Intervention de Alain Vidalies

Séance en hémicycle du 11 septembre 2013 à 15h00
Transparence de la vie publique — Présentation commune

Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouvons donc aujourd’hui, probablement pour la dernière fois, autour des projets de loi relatifs à la transparence de la vie publique. Nous nous retrouvons après quatre mois d’échanges fructueux entre nous comme entre les deux assemblées. Nous nous retrouvons pour la lecture définitive du texte adopté par votre assemblée en nouvelle lecture le 23 juillet dernier.

Au cours de ces débats, le Gouvernement a écouté les deux assemblées et les députés de tous les groupes parlementaires et de nombreux amendements sont venus enrichir le texte. La discussion et l’échange entre nous ont, c’est manifeste, fait évoluer ces textes. Mesdames et messieurs les députés, le fait que les parlementaires fassent, in fine, la loi n’est pas une découverte ni une difficulté pour le ministre chargé des relations avec le Parlement. C’est la règle dans un régime parlementaire. C’est aussi cela, la revalorisation du rôle du Parlement !

C’est ainsi que les assemblées ont consacré jusqu’à aujourd’hui plus de soixante-trois heures en séance publique à ces projets, sans compter le travail en commission. Ce travail, conduit notamment par votre rapporteur et président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, que je tiens particulièrement à saluer, a été essentiel et son rapport de près de 500 pages a constitué un apport décisif au débat public sur la transparence.

L’enjeu des textes qui viennent pour la dernière fois en discussion aujourd’hui est simple, mais exigeant pour l’ensemble des responsables publics, car il s’agit de retrouver la confiance de nos concitoyens, de rétablir une capacité d’écoute de la parole publique. J’ai la conviction que, pour combattre le poison du soupçon, le meilleur des remèdes est l’exemplarité républicaine. Certes, la faute de quelques-uns ne peut emporter l’opprobre contre tous les autres, mais nul ne peut s’exonérer de la lecture de ces sondages qui révèlent une défiance grandissante, inquiétante des Français à l’égard de leurs représentants.

La démocratie est une quête permanente. Il nous semble donc que l’inaction n’est pas une option en ces domaines qui constituent les fondements, j’allais dire les fondations de notre maison commune, la République. Toutes les législations en la matière, sous tous les régimes, sont toujours nées des grands scandales politico-financiers. Je crois que chacun, dans la majorité comme dans l’opposition, peut partager ce constat qui est fidèle à l’histoire.

Ces projets de loi font le pari de restaurer la confiance dans les institutions comme dans leurs serviteurs en faisant précisément le pari de la confiance en nos concitoyens. Le contrôle des électeurs sur ceux à qui ils ont confié le soin de les représenter est une exigence démocratique ancienne. Ce regard citoyen est l’essence même de la démocratie représentative. Ces textes entendent adapter cette exigence à notre temps. Les propositions de la majorité sont donc précises, elles sont aussi très novatrices.

Pour la première fois, les quelque 8 000 plus hauts responsables publics de notre pays seront soumis à des règles nouvelles, afin qu’au lieu d’être ignorées, certaines situations soient organisées par ce droit nouveau : le droit des conflits d’intérêts. Pour la première fois, un texte législatif va donc définir la notion de conflit d’intérêts et mettre en place des outils pour prévenir ce genre de situation. Je l’ai souvent dit, je crois que l’on ne mesure pas les implications que ce dispositif induira pour l’avenir dans la conduite des affaires publiques.

Ces textes organisent ainsi un système de déport s’imposant par exemple aux membres des autorités administratives du domaine économique – car il ne faut surtout pas réduire ces textes aux seuls élus. Pour la première fois, les déclarations de situation patrimoniale seront véritablement contrôlées, car vous avez décidé de doter la nouvelle Haute autorité de moyens nouveaux et extrêmement efficaces pour détecter les irrégularités, ce sera l’alerte citoyenne, et combattre le détournement de nos lois fiscales, ce sera, par exemple, la possibilité de mettre en oeuvre l’assistance fiscale internationale.

Pour la première fois, un texte de cette portée va prévoir et encadrer le travail des lanceurs d’alerte dont l’actualité, ces derniers mois, a pu illustrer l’utilité pour le progrès de la vérité et des consciences. Pour la première fois, le financement des micro-partis va se trouver précisé. Il nous semble que ces dispositions introduites par le groupe écologiste seront extrêmement utiles pour assurer une meilleure application des lois sur le financement de la vie politique.

Il me semble donc que l’on ne peut pas sérieusement prétendre, si on veut bien les lire et les comparer à l’état du droit positif, que ces textes sont au rabais. L’énergie dépensée à les combattre atteste qu’ils doivent bien receler de puissants instruments de renouvellement de nos pratiques. Afin d’assurer le contrôle de ces différentes obligations, une Haute autorité de la transparence de la vie publique sera créée. Elle disposera de pouvoirs effectifs et sera dotée de l’autonomie financière et de la possibilité de fixer son organisation interne et ses procédures par un règlement général, comme l’a spécialement voulu votre rapporteur.

La Haute autorité pourra demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication. C’est là une avancée très importante puisque, sous le contrôle du juge, l’ensemble des fichiers comptables ou fiscaux seront à sa disposition. Nous avons eu quelques échanges tenant à la composition de ce collège. Nous nous félicitons, là encore, que les travaux de votre commission aient rétabli une composition ouverte à des personnalités qualifiées, mais dans un format compatible avec les implications d’une ratification aux trois cinquièmes.

Ces projets de loi contiennent enfin deux séries de dispositions tenant aux incompatibilités parlementaires et à une amélioration de la répression pénale. Nos premières propositions consistent à protéger les parlementaires des intérêts particuliers. Il s’agit là, je le crois, d’une préoccupation consensuelle, si l’on veut bien se souvenir des travaux en 1995 du groupe de travail du président Séguin et du rapport d’information de Jean-Jacques Hyest sur les conflits d’intérêts en 2011. Depuis 1958, la logique des incompatibilités – je n’ose parler de sens de l’histoire – n’est pas d’interdire l’exercice de toute activité professionnelle, mais plutôt de soustraire le mandat parlementaire aux influences susceptibles de l’écarter de la prise en compte de l’intérêt général.

Un consensus s’est dégagé entre les chambres pour interdire, par exemple, le cumul du mandat de parlementaire avec des fonctions au sein d’entreprises dont une part importante de l’activité commerciale est entretenue avec l’administration. Cela paraît important. Je tiens à rappeler que, concernant le contrôle de ces incompatibilités éventuelles en cas de conflits d’intérêts, le respect de la pleine autonomie des assemblées est assuré, car c’est et ce sera toujours le bureau des chambres qui aura le dernier mot, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

En ce qui concerne l’interdiction de toute nouvelle activité professionnelle pour les parlementaires, introduite à l’Assemblée nationale par un amendement du groupe socialiste, le Gouvernement considère qu’il s’agit d’une avancée utile pour prévenir les situations de conflits d’intérêts. Cette interdiction est simple et préserve la liberté des parlementaires, qui peuvent ainsi poursuivre ou débuter des activités littéraires ou artistiques. Par ailleurs, les bureaux des assemblées pourront tout à fait permettre à des députés en fin de mandat, et qui ne se représenteraient pas, d’amorcer une reconversion professionnelle, dès lors que cette activité n’est pas incompatible avec les impératifs du mandat national.

Si vous deviez adopter en lecture définitive, le 17 septembre prochain, les textes qui vous sont soumis, notre démocratie se trouverait renforcée.

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