Intervention de Françoise Descamps-Crosnier

Séance en hémicycle du 11 octobre 2012 à 15h00
Création des principes d'adaptabilité et de subsidiarité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Descamps-Crosnier :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, nous souscrivons à la nécessité de stopper l'inflation de la production normative, les 400 000 normes existantes étant indubitablement un frein à l'action des collectivités territoriales. Il nous apparaît crucial de faciliter le travail des élus de nos collectivités territoriales au quotidien. Nous n'en restons pas moins très réservés, voire plutôt opposés, aux solutions avancées par cette proposition pour y remédier.

Nombre de sujétions, c'est certain, sont insupportables, allant à l'encontre de l'efficacité de l'action locale et étant contraire à une bonne utilisation des deniers publics. On peut accorder aux auteurs de cette proposition de loi une bonne intention pour tenter de répondre à un besoin réel ! Mais cela ne suffit pas.

De prime abord, il a été rappelé lors des débats en commission ainsi qu'aujourd'hui que cette proposition présente un risque d'inconstitutionnalité, notamment parce qu'elle introduit une possibilité de déroger de manière bien trop évasive à la loi, autorisant ainsi la violation, de manière bien trop manifeste, du principe d'égalité d'accès au service public.

J'ai bien entendu l'opposition affirmer sa volonté de pragmatisme. On peut admettre la nécessité de simplification que cette proposition de loi entend traduire, mais on ne peut risquer de voter une nouvelle fois un texte fragile sur le plan juridique, comme l'a souligné M. le président de la commission des lois.

Ensuite, et c'est là où l'esprit de ce texte semble revêtir un caractère de division inutile, il introduit une distinction entre territoire rural et territoire urbain, alors qu'il faudrait plutôt renforcer leur complémentarité. C'est à vrai dire presque implicite : le texte initial ne contient pas les mots rural et ruralité. Le titre de la proposition de loi amorce cette différenciation, puis un amendement introduit explicitement l'idée, enfin le rapport la développe.

L'application des normes a un coût. C'est donc aussi un sujet financier : à cet égard, les collectivités diffèrent moins par leur caractère urbain ou rural que par les moyens dont elles disposent. On ne peut sous-entendre, comme le fait le rapport de la commission, que la loi est faite par et pour les villes au détriment du monde rural.

Enfin, cette proposition de loi s'en prend trop directement au législateur, présenté comme forcément déconnecté de la réalité locale, et toujours enclin à produire – je cite l'exposé des motifs – des normes manifestement disproportionnées. Aussi témoigne-t-elle d'une tentation grandissante dans notre République, celle de dénier aux normes leur légitimité. Cette tendance est dangereuse, et il est de notre responsabilité de la freiner.

En renforçant le rôle de la Commission consultative d'évaluation des normes, déjà pourrions-nous éviter la prolifération des normes et l'écueil de porter atteinte au travail du législateur, législateur qui devra s'investir dans le travail de révision des normes qu'il doit opérer dans le cadre de son pouvoir d'évaluation. Une mission à développer !

Par l'édiction de normes, l'État a continué d'intervenir régulièrement dans l'exercice des responsabilités locales. Forme de tutelle déguisée ? Décentralisation contournée ?

C'est en rétablissant la confiance entre l'État et les collectivités territoriales, dont en insufflant un changement de comportement et de relations, en faisant confiance à l'intelligence des territoires et de ses élus, en clarifiant les responsabilités de chacun, en donnant de la cohérence aux politiques menées par les collectivités, souhaits exprimés par le Président de la République, lors des États généraux de la démocratie territoriale, que l'on construira une gouvernance appropriée aux réalités des territoires quels qu'ils soient. L'allégement des normes peut découler, aussi, d'une confiance mutuelle.

Il ne s'agit pas, ici, de nier qu'il n'existe pas de particularité locale, de spécificités qui nécessitent des traitements différents. L'égalité n'est pas l'uniformité, cela a été répété à plusieurs reprises. Le Président de la République avait, lui-même, pendant la campagne présidentielle, parlé de bouclier rural.

Il nous faut donc engranger toute cette réflexion sur l'édiction des normes et leur mise en oeuvre, se mettre à la tâche et préparer un texte sécurisé qui nous permette de prendre le bon cap. Ce sera ce texte utile qu'attendent les élus des territoires.

Par ailleurs, l'acte III de la décentralisation construit avec les collectivités permettra aux territoires de maîtriser leur devenir, d'impliquer chacun dans la démocratie locale et d'offrir un service public au plus près des citoyens. Tel est l'enjeu de la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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