. Au-delà des conséquences qu'elle peut avoir en termes d'intelligibilité, de crédibilité du droit et de sécurité juridique, la prolifération des normes représente un coût pour les administrés et une charge considérable pour les collectivités territoriales : la commission consultative d'évaluation des normes parle d'un coût de l'ordre de 2,34 milliards d'euros entre les années 2008 et 2012.
Cette situation se traduit également par le découragement et la démotivation des acteurs de terrain, qu'ils soient élus ou qu'ils soient entrepreneurs, industriels, artisans, commerçants, agriculteurs ou encore responsables associatifs. Tous ressentent, au plus près du terrain, l'absurdité de certaines normes. À titre d'exemple, les états généraux de la démocratie territoriale du Sénat, dans un sondage sur la perception de la décentralisation par les élus locaux, révèlent que 68 % des élus attendent un allégement de certaines contraintes législatives et réglementaires, en particulier en matière d'urbanisme et de marchés publics.
Comment, en effet, ne pas se sentir désemparé lorsque l'on se voit obligé d'appliquer des normes toujours plus nombreuses, toujours plus complexes et inadaptées aux situations locales ? Ce malaise, nous sommes, en tant qu'élus, bien placés pour le constater. Dans mon département de la Mayenne, je mesure au quotidien ce désarroi, notamment celui des maires des petites communes. La problématique ne peut être la même entre la plus petite commune de ma circonscription, Rennes-en-Grenouille, et une ville comme Laval, Nantes ou Paris ! Les moyens financiers et humains ne sont évidemment pas les mêmes. Pourtant, les normes doivent s'y appliquer de la même façon !
J'ai pu en avoir la confirmation au cours des nombreux déplacements effectués dans le cadre de la mission sur la « simplification des normes au service du développement des territoires ruraux » que nous avait confiée le Président de la République, Nicolas Sarkozy, et dont la présente proposition de loi n'est rien d'autre que l'aboutissement.
À ce constat simple, une solution simple et efficace nous est proposée. Loin de remettre en cause notre ordre juridique, loin de mettre à mal notre hiérarchie des normes, le présent texte instaure un dispositif juridiquement solide, qui s'exerce dans un cadre juridiquement restreint et s'appuie sur les principes de subsidiarité et d'adaptabilité inscrits à l'article 72 de notre Constitution.
En outre, ce texte devrait être juridiquement applicable et recevable, car il limite de manière très étroite le champ et les possibilités de dérogation : les substitutions ne peuvent être mises en oeuvre que dans les cas où les textes adoptés par voie réglementaire pour l'application d'une loi imposent la réalisation de prestations ou de travaux nécessitant la mise en oeuvre de moyens disproportionnés au regard des objectifs recherchés et des personnes qui y sont assujetties.
Pour envisager de déroger, il faut dresser le constat qu'il est impossible d'appliquer la norme, que son éventuelle application déboucherait sur une véritable absurdité ou que le rapport entre l'objectif poursuivi et les coûts de mise en oeuvre est manifestement disproportionné.