Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’inflation législative et réglementaire est un mal français. Déjà en 1588, dans le livre III de ses Essais, Montaigne constatait : « Nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble. […] Qu’ont gagné nos législateurs à choisir cent mille espèces et faits particuliers, et y attacher cent mille lois ? […] La multiplication de nos interventions n’arrivera pas à la variation des exemples. Il y a peu de relation de nos actions, qui sont en perpétuelle mutation, avec les lois fixes et immobiles. Les plus désirables, ce sont les plus rares, plus simples et générales. »
Plus de quatre siècles plus tard, rien n’a changé. Au contraire : la prolifération des normes, la complexité des réglementations et des procédures, l’insécurité juridique sont toujours des maux profonds dont souffrent notre beau pays et notre économie, et qui constituent un frein majeur à l’initiative, à l’innovation, à la croissance, d’autant que l’inflation législative et réglementaire s’est encore accélérée depuis une trentaine d’années.
Et nous en sommes directement responsables, mes chers collègues.
Le Recueil des lois publié par l’Assemblée nationale s’épaissit et s’alourdit d’année en année. Alors qu’il ne comptait que six cent vingt pages en 1970, il en fait aujourd’hui près de mille neuf cents.
« Nul n’est censé ignorer la loi », répète-t-on, mais quel pays peut faire appliquer efficacement sept codes légaux constituant plus de vingt et un mille pages de règles de droit ?
Les entrepreneurs de notre pays, notamment ceux qui sont à la tête de petites entreprises, sont confrontés à un univers kafkaïen de règles aussi tatillonnes qu’inefficaces.
Notre code du travail, qui comptait six cents articles en 1973, en possède aujourd’hui près de dix mille avec près de trois mille pages. Nous voilà bien loin des cinquante-quatre articles du code du travail suisse ou des neuf cent cinquante pages du code belge.
Une fiche de paie compte au moins vingt lignes en France contre six en Allemagne.
Certes, les causes en sont diverses : besoin de sécurité croissant dans une société de plus en plus complexe, mais aussi moyen d’affichage politique de la volonté des élus de traiter un problème. Cette surenchère juridique pèse sur le fonctionnement de notre société tout entière et sur notre croissance économique.
Dans un monde ouvert et de compétition dans tous les domaines, le coût de ce qu’il est convenu d’appeler « l’impôt papier » devient exorbitant. Selon une étude de la Commission européenne, diminuer de 25 % les charges administratives qui pèsent sur les entreprises françaises permettrait d’économiser 15 milliards d’euros, 0,8 % de notre PIB, soit exactement le dérapage du déficit budgétaire entre 2013 et 2014, monsieur le ministre.
Au moment où notre pays est confronté à une situation économique et sociale des plus difficiles, nous devons tout faire pour simplifier nos textes et nos procédures.
Tel est l’objet du texte présenté par le Gouvernement et dont nous discutons aujourd’hui.
Si plusieurs mesures proposées pourront permettre de clarifier des compétences ou d’harmoniser des procédures, ce projet fourre-tout est malheureusement bien en deçà du fameux « choc de simplification » annoncé par le Gouvernement.
Il intervient après plusieurs textes de simplification du droit adoptés sous la précédente législature, à l’initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann.
Je pense en particulier à la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives.
Malheureusement, la multiplication des textes de simplification du droit au cours des dernières années ne semble pas être en mesure d’endiguer l’inflation législative. C’est pourquoi, à mon sens, nous devons prendre des mesures d’une tout autre ampleur pour réduire, pour stopper cette inflation législative, pour lever ce frein à la croissance.
Notre pays ne pourrait-il pas se doter d’une véritable règle d’or de la simplification du droit ? Cette règle imposerait à tous les producteurs de normes dans notre pays, État et collectivités locales, de supprimer préalablement deux normes en vigueur avant d’en adopter une nouvelle.
Cette règle d’or imposerait également de supprimer deux organismes en place, avant d’en créer un nouveau.
Cette règle d’or, nous pourrions très rapidement, ensemble, en proclamer le principe.
Dans cette perspective, je déposerai dans les jours à venir une proposition de résolution parlementaire visant à instituer une telle règle d’or de la simplification administrative.
Je suis convaincu, mes chers collègues, que nous pouvons nous retrouver nombreux, sur tous les bancs de notre assemblée, sur cet objectif majeur pour notre pays, la simplification.