Mais cette méthode est suspecte lorsque l’habilitation – si vous me permettez cette expression – part dans tous les sens, et lorsque vous ne dites pas très clairement au Parlement où vous souhaitez réellement aller.
On trouve dans ce projet de loi des dispositions qui n’y ont manifestement pas leur place. Je prendrai quelques exemples. Réformer la Société du Grand Paris, est-ce vraiment simplifier et sécuriser la vie des entreprises ? Ce n’est pas sûr. Modifier le régime de la participation des employeurs à l’effort de construction, est-ce vraiment simplifier et sécuriser la vie des entreprises ? Adopter, comme vous nous le demandez, des dispositions longues d’une vingtaine de lignes pour transposer les récentes directives bancaires à la suite des accords de Bâle III, est-ce vraiment simplifier et sécuriser la vie des entreprises ? L’encre de la loi bancaire adoptée par le Parlement en juillet dernier à l’initiative de Pierre Moscovici est à peine sèche qu’il faudrait déjà la modifier, en fermant les yeux et en avalant une ordonnance. C’est tout de même assez singulier. Nous avons eu, dans cette assemblée, des heures et des heures de débat, sur tous les bancs, à propos de la loi bancaire, et l’on vient nous dire à présent que par une simple ordonnance, on va transposer tout le paquet des directives « Bâle III » : voilà une méthode étonnante, qui devrait susciter sur tous les bancs, notamment à la gauche de la gauche, des interrogations très vives.
Simplifier et sécuriser la vie des entreprises, selon vous, c’est également nous demander de vous autoriser à modifier par ordonnance les modalités de traitement des entreprises en difficulté. C’est, là encore, très curieux. Mme Pellerin, que nous avons interrogée en commission des lois, a évoqué une ordonnance sur les entreprises en difficulté et nous a indiqué qu’il y aurait peut-être, un jour, un projet de loi sur les tribunaux de commerce, à la suite de cet important travail réalisé conjointement par nos collègues Marcel Bonnot et Cécile Untermaier, ici présents. Il est assez curieux de faire éclater cette réforme, en y plaçant un petit bout dans une ordonnance et un autre bout dans un projet de loi. À l’évidence, un texte unique, quel qu’en soit le fond, aurait permis, en ces matières complexes, un débat rationnel et utile aux entreprises. Nous ne pourrons avoir ce débat aujourd’hui puisque vous faites le choix de cette méthode étonnante. Je pourrais, hélas, multiplier les exemples. Vous nous demandez de nous prononcer en bloc alors que, pour juger utilement de vos propositions, il faudrait en connaître les détails. Au fond, monsieur le ministre, votre projet de loi ressemble à un manteau d’Arlequin : on y trouve toutes les couleurs, pour le meilleur, parfois, quoique rarement, et pour le pire, souvent.
Le troisième et dernier message que je souhaite délivrer à ce stade de nos débats porte sur des simplifications nécessaires, et pourtant oubliées par le Gouvernement. Je pense, d’abord, à l’urgente simplification des mesures de soutien à la compétitivité des entreprises. Le crédit d’impôt compétitivité-emploi – le CICE – est hélas, à cet égard, un contre-modèle presque parfait : plutôt que de diminuer les charges sociales, comme tous les acteurs économiques le souhaitaient, vous avez, mesdames et messieurs les députés de la majorité, préféré inventer un mécanisme d’une effarante complexité, au point que les PME ne peuvent pas en bénéficier réellement, tant le coût d’entrée serait élevé. Vous l’avez sans doute fait, comme moi, dans vos départements : j’ai réuni il y a quelques jours une vingtaine d’entreprises de travaux publics et du bâtiment installées dans ma circonscription. Je leur ai demandé si le CICE marchait, si, en 2013, elles avaient bénéficié de certains avantages en faisant jouer le mécanisme de créance que vous avez ouvert.