Intervention de Catherine Coutelle

Séance en hémicycle du 23 juillet 2013 à 15h00
Adaptation dans le domaine de la justice au droit de l'union européenne et aux engagements internationaux de la france — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France contient deux chapitres qui intéressent particulièrement l’égalité entre les femmes et les hommes : le chapitre 1er , qui transpose la directive du Parlement et du Conseil européen d’avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains ; le chapitre XI, qui permet de ratifier la convention d’Istanbul, relative à la prévention et à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

L’esclavage est aboli en France depuis 1848, mais des formes nouvelles d’esclavage et de servitude existent et la condamnation de la France par la Cour de justice européenne a rendu nécessaire un travail de définition juridique.

Lors de la première lecture de ce texte, vous nous aviez alertés, madame la ministre, sur la nécessité de sécuriser les définitions avancées sous forme d’amendements par la commission. Depuis, un travail approfondi a été mené, et je veux saluer ici l’engagement de Marietta Karamanli et d’Alain Richard, qui ont conduit un travail particulièrement constructif et passionnant en CMP. C’est une première qui mérite d’être soulignée.

Comme la définition du harcèlement, apportée au début de la présente législature, ces précisions permettront de juger de faits graves, en matière de droits humains en général et de droits des femmes en particulier. C’est pourquoi, pour la Délégation aux droits des femmes de cette assemblée, ce texte est d’une particulière importance. Il faut en effet insister sur le fait que, pour la première fois, l’esclavage constitue une incrimination pénale, ce qui va permettre de mettre des mots sur des situations, au lieu des subterfuges utilisés jusque-là.

Notre travail prend également tout son sens dans le cadre des objectifs portés par la convention d’Istanbul signée par la France. Adapter cette dernière dans le droit français constitue une nouvelle étape pour faire vivre les engagements pris par notre pays en la matière. Cette convention stipule, en son article 3, que les violences faites aux femmes sont une « forme de discrimination » et « désignent tous les actes de violence fondés sur le genre ».

Faut-il rappeler que les femmes sont exposées à des formes graves de violence du fait même qu’elles sont femmes ? Harcèlement sexuel, mariage forcé, viol, esclavage domestique, servitude, traite, prostitution. Le reconnaître, ce n’est pas nier une quelconque différence biologique, c’est au contraire se donner tous les moyens d’agir.

Je relève d’ailleurs avec satisfaction la cohérence de l’action menée par ce Gouvernement. En effet, tandis que nous transposons ces mesures la ministre des droits des Femmes a déposé en conseil des ministres son projet de loi visant à renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes. Ce texte devrait arriver à la rentrée devant nos assemblées.

En matière de processus législatif, cette cohérence nous permettra aussi d’avancer demain plus efficacement pour lutter contre une des formes de violence faites aux femmes – la traite – qui existe dans notre pays, du fait notamment des mafias de la prostitution.

Engagée au sein de la Délégation aux droits des femmes, appuyée sur ces nouvelles définitions, une proposition de loi visant à mettre fin au système prostitueur sera soumise au Parlement d’ici la fin de l’année. Elle nous permettra de lutter juridiquement contre cette forme de traite, alors que 90 % des femmes qui subissent la prostitution en sont victimes.

La mobilisation pour lutter contre les violences faites aux femmes doit être une mobilisation de tous les instants, et je souhaite que notre pays continue à prendre des positions courageuses contre la traite.

Car la France est regardée. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons, avec Axelle Lemaire, souhaité créer un groupe d’étude intitulé « Genre et droits des femmes à l’international ». Parce que, sans exception, les associations et les ONG que nous rencontrons nous disent combien la diplomatie des droits des femmes, la diplomatie parlementaire et une France en première ligne sur le sujet sont fondamentales pour que les choses changent dans un monde où l’égalité entre femmes et hommes est un combat jamais terminé, jamais gagné, face à des forces réactionnaires et conservatrices.

À l’ONU, M. Ban Ki-moon a fait de l’autonomie des femmes une de ses priorités, comme il nous l’a répété lors de son passage à l’Assemblée. Il est aussi, plus généralement, engagé dans la renégociation des objectifs du millénaire. Nous devons être attentifs aux grands rendez-vous tels que la conférence de Pékin et la conférence du Caire.

Réaffirmer ces droits reste novateur en termes d’égalité. Mais cette mobilisation, et ce sera ma conclusion, se joue aussi au niveau européen. L’Union européenne nous permet de progresser lorsqu’elle nous demande de transposer des textes. Notre droit a souvent évolué, en termes d’égalité, grâce à ces transpositions. Mais, face aux grands rendez-vous, et je le dis aux ministres qui nous représentent au Conseil des ministres européen, l’Europe doit parler d’une seule voix. Tel n’est pas le cas s’agissant du droit des femmes, ce qui affaiblit notre capacité d’intervention.

Ce texte n’est pas anodin ; c’est une avancée tout à fait majeure pour l’égalité des femmes et des hommes. Je remercie tous ceux, et en particulier toutes celles, qui s’y sont fortement impliqués.

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