Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un travail parlementaire sur les conditions relatives aux droits et à la protection des citoyens faisant l’objet de soins psychiatriques, lequel a abouti dans un délai court – trop court, ont jugé certains – à un texte équilibré puisqu’il fallait répondre aux lacunes relatives au droit des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques, telles que définies dans la loi du 5 juillet 2011.
Dans un premier temps, je tiens à saluer le travail des rapporteurs, M. Denys Robillard pour l’Assemblée nationale et M. Jacky Le Menn pour le Sénat qui, l’un et l’autre, en bonne intelligence, ont porté haut le débat d’une initiative parlementaire salutaire.
Il s’agit tout d’abord de répondre aux décisions du Conseil constitutionnel, lequel nous a alertés sur la nécessité de créer un « triangle vertueux » entre la protection des libertés, le maintien de la sécurité publique, mais aussi l’impérieuse nécessité d’apporter des soins aux personnes souffrant de pathologie mentale. N’oublions pas que ces dernières sont avant tout des malades et bien plus souvent encore des victimes plutôt que des délinquants, ce que la loi précédente avait eu parfois tendance à oublier.
Il était donc nécessaire de rééquilibrer un paradigme qui ne recueillait pas l’assentiment des professionnels de la psychiatrie, stigmatisait la maladie mentale et donnait aux hôpitaux une teinte très carcérale.
Au terme d’une commission mixte paritaire fructueuse, le groupe écologiste se réjouit de l’esprit du texte et de son contenu. Nous soutenons ainsi le rétablissement de la possibilité de sorties de courtes durées qui avait été supprimée par la loi de 2011, l’organisation d’audiences plus adaptées aux personnes souffrant de troubles mentaux, la limitation puis la suppression par le Sénat – validée par la CMP – du recours à la visioconférence que nous avions d’ailleurs déjà fortement encadré dans nos propres travaux.
De même, nous nous félicitons de l’adoption de notre proposition visant à accorder la possibilité pour les députés, les sénateurs et les représentants français au Parlement européen de visiter tout établissement de soin habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement et, ce, au même titre que d’autres lieux de privation de liberté tels que les établissements pénitentiaires, les locaux de garde à vue ou les centres de rétention. Nous considérons en effet qu’en matière de libertés publiques il ne peut y avoir de zone d’ombre ou de lieux qui échapperaient au contrôle démocratique. Au-delà, j’espère que cette réflexion sera l’occasion pour les parlementaires de se pencher davantage sur ce qui se passe dans le milieu psychiatrique et que nous aurons l’occasion de mener un travail plus approfondi en la matière.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 avril 2012, signalait des restrictions des droits de la personne, s’agissant du régime dérogatoire applicable à la sortie de personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles ou déclarées pénalement irresponsables. Sans remettre en cause le principe d’un régime de soins plus strict pour ces deux catégories de personnes, le Conseil a néanmoins estimé que les garanties qui entourent ce régime devaient relever du pouvoir du législateur, et non du cadre réglementaire. Nous saluons donc le retour dans le droit commun des patients admis en UMD, dans la mesure où il n’y avait aucune raison de leur imposer un régime dérogatoire particulier. Nous saluons la décision de la CMP, qui répond ainsi aux exigences du Conseil constitutionnel plutôt que de s’en tenir au régime général des soins psychiatriques sans consentement. Elle permettra de satisfaire aux exigences de sécurité et d’ordre public pour les patients jugés pénalement irresponsables, lorsque cela est justifié.
S’agissant de l’article 4, la CMP a proposé un retour au texte voté à l’Assemblée nationale, qui précise que le juge des libertés et de la détention ne peut décider la mainlevée de la mesure qu’après avoir recueilli deux expertises établies par des psychiatres. Cette mesure, qui a été portée par notre assemblée, réaffirme d’abord un souci de collégialité dans la prise de décision ainsi que l’apport précieux de l’expertise médicale, mais elle garantit aussi, aux yeux de l’opinion publique – le rapporteur y a fortement insisté – que les conditions de remise en liberté respecteront toutes les précautions nécessaires.
Par ailleurs, la proposition de loi proposait de ramener de quinze à dix jours le délai permettant de déterminer si le maintien de l’hospitalisation sous contrainte était nécessaire ou non. Notre rapporteur, Denys Robiliard, signalait en effet dans ses conclusions que les experts psychiatres sont en mesure de déterminer rapidement l’opportunité du maintien de l’hospitalisation sous contrainte ou de sa levée. Le groupe écologiste avait proposé de ramener ce délai à cinq jours, mais il a entendu les arguments en faveur d’un délai un peu plus long, à la fois pour laisser au patient la capacité d’organiser sa défense et pour que les psychiatres puissent voir la situation du malade se stabiliser. C’est finalement un délai de douze jours qui a prévalu, à l’Assemblée comme au Sénat.
Enfin, je forme le voeu, avec nombre de nos collègues, que la santé mentale figure en bonne place dans la prochaine grande loi de santé publique annoncée pour 2014, car il importe de travailler à une redéfinition des missions de la psychiatrie publique, et aux moyens nécessaires à leur réalisation. Nous veillerons à ce que l’accent soit mis sur la prévention, à travers la mise en place de conseils locaux de santé mentale, d’équipes mobiles chargées du suivi des patients, mais nous réaffirmerons aussi notre volonté de voir réhabiliter la formation des infirmières et des infirmiers, pour lesquels une formation spécifique en psychiatrie n’existe plus depuis 1992.
Le groupe écologiste soutient donc sans réserve les travaux issus de la CMP et salue l’esprit qui a présidé à ses échanges.