Je souhaite intervenir dès à présent, en tant que président de la commission des finances, afin d'évoquer un problème juridique. Il me semble que l'article 6, monsieur le ministre, même amendé par le Gouvernement, va poser un problème au regard de ce qu'on nomme la « petite rétroactivité ».
La rétroactivité n'est admise par le Conseil constitutionnel que pour des motifs d'intérêt général très sérieux. La définition de la petite rétroactivité, quant à elle, est plus large. Mais le Conseil d'État vient, par deux décisions récentes, de préciser cette définition, ce qui devrait nous conduire à modifier nos appréciations.
La petite rétroactivité n'est admise que si la modification de la règle fiscale ne vaut que pour l'avenir. Lorsque le législateur modifie les règles d'assiette d'un impôt, cette modification ne peut trouver application que pour l'imposition des bénéfices des exercices clos après son entrée en vigueur, cela aux termes de la décision « Sources Roxane » du 27 juin 2008. Nous verrons à l'article 15 que, de ce point de vue, plusieurs dispositions relatives à l'impôt sur les sociétés ne posent pas de problème.
Ensuite, la modification ne doit pas porter atteinte à une espérance légitime. Ceci doit être regardé comme un bien au sens des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne des droits de l'homme. Cette question vient de faire l'objet d'une décision du Conseil d'État du 9 mai 2012.
Ces deux décisions du Conseil d'État montrent clairement qu'il n'est pas possible de revenir, rétroactivement donc, sur le montant d'un impôt payé, à moins de porter atteinte aux biens.