La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2013 (nos 235, 251).
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 83 portant article additionnel après l'article 10.
Nous allons maintenant examiner les articles 6 à 8, précédemment réservés.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
La parole est à M. Hervé Mariton.
Monsieur le ministre délégué chargé du budget, l'OFCE qui, en général, ne vous est pas désagréable, a rappelé ce matin combien vous auriez du mal à tenir l'objectif de 3 % du déficit public. Voilà ce qui arrive lorsque l'on ne maîtrise pas la trajectoire des finances publiques.
Cet observatoire considère que vous serez bien davantage autour des 3,5 %.
Vous avez été obligé d'avoir la main lourde et maladroite. Voilà ce qui se passe lorsque l'on ne fait pas assez d'économies et que l'on recourt trop à l'impôt.
Les modalités de la fiscalité sur les plus-values que vous aviez prévues devaient rapporter 1 milliard d'euros. Or vous êtes obligé de déposer un amendement pour corriger votre tir, après que les « pigeons » se sont manifestés et ont renversé votre opération. Vous abandonnez ainsi 800 millions de rendement sur un dispositif qui devait, à l'origine, j'y insiste, rapporter 1 milliard. C'est ce que j'ai appelé hier un « krach », terme qui m'avait été suggéré par un collègue socialiste.
Le dispositif initial attentait gravement aux possibilités de création et de développement des entreprises. Il était totalement décalé avec les termes de la concurrence européenne, des taux d'imposition des plus-values mobilières de 27 % en Allemagne, de 28 % au Royaume-Uni, entre 21 et 27 % en Espagne, entre 13 et 20 % en Italie.
Vous créez des inégalités entre actionnaires français et étrangers au sein des entreprises…
…dont on peut raisonnablement espérer le développement. C'est grave pour les actionnaires français.
Vous introduisez une rétroactivité, d'évidence contraire aux décisions les plus récentes du Conseil d'État qui précise qu'une modification législative ne doit pas porter atteinte à une espérance légitime quant au résultat économique de l'opération.
Enfin, il sera essentiel que vous précisiez, lors de la présentation de votre amendement, un certain nombre de dispositions. Je pense en particulier à l'abattement pour la durée de détention de parts de FCPR et un certain nombre d'autres modalités techniques qui restent imprécises aujourd'hui.
Monsieur le ministre, je me demande pourquoi l'on change les choses, pourquoi vous mettez en place un système aussi compliqué dirigé vers – ou contre, je ne sais pas – les chefs d'entreprise, avec un climat de suspicion vis-à-vis de leur capacité à créer une entreprise puis à la réaliser.
Vous décidez de « barémiser » les plus-values de cession car vous partez du principe que ce sont des revenus. Pour notre part, nous estimons que les plus-values de cession ne sont pas exactement des revenus, les revenus étant plus fluides, plus réguliers.
Lorsqu'il y a cession, il y a prise de risque. La prise de risque peut durer longtemps et d'ailleurs il peut n'y avoir aucune plus-value. En outre, l'argent qui est investi a souvent été fiscalisé dans un premier temps. Il me semble donc difficile de considérer qu'il faut taxer le capital comme le travail. Il n'est peut-être pas politiquement correct de le dire, mais n'oublions pas que le capital a déjà été souvent fiscalisé parce que c'était au départ un revenu. Et le capital est encore plus mobile que le travail. Nous avons besoin autant de capital que de travail. En général, c'est parce qu'il y a du capital qu'il y a du travail. Et c'est parce qu'il y a du capital qu'on peut ensuite taxer le travail. Dans une économie comme la nôtre, on peut regretter cette modernité et c'est la question que pose l'article 6.
Voilà les conflits d'intérêt qui s'amorcent ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Qu'est-ce que cela veut dire ? Monsieur le rapporteur général, vous nous demandez d'être polis, mais vous, vous ne l'êtes pas !
Ces propos sont scandaleux !
Madame la présidente, je demande la parole pour un rappel au règlement !
Mon rappel au règlement, auquel j'associe tous les collègues de mon groupe, en particulier Jean-François Lamour, est fondé sur l'article 58, alinéa 1.
Monsieur le rapporteur général, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet allait prendre la parole quand vous avez parlé de conflit d'intérêts.
Je trouve que ce n'est pas convenable. Il conviendrait que vous vous excusiez !
C'est pourtant le rapporteur général qui parlait de politesse hier soir !
J'aimerais que le rapporteur général précise sa pensée. Pour ma part, je n'ai pas entendu son propos. Mais si c'est vraiment ce qu'il a dit, cela mérite en effet des excuses car ces propos sont complètement décalés.
Est-ce que, lorsqu'on parle du PLFSS, le ministre qui est médecin par ailleurs, est en situation de conflit d'intérêts ou est-ce qu'il le serait parce qu'un membre de sa famille serait concerné par les décisions qui sont prises ?
Madame la députée, je vous propose de prendre la parole, comme prévu, sur l'article 6.
Dans un tel contexte, je ne prendrai pas la parole avant d'avoir eu une clarification sur ce qui vient d'être dit.
Chacun est libre de prendre la parole. Si le rapporteur général ne souhaite pas s'exprimer, je vous la donne sur l'article 6. Si vous y renoncez, dites-le moi et je donnerai la parole à l'orateur suivant.
La parole est à M. Hervé Mariton.
Madame la présidente, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.
Rappels au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures quinze.)
La séance est reprise.
La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.
Le propos qui a été tenu à l'égard de notre collègue Nathalie Kosciusko-Morizet est tout à fait inacceptable.
En même temps, il faut que nos travaux avancent, nous comprenons tous cela et nous ne sommes pas là pour rester sur cet incident jusqu'à la fin des temps. Au minimum, ce qui me paraîtrait convenable serait que le rapporteur général retire son propos. Cela nous permettrait d'avancer dignement, les uns et les autres.
Au titre de l'article 58. Je crois que Mme Kosciusko-Morizet n'avait pas entendu ce qui avait été dit. Je suis soucieux que le débat se passe de la meilleure des façons – je m'en suis entretenu avec le rapporteur général –, soucieux qu'il ne puisse y avoir aucune interprétation des propos qui sont tenus.
À ce titre, je voudrais dire que chacun des parlementaires a le droit au respect total de la fonction qu'il incarne ici, mais aussi des responsabilités qui sont les siennes dans cet hémicycle. Or, je suis choqué d'un certain nombre de propos qui, depuis le début du débat budgétaire, peuvent être tenus, quelquefois même à l'encontre du rapporteur général, et qui pourraient justifier, bien plus que cela ne se passe, que la tension puisse monter par moments. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je souhaite que les choses puissent se dérouler sans qu'il y ait d'interprétations qui soient à l'évidence très éloignées des propos qui ont pu être tenus. De ce point de vue, je voudrais assurer le rapporteur général de la confiance que nous avons aujourd'hui dans le travail qu'il mène et de notre soutien total face à des attaques injustes qu'il subit depuis plusieurs heures dans ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Chers collègues, cet article a été réservé, il vient maintenant en discussion. J'ai beaucoup de respect pour ceux qui sont là depuis le début. Mais je trouve qu'un certain nombre de nos collègues sont un peu évanescents et viennent à des moments très choisis et très ponctuels pour dire un certain nombre de choses, puis n'attendent même pas par courtoisie – cela s'est passé hier – les réponses qui peuvent être apportées.
J'ai eu une petite réaction que je suis prêt à retirer et à regretter, mes chers collègues, mais elle trouve son explication dans un certain nombre de phénomènes dont vous avez compris la teneur. Donc, je suis prêt à retirer mes propos, afin que les travaux se poursuivent en toute sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dans la suite des orateurs inscrits sur l'article, la parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
Je prends acte que le rapporteur général retire son propos et par ailleurs le regrette.
S'agissant du suivi des débats, je voudrais lui signaler qu'il est assez commun, compte tenu du nombre de réunions que nous avons par ailleurs, que les députés viennent, reviennent, repartent. J'étais hier dans l'hémicycle, je le suis aujourd'hui, pour des amendements que j'ai déposés et dont je vois d'ailleurs avec intérêt qu'ils ont été repris par le Gouvernement. Je ne comprends donc pas bien votre commentaire : si vous les avez repris, c'est probablement que vous les trouviez, au moins pour partie, légitimes.
Monsieur le ministre, vous avez réservé les articles 6 et 7 pour que nous puissions examiner vos amendements. Ce sont des articles importants pour l'avenir de l'entreprise, des salariés et de la création en France. Vos propositions sur ce sujet ont suscité une véritable fronde, qui vous conduit pour partie à revenir en arrière, tant mieux !
Cela dit, ce que vous avez fait pose d'abord un problème de méthode. Cela montre votre déconnection, monsieur le ministre, la vôtre et celle de vos équipes, avec le monde de l'entreprise, avec la création d'entreprise : une déconnection et même une incompréhension du processus qui permet à une entreprise de naître, de créer de l'emploi, de créer de la richesse, de croître, ou éventuellement d'échouer puisque, finalement, c'est malheureusement le cas de la majorité des entreprises en création.
C'est une politique de Gribouille que vous menez là. Normalement, on consulte avant et on mesure l'impact de ce qu'on fait avant. Beaucoup d'énergie aurait été épargnée, beaucoup de confusion aussi, une confusion qui ne sert pas l'image de la France dans le monde économique, si vous aviez inversé les choses et consulté avant de proposer.
Vos propositions étaient inefficaces et injustes. Inefficaces, parce qu'il faut bien que quelqu'un finance les jeunes entreprises, qui ne sont pas cotées : celui qui finance investit pour des années, prend des risques – trois entreprises sur quatre échouent – et ne peut pas revendre des actions puisque, par définition, elles ne sont pas cotées. C'est un investisseur qui accompagne l'entreprise pendant de nombreuses années.
Injustes, parce que ce n'est pas un rentier. Vous avez taxé de rentiers des jeunes qui pour certains ne se paient pas pendant des années, travaillent quinze heures par jour, vous le savez bien.
Et puis, dernière chose madame la présidente, il y a un problème de fond. Vous tendez perpétuellement à faire la différence entre capital et travail ; dans le monde de l'entreprise, le capital et le travail sont fortement associés. Nombreux sont les salariés qui sont payés en parts d'entreprise, parce que justement ils ne sont pas payés. Ils sont payés en espérance. Finalement, vous taxez l'espérance.
Vous reprenez mes amendements qui portent sur la non-rétroactivité et je les retirerai si l'amendement du Gouvernement est voté.
Je prie les orateurs de respecter leur temps de parole, qui est de deux minutes.
La parole est à Mme Laure de La Raudière.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai la même interrogation qu'en discussion générale et je souhaiterais que M. le ministre puisse nous répondre.
Comment avez-vous pu valider un article pareil ? Comment avez-vous pu faire cette erreur, monsieur le ministre, d'imaginer de taxer les plus-values de cession de jeunes entreprises innovantes, de start-up, de la même façon que des rentiers ?
Comment avez-vous pu imaginer que le dividende distribué soit moins taxé que le dividende réinvesti, ce qui est le cas dans cet article ?
C'est en outre le contraire de ce que vous aviez dit dans votre campagne électorale : si vous faites le calcul, dans la version actuelle du PLF, le dividende distribué est moins soumis à l'impôt que le dividende réinvesti.
Bien sûr, vous nous proposez une rectification, une espèce d'usine à gaz fiscale, parce que vous avez compris votre erreur. Heureusement, d'ailleurs ; mais votre usine à gaz fiscale ne correspond pas non plus à la réalité. Vous savez bien que les start-up qui lèvent des fonds, celles qui réussissent en fait, le font pendant cinq à dix ans et, pendant ce temps-là, le fondateur qui a sué sang et eau pour la développer, qui n'a pas dormi de la nuit, qui a cherché à développer un produit innovant, à gagner des marchés à l'international, voit sa part diluée et, au moment de la vente, n'a pas 2 % des actions. Même la version que vous nous proposez aujourd'hui n'est pas conforme à la réalité des entreprises.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, je ne vais pas répéter tout ce que mes collègues ont pu dire, mais je voudrais parler en tant que chef d'entreprise. Certes, le rapporteur général va me parler de conflit d'intérêts : je suis désolé, il n'y a que six chefs d'entreprise à l'Assemblée et s'il y en avait un peu plus, ce serait tout de même intéressant.
Je me demande sérieusement si je me serais lancé, en 2000, avec le cadre juridique et fiscal que vous êtes en train de mettre en place. Certes, les amendements que vous nous proposez rendent le dispositif fiscal moins pire, mais la question n'est pas seulement fiscale, elle est aussi politique, comme l'ont dit mes collègues.
Avec cette disposition, vous envoyez un signal très négatif aux créateurs d'entreprise, vous ne les comprenez pas et surtout vous ne les aimez pas. Vous les prenez pour des pigeons, tout juste bons à être plumés. Même si le dispositif fiscal est finalement vidé d'une partie de sa nocivité, le mal est fait : les créateurs d'entreprise savent qu'ils n'ont rien de bon à attendre de ce Gouvernement. Or, mes chers amis, l'aspect psychologique est fondamental dans la création d'entreprise. Monter son entreprise, c'est plusieurs années de galère, on prend des risques financiers importants, on hypothèque sa maison dans certains cas, on met en jeu les économies de sa famille et des amis qui ont bien voulu mettre de l'argent dans l'affaire. On ne compte pas ses heures, on se paye en dernier s'il reste de l'argent. Mais on le fait par passion et parce qu'au bout on a l'espérance d'un gain éventuel lors de la revente de son entreprise. Le Gouvernement casse cela en taxant lourdement la revente, seul moyen pour le créateur d'entreprise de tirer une rémunération à la hauteur des risques pris et du travail accompli.
Je ne reviendrai pas sur la procédure, mais nous avons suffisamment critiqué, les uns et les autres, lorsque nous étions dans l'opposition, cette façon de faire pour ne pas rappeler que ce n'est pas une façon de travailler.
Mais je voudrais examiner le fond. D'où viennent tous les problèmes que nous avons sur l'article 6 ? D'une confusion entre la notion de revenu et la notion de plus-value. C'est l'idée même de barèmisation des plus-values qui constitue une erreur de fond. Et une deuxième erreur, une erreur économique, est de ne pas se rendre compte que nous devons articuler notre droit fiscal national aux droits fiscaux des principaux pays qui nous entourent. Sinon, les entrepreneurs partiront.
Je voulais féliciter M. le ministre : il vaut mieux reconnaître ses erreurs et l'amendement dont nous allons discuter tout à l'heure, c'est l'abandon en fait de l'essentiel de l'article 6, puisque je vous rappelle que l'amendement rapportera 100 à 200 millions, contre un milliard dans l'article 6. En revanche, monsieur le ministre, cela a fait des dégâts.
L'affaire des « pigeons » montre qu'à des gens qui ont pris des risques considérables sur leur patrimoine personnel – une partie d'entre eux se sont ruinés dans la création d'entreprise – on dit : « Vous allez être traités comme si vos gains étaient un revenu. » C'est cela, votre erreur fondamentale.
Je partage l'avis de mon collègue Charles de Courson. Il y a là un bon symbole, même si en réalité il est mauvais, de la façon dont vous avez élaboré ce projet de loi de finances et dont vous gouvernez la France, sans concertation aucune, sans avoir d'aucune manière mesuré l'impact économique de ce que vous étiez en train de préparer. Vous êtes obligés de reculer, en quelques jours, sous la pression de la blogosphère, parce que les « pigeons » n'avaient pas envie de se faire pigeonner par un gouvernement qui n'avait même pas pris la peine de mesurer ce qu'il était en train de faire.
En réalité, c'est à partir d'une vision purement idéologique de l'économie que vous aviez élaboré votre programme présidentiel, mais également ce projet de loi de finances. Vous disiez respecter des promesses : en réalité, vous étiez en train de tuer toute capacité non seulement de créer des entreprises dans notre pays, mais aussi d'en développer un certain nombre.
Oui, c'est un recul, on le sait bien, vous jetez malgré tout un symbole parce que vous ne voulez pas avoir l'air de tout abandonner : c'est bien dommage. Reste à la sortie que vous augmentez la taxation sur les plus-values, avec un mécanisme assez compliqué, en désespérant beaucoup de gens qui vont se dire que, pour vous, les entrepreneurs sont les adversaires du Gouvernement, en tout cas du reste des Français. Je me demande bien, monsieur le ministre, surtout au regard des mesures que vous prenez dans ce PLF, comment vous pouvez compter sur eux pour faire baisser le chômage. D'ailleurs, sans eux, comment ferait-on ?
Je veux appeler votre attention sur deux points malgré tout. Le système que vous mettez en place est moins favorable que l'investissement dans l'immobilier, ce n'est pas bon pour l'économie française et j'aurai l'occasion d'y revenir. Enfin, vous faites courir le risque de rendre impossible l'accès au capital-risque de nos PME, qui ne trouvent plus de partenariat auprès des banques, quoi que les banques en disent. Or, ce capital-risque, elles en ont besoin, sinon elles ne se développent pas ou elles meurent.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les mouvements de ces derniers jours il y avait un signal, un appel. Il n'y a rien d'indécent à ce que les entrepreneurs nous demandent : « mettez-vous un peu à notre place, à nous entrepreneurs, nous épargnants investisseurs qui alimentons la prise de risque, qui alimentons le mouvement économique, la dynamique entrepreneuriale en France. »
Quels sont les trois paramètres en fonction desquels raisonnent à la fois ces entrepreneurs et les investisseurs, solidaires de la prise de risque ? D'abord, il ne faut pas confondre ce qui relève de la rente et ce qui relève du risque. Quel intérêt a celui qui a un peu d'argent à investir dans une entreprise s'il se retrouve en face de sociétés cotées soumises à la même fiscalité ? Il prendra légitimement le moins de risques.
Ensuite, ce même entrepreneur, ce même investisseur, se tournera vers le cadre européen, là où l'attractivité fiscale sera la meilleure. Quand il examinera les taux de prélèvements libératoires en Europe – 20 % en Italie, 21 % en Espagne, 26 % en Allemagne, 18 à 28 % au Royaume Uni – il arbitrera en faveur des taux fixes les plus intéressants.
Enfin, il manque un élément à l'article 6 : la prise en compte de la convergence d'intérêts entre l'épargnant-investisseur et l'entrepreneur. Si l'on ne s'emploie pas à faire converger les intérêts de ces deux acteurs, on se heurtera, certes, à des conflits mais, surtout, d'emblée, à une forte réserve quant à l'idée de solidarité dans l'investissement et dans la prise de risque.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je souhaite intervenir dès à présent, en tant que président de la commission des finances, afin d'évoquer un problème juridique. Il me semble que l'article 6, monsieur le ministre, même amendé par le Gouvernement, va poser un problème au regard de ce qu'on nomme la « petite rétroactivité ».
La rétroactivité n'est admise par le Conseil constitutionnel que pour des motifs d'intérêt général très sérieux. La définition de la petite rétroactivité, quant à elle, est plus large. Mais le Conseil d'État vient, par deux décisions récentes, de préciser cette définition, ce qui devrait nous conduire à modifier nos appréciations.
La petite rétroactivité n'est admise que si la modification de la règle fiscale ne vaut que pour l'avenir. Lorsque le législateur modifie les règles d'assiette d'un impôt, cette modification ne peut trouver application que pour l'imposition des bénéfices des exercices clos après son entrée en vigueur, cela aux termes de la décision « Sources Roxane » du 27 juin 2008. Nous verrons à l'article 15 que, de ce point de vue, plusieurs dispositions relatives à l'impôt sur les sociétés ne posent pas de problème.
Ensuite, la modification ne doit pas porter atteinte à une espérance légitime. Ceci doit être regardé comme un bien au sens des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne des droits de l'homme. Cette question vient de faire l'objet d'une décision du Conseil d'État du 9 mai 2012.
Ces deux décisions du Conseil d'État montrent clairement qu'il n'est pas possible de revenir, rétroactivement donc, sur le montant d'un impôt payé, à moins de porter atteinte aux biens.
Je terminerai par deux points précis : l'article 6 amendé par le Gouvernement prévoit, pour l'année 2012, de porter le taux du prélèvement forfaitaire libératoire sur les plus-values de 19 à 24 %...
…mais, monsieur le ministre, comme son nom l'indique, ce prélèvement libératoire a déjà été payé par le contribuable à un taux de 19 %. Le fixer à 24 % de façon rétroactive me paraît ne pas relever de la petite rétroactivité admise par le Conseil d'État.
Second point : sur l'article 5, on peut faire la même analyse au sujet des dividendes.
Ceux versés en 2012 et pour lesquels le contribuable avait choisi le prélèvement forfaitaire libératoire, ont été imposés ; or je vois mal comment on peut transformer ce prélèvement forfaitaire libératoire en acompte.
Madame la présidente, il s'agit d'un sujet d'une extrême importance, vous devez savoir que ce que nous disons ici est examiné à la loupe par le Conseil constitutionnel à l'occasion de la discussion de chaque projet de loi de finances.
Et ce n'est pas la première fois que nous essayons, dans un souci constructif, de faire un bon travail juridique. Je pose ici une question importante. Tous nos collègues qui connaissent le sujet de la petite rétroactivité en sont conscients. Je souhaite par conséquent que le ministre nous réponde clairement, notamment compte tenu de la très récente décision du Conseil d'État de mai 2012 que tout le monde n'a pas forcément en tête : moi-même je ne la connaissais pas il y a encore quelques jours. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
J'ai bien conscience, monsieur le président de la commission, que nos débats sont essentiels. Je voulais juste rappeler que les inscrits sur un article disposent de deux minutes pour s'exprimer. Vous aurez tout loisir de prendre la parole sur tous les amendements que nous allons examiner.
La parole est à M. Dominique Baert.
On a fait dire à cet article 6 dans son ancienne version beaucoup plus qu'il ne disait réellement. Il y a eu beaucoup d'abus et de caricatures.
Monsieur le ministre, le groupe SRC tient à vous assurer de sa solidarité (Rires sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.) face à tout ce qu'on a pu lire et entendre, et alors que vous avez assumé vos responsabilités.
Ce soutien ne suffira pas à passer l'étape du Conseil constitutionnel !
Il s'agissait d'intégrer dans le revenu global net servant de base à l'impôt sur le revenu les plus-values de cession à titre onéreux de valeurs mobilières. L'idée est bonne car, enfin, qu'est-ce qui justifierait que les revenus du capital soient moins imposés que les revenus du travail ? Rien eu égard à la cohésion de notre société.
Il y a bien sûr un autre principe à mettre en parallèle : celui de la nécessaire efficacité économique. J'avais le sentiment que, par le jeu des abattements liés à la durée de détention des titres concernés, aux plus-values, ou à la destination des sommes perçues, l'article 6 était légitime.
Le Gouvernement en présente une nouvelle rédaction. Les principes y demeurent. Il serait bon, monsieur le ministre, que vous nous précisiez ce qu'est la notion de « cercle familial au coeur de la prise en considération de l'investissement personnel » et les garanties que l'administration fiscale peut prendre pour qu'il n'y ait pas d'effet d'aubaine ou, plus exactement, d'effet d'évasion par rapport à l'objet de cet article.
Nonobstant ces remarques, cet article réécrit conserve l'essentiel : il majore pour 2012 le prélèvement libératoire, il soumet à l'impôt sur le revenu les plus-values de cession et il met en place des abattements selon la durée de détention des titres concernés. Sans doute le texte continuera-t-il de s'affiner mais le nouvel article s'inscrit dans la logique de l'action gouvernementale visant à faire progresser la justice fiscale tout en confortant notre offre productive, c'est-à-dire la capacité de production de notre économie. Car préserver son patrimoine, c'est bien, créer des emplois c'est mieux et telle est la vraie urgence.
L'article 6 du projet de loi de finances, dans sa première version, fait partie d'un tout constitué des dispositions contenues dans les articles 5, 6 et 7, destinées à aligner les revenus du capital sur ceux du travail en les intégrant dans le barème de l'impôt, ce qui est très juste. Face à cette perspective, certains chefs d'entreprise, qui se sont eux-mêmes baptisé « pigeons », ont orchestré avec talent, il faut le reconnaître, une opération de lobbying dictée par des intérêts particuliers bien éloignés des considérations patriotiques que certains d'entre eux entendaient promouvoir.
Dois-je souligner que l'un de ces juvéniles entrepreneurs, envoyé sur le front des médias, est un de ces patriotes qui ont délocalisé une partie de leur activité à San Francisco ? Surtout, derrière ces « pigeons », on compte de nombreux rapaces, notamment des adeptes des LBO, spécialistes des culbutes de court terme, spécialistes des opérations spéculatives de court terme et véritables prédateurs d'emplois.
Revenons à la réalité. Quand ces soi-disant « pigeons » agitent un taux de prélèvement sur les plus-values de cession de plus de 60 %, ils mentent. Ils mentent car la réalité c'est d'abord un abattement de 40 %, le barème de l'impôt ne s'appliquant que sur les 60 % restants. Là encore, ils se livrent à une manipulation grossière : nos collègues de l'opposition font mine de croire que l'imposition de ces plus-values est de 45 %, comme s'il s'agissait d'un prélèvement forfaitaire. C'est faux : les seuls revenus issus des plus-values de cession qui seraient imposés à 45 % sont ceux qui dépasseraient 150 000 euros par part, à savoir 300 000 euros pour un couple et 450 000 euros pour un couple avec deux enfants.
D'autre part, l'article 6 dans sa rédaction actuelle permet de calculer les revenus des plus-values de cession à raison de la durée de détention des titres de l'entreprise cédée. Au-delà de douze années de détention, la plus-value est estimée à zéro euro. Donc : zéro euro taxé à 19, à 24 ou à 45 %, cela donne toujours zéro… Certes, l'article 6 présente cette vertu de donner un signe fort contre la pure spéculation financière à l'heure où tant de salariés souffrent, sont victimes des marchés financiers. Il serait donc inconcevable que le Gouvernement cède du terrain.
Je répète ce que j'ai déclaré au cours de la discussion générale : le Gouvernement doit protéger le salarié de Pétroplus, le salarié de SANOFI ou de Florange plutôt que les revenus insolents du patron de Meetic. Je rappelle par ailleurs à nos collègues de l'opposition que quand ils affirment qu'un chef d'entreprise fait vivre des salariés, je constate que nombreux sont les salariés qui font vivre les chefs d'entreprise. Tenez bon, monsieur le ministre, sinon beaucoup de nos concitoyens se sentiront « pigeonnés ».
Je ne serai pas très long sur l'article lui-même puisque nous allons examiner un amendement fort dans quelques instants.
Je commencerai par dire que je soutiens le Gouvernement dans sa recherche des moyens destinés à rapprocher la fiscalité du capital de celle du travail. C'est un chemin difficile mais il faut tenir bon. Même si nous en aurions préféré une autre, je comprends malgré tout la méthode qui consiste, quand des difficultés apparaissent, à tenter de corriger ce qui peut l'être plutôt qu'à s'enfoncer la tête dans le sable comme si tout allait bien.
À la suite de M. Sansu, je rappellerai que le mouvement des « pigeons » est tout à fait particulier et que sa durée de vie sera plus éphémère encore que les traces de ces volatiles. Ce mouvement est parti de la nouvelle économie dont deux ou trois acteurs ont fait valoir de vraies difficultés. Derrière eux se sont engouffrés des représentants d'une réalité économique qui n'a rien à voir avec la spécificité de la nouvelle économie et qui se sont dit que ces jeunes entreprises particulièrement créatives et dynamiques allaient leur ouvrir une brèche. L'argument consistant à affirmer que la finalité de l'entrepreneur est de vendre son entreprise ne correspond pas à la réalité économique. Un entrepreneur est quelqu'un qui cherche – nous en connaissons tous – à faire grandir son entreprise, à investir, à embaucher.
Un entrepreneur n'a par conséquent pas pour seule finalité de réaliser des plus-values mobilières. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J'ajoute que quand il réalise une plus-value – et là encore je suis en désaccord avec l'opposition –, il ne s'agit pas du résultat de son seul travail mais d'un résultat collectif acquis des années durant. Il est donc normal qu'il ne s'approprie pas à lui seul le bénéfice de ce résultat.
Sauf que le jour où il y a un problème il est tout seul et il n'a plus rien !
Les uns soutiennent que c'est le capital qui génère le travail quand les autres avancent que c'est le travail, donc les salariés, qui permet au capital de prospérer et à l'entreprise de vivre. Qui peut contester ces deux affirmations ? Il existe donc selon certains une sorte d'écosystème entrepreneurial qui mêle salariés et détenteurs des capitaux, sachant que dans certaines entreprises ce sont les salariés qui détiennent les capitaux, parfois en parts non négligeables.
Face à cette complexité, il y a trois « sorties » possibles pour la valeur ajoutée créée par l'entreprise : le salaire, le dividende et la plus-value dans l'hypothèse où l'entreprise est revendue dans des conditions objectives déterminées par le marché et qui permettent de fixer un prix de transaction, donc d'évaluer la richesse détenue.
On a ainsi souvent entendu, sur tous les bancs, l'idée selon laquelle la valeur ajoutée devait être, grosso modo, composée de trois parts : un premier tiers affecté au salaire, quand l'entreprise réalise des profits ; un deuxième tiers à l'actionnaire puisqu'il a, à un moment donné, apporté des capitaux qui ont permis le développement de l'entreprise ; enfin un troisième tiers devant être réinvesti dans l'entreprise. Il est bien évident que, suivant la conjoncture, les trois parts ne sont pas forcément égales. Reste qu'il nous a semblé assez naturel de vouloir aligner la fiscalité des salaires, des dividendes et des plus-values selon un barème progressif. Et, même s'il existe sur ce point de légitimes divergences, c'est notre choix.
Pour aborder ce débat sereinement, il faut essayer de comprendre la logique du dispositif en vigueur et des améliorations que nous entendons lui apporter.
M. de Courson affirme que les plus-values ne constituent pas un revenu. Au contraire : la loi les considère forcément comme un revenu sans quoi elles ne seraient pas taxées à un taux forfaitaire – un taux forfaitaire s'appliquant à un revenu. Le système en vigueur consiste à taxer comme revenus, selon un barème, les plus-values vendues par quelqu'un qui n'a pas de relation spécifique avec l'entreprise, et à ne pas les taxer quand il s'agit d'un revenu d'entrepreneuriat. Il n'y a par conséquent pas de changement de logique dans la modification apportée par le Gouvernement puisqu'il propose seulement de changer le taux de 19 % prévu par le barème.
Et c'est juste. Imaginons le titulaire d'un petit portefeuille d'actions, par exemple un retraité non imposable qui, pour améliorer un peu sa situation, vend régulièrement une partie de son portefeuille. Il n'y a aucune raison pour que celle-ci soit taxée à 19 % : la justice fiscale veut qu'elle soit taxée au barème de l'impôt sur le revenu, et c'est ce qui sera fait.
Vous prétendez que nous changeons totalement la notion d'entrepreneuriat, mais ce n'est pas vrai : l'idée de tenir l'entrepreneuriat à l'abri est maintenue dans le projet initial du Gouvernement. En effet, les jeunes entreprises innovantes ne sont pas concernées et les chefs d'entreprise qui vendent leurs parts au moment de leur départ en retraite sont exonérés, comme le sont ceux qui réinvestissent dans une autre entreprise à hauteur de 80 : toutes ces dispositions ont été conservées.
Il se trouve simplement qu'à l'occasion de ce changement, certains se sont rendus compte que la notion d'entrepreneuriat, qui existait dans le système antérieur, et qui avait été conservée dans le projet du Gouvernement, était peut-être un peu étroite.
Plusieurs députés des groupes UMP et UDI. Un peu ?
L'amendement ne modifie en rien le projet initial du Gouvernement. Monsieur de Courson, vous êtes suffisamment sérieux pour regarder les choses attentivement : il n'y a aucun changement, dans la notion d'entrepreneuriat, entre le système antérieur et le système actuel. L'amendement du Gouvernement va simplement préciser les choses, dans un souci de cohérence totale.
Il ne les précise pas : il les change ! Réduire de 80 %, ce n'est pas apporter une précision !
Bravo, monsieur le député ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Du calme !
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques, tendant à supprimer l'article 6.
La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l'amendement n° 173 .
Merci, madame la présidente.
Je voudrais, monsieur le ministre, mettre l'accent sur une incohérence du budget que vous nous présentez. Nous discutions, il y a quelques jours, des contrats d'avenir, ces emplois aidés dont on sait qu'ils ne peuvent malheureusement pas, à terme, être pérennisés, ni déboucher sur un véritable emploi. Par ailleurs, vous allez bientôt nous présenter le contrat de génération, pour les jeunes et les plus âgés.
Ces dispositifs ont le mérite de pouvoir donner, parfois, une sorte de bouffée d'oxygène, mais ils ne règlent en rien le grave problème de l'accès au travail. Les seuls qui sont capables de le faire sont ceux qui créent de la valeur et de l'emploi. Or, avec cette « barémisation », vous êtes en train d'affaiblir encore un peu plus les entrepreneurs français, qui connaissent déjà, comme chacun sait, des difficultés à tous les niveaux : pour trouver des investisseurs sur le long terme, pour développer leur activité, voire pour vendre leur entreprise et développer d'autres activités.
Vous êtes en train d'affaiblir toutes celles et ceux qui, aujourd'hui, prennent des risques, et qui vont parfois jusqu'à mettre en jeu leurs propres biens. Si vous persistez dans cette voie, ils vont rechigner à développer leur activité, donc à recruter. Or, les emplois qu'ils sont susceptibles de créer sont, sinon pérennes, du moins beaucoup plus solidement assis sur un socle d'activité que ceux que vous nous proposez avec les contrats d'avenir. Voilà, monsieur le ministre, l'incohérence de votre politique !
Vous savez par ailleurs très bien, monsieur le ministre, que l'OFCE pense qu'on ne sera pas en mesure d'atteindre l'objectif des 3 %. Dans les mois qui viennent, et en tout cas avant l'été, vous allez donc venir nous présenter un budget rectificatif. Or, la « barémisation » introduit obligatoirement une insécurité car, s'il y a un barème, celui-ci pourra être modifié. Vous êtes ainsi clairement en train d'affaiblir la capacité qu'ont nos chefs d'entreprise de développer leur activité.
Nous vous l'avions dit, monsieur le ministre : il vient un moment où la matière fiscale se dérobe. Elle se dérobe au-delà de vos précisions, cher collègue Pierre-Alain Muet, parce qu'une réduction de 80 %, ce n'est pas tout à fait un amendement de précision.
La matière fiscale se dérobe, et je veux reprendre à nouveau l'analyse récente de l'OFCE, institut manifestement proche du parti socialiste (Protestations sur les bancs du groupe SRC.), qui nous dit que le gain attendu de l'effort fiscal ne sera pas au rendez-vous, et que vous serez amenés à créer 22 milliards d'impôts nouveaux, en plus de ceux prévus par le PLF, si vous voulez tenir votre objectif. L'OFCE prédit également une envolée du chômage à 11,7 %, 361 000 emplois détruits et non pas une stagnation du PIB l'an prochain, mais un recul d'1,2 %.
Monsieur le ministre, nous ne souhaitons rien de cela, mais il faut qu'ait lieu, avant la fin de cette discussion budgétaire, un vrai réajustement, une vraie réorientation stratégique. Arrêtez de matraquer avec des impôts qui ne rapporteront pas l'argent que vous en escomptez : vous vous en rendez compte, en vidangeant votre dispositif de 80 %. Changez de trajectoire !
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l'amendement n° 385 .
Mes chers collègues, nous avons peu parlé de ce que vous avez fait pour les fonds d'investissements, ou plus exactement de ce que vous vous apprêtiez à faire avant le dépôt de l'amendement du Gouvernement hier soir.
Les fonds d'investissement, qui sont définis à la fois dans la loi de finances et dans la loi de financement de la sécurité sociale, sont essentiels pour le développement en France des start-up, et des entreprises innovantes, dans le secteur du numérique et des biotechnologies. C'est surtout le cas des fonds de capital-risque.
Si vous aviez mis en oeuvre votre dispositif, tous ces fonds d'investissement seraient partis, puisque vous vous apprêtiez à taxer à 95 %, ce qui est absolument considérable, le carried interest. Sur les fonds d'investissement, monsieur Muet, vous pouvez tout de même admettre que vous êtes revenus en arrière !
Mais bien sûr que si ! Vous savez comme moi qu'avec la Belgique et l'Angleterre, la France est l'un des rares pays d'Europe où il reste encore quelques fonds d'investissement. Nous avons cette chance, et c'est une des raisons pour lesquelles il y a en France des start-up et des jeunes entreprises innovantes !
Pendant les trois ou quatre premières années de son activité, au cours desquelles il ne fait pas encore de chiffre d'affaires, le créateur d'une start-up reçoit de l'argent de ces capitaux-risqueurs. Après le love money et les business angels, ce sont les capitaux-risqueurs qui contribuent le plus au financement des start-up : leur rôle est essentiel.
La mesure qui était prévue dans la loi de finances allait mettre à mal tout ce système de financement. Je me félicite que vous ayez corrigé votre erreur, mais reconnaissez-la ! Reconnaissez que vous n'aviez pas pris conscience des problèmes que posait cette loi, en matière de financement de l'innovation. Nous aurions pu nous retrouver dans la même situation que l'Espagne ou l'Italie, qui ne sont plus en mesure de développer ce type d'activités, parce qu'elles n'ont plus de fonds d'investissement. Nous avons la chance d'en avoir encore un peu en France, alors protégeons-les, même s'il est vrai que les gens qui les dirigent gagnent beaucoup d'argent et sont ce que vous appelez des riches.
Quel est l'avis de la commission quant à ces amendements de suppression ?
Nous avons déjà eu ce débat lors de la discussion sur l'article et lors de la discussion générale, au début de l'examen du texte. Je crois qu'il n'y a pas lieu d'aller plus loin.
Nous pouvons maintenant passer assez rapidement à l'examen des amendements qui porteront sur les points précis du nouveau texte, dont tout le monde dispose depuis hier après-midi. Je ne pourrai, sinon, que répéter ce qui a déjà été dit par les uns et par les autres de ce côté de l'hémicycle.
La commission émet bien entendu un avis défavorable à ces amendements de suppression.
Il ne faut naturellement pas éluder le débat, et c'est précisément pour qu'il ait lieu dans de bonnes conditions que le Gouvernement a demandé la réserve de ces articles.
Veillons au moins formellement, tous, autant que nous sommes, à ce que nos arguments soient entendus, même s'il ne faut pas se faire trop d'illusions quant à un éventuel accord qui pourrait nous réunir sur l'ensemble des dispositions du texte.
En écoutant tout à l'heure le porte-parole de l'UMP, je dois dire qu'il m'a semblé que nous pouvions tout de même nous accorder au moins sur le point de départ. M. Mariton s'inquiète de la perte de recettes : nous aussi. Il souhaite que soient précisées au Parlement les modalités selon lesquelles nous pourrions compenser cette perte de recettes : nous y avons réfléchi.
Et nous avons décidé de maintenir une disposition qui avait été proposée, sous l'empire de la précédente majorité, par M. le député Gilles Carrez, alors rapporteur général, avant d'être acceptée par le Gouvernement et votée par la majorité : je veux parler de la surtaxe exceptionnelle sur les grandes entreprises, qui a fixé le taux de leur impôt sur les sociétés à 35 %.
Cette mesure devrait être consensuelle : c'est vous qui l'avez inventée, c'est vous qui l'avez mise en oeuvre, c'est vous qui l'avez liquidée, c'est vous qui l'avez perçue. Nous vous proposons de la maintenir,…
…ce qui correspond, je crois, à une forme de continuité avec ce que vous avez fait.
Je vous en prie, monsieur Mariton !
Je pense qu'il peut y avoir continuité sur ce sujet, en tout cas consensus.
Plusieurs députés du groupe UMP. Non !
Vous vous inquiétiez du manque de recettes. Il se trouve que le maintien de cette surtaxe, qui revient à établir un taux d'imposition à 35 % sur les plus grandes entreprises, permet de palier le manque de recettes dont vous vous inquiétez à juste titre, vous, monsieur Mariton, ainsi, je suppose, que l'ensemble du groupe UMP, dont vous êtes le porte-parole, y compris M. Lamour, que je vois opiner du chef. Peut-être arriverons-nous, là-dessus, à un accord : le contraire me surprendrait. Cette taxe ne peut vous choquer, puisque c'est vous qui l'avez inventée, et son produit est connu, puisque c'est vous qui l'aviez estimé. Et il se trouve que les finances du pays ont besoin de cette recette supplémentaire.
J'ajoute que, lorsqu'une disposition est censée rapporter des recettes et qu'elle ne peut être mise en oeuvre, il faut veiller à trouver des recettes supplémentaires : c'est ce que la précédente majorité n'a pas fait. Mesdames et messieurs les députés de l'opposition, lorsque vous avez instauré la taxe carbone et qu'elle a été censurée par le Conseil constitutionnel…
Ce n'est pas grâce à qui que ce soit que cette mesure n'a pas été mise en oeuvre, mais parce qu'elle n'était pas constitutionnelle.
Ce fut, si ma mémoire est bonne, un manque à gagner de trois à quatre milliards d'euros de recettes pour l'État. Je parle sous le contrôle de celui qui était alors rapporteur général.
Quel qu'ait été le responsable, je n'ai pas le souvenir que la majorité précédente se soit préoccupée de chercher une recette équivalente : vous avez laissé filer les choses ! Et ça n'est pas notre intention : de ce point de vue-là, il n'y aura pas continuité ! Comme j'imagine que vous êtes nombreux à regretter d'avoir laissé de la sorte filer les déficits, j'espère que, à défaut d'approuver totalement ce que nous nous apprêtons à faire, vous éviterez, du moins, d'être trop sévères dans les commentaires que vous pourrez faire sur la politique proposée par le Gouvernement.
Monsieur Mariton, mesdames et messieurs les membres de l'opposition, je pense que la question des recettes peut désormais être considérée comme réglée : venons-en au fond. Sur le fond, nous avons une divergence, mais aucun malentendu. Depuis le début, nous estimons que les produits du capital doivent contribuer, autant que les revenus du travail, au redressement du pays. Je me souviens très bien l'avoir annoncé dans cet hémicycle lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative et nous le faisons à l'occasion de cette loi de finances initiale.
Vous avez toujours été opposés à cette façon de voir les choses : il y a une opposition et une majorité, et il est finalement heureux que nos concitoyens aient le choix entre deux politiques possibles. Vous en avez mené une, dont manifestement les Français n'ont pas voulu qu'elle se poursuive. Nous en avons proposé une autre, qu'ils semblent avoir privilégiée, et nous la mettons en oeuvre. Vous vous y opposez, ce qui est bien normal, et nous, nous tentons de la faire prévaloir : n'en soyez pas choqués.
Nous estimons – et c'est la différence de fond qui nous oppose – que le capital doit contribuer autant que le travail. J'ai bien entendu Mme de La Raudière et Mme Kosciusko-Morizet, j'ai entendu aussi M. Tardy, ainsi que M. Mariton, dont le propos a été un peu plus subtile : vous estimez tous qu'il est normal que le capital contribue moins que le travail. C'est une divergence que nous assumons et que nous porterons devant l'opinion. Nous défendrons cette vision des choses devant l'opinion. De votre côté, vous assumerez la vôtre, puisque je vous sais courageux : dites aux Français que vous estimez que le capital doit moins contribuer que le travail.
Plusieurs députés du groupe UMP. Ce sont des caricatures !
Nous ne sommes pas d'accord avec vous. La majorité tranchera, dans cette assemblée et au Sénat, et l'ensemble se fera sous le contrôle de l'opinion. Oui, nous estimons que cette contribution doit être équivalente. Et d'ailleurs, comment faire autrement, pour qu'elle soit équivalente, que de soumettre tous les revenus, ceux du travail comme ceux du capital, au même barème de l'impôt sur le revenu ?
Ou bien vous estimez qu'il faut effectivement que tous les revenus contribuent de la même manière, quelle que soit leur origine, et alors il faut le même système d'imposition, ou bien vous estimez, et c'est ce que vous dites – et ce que certains d'entre vous assument peut-être plus difficilement que d'autres – que les revenus du capital doivent moins contribuer que ceux du travail, et c'est d'ailleurs la politique que vous avez mise en oeuvre, en généralisant les prélèvements forfaitaires libératoires. Assumez-le ! Nous ne sommes pas d'accord, mais dites le bien devant l'opinion.
S'agissant de la continuité avec certaines politiques passées : certaines sont maintenues, peut-être malgré nous, de la même manière que la majorité précédente avait maintenu, peut-être malgré elle, des politiques qu'elles avaient jusque-là condamnées. Je vous rappellerai qu'en dix ans au pouvoir, vous n'avez supprimé ni l'ISF, ni même les trente-cinq heures. Bien mieux ! C'est vous qui les avez généralisées à l'ensemble des entreprises, car c'était la condition de la mise en oeuvre des heures supplémentaires. N'est-ce pas, monsieur Bertrand ?
C'est donc vous qui avez généralisé et ancré dans le droit du travail la durée hebdomadaire du travail à 35 heures. Il serait peut-être temps d'assumer ce que vous avez fait ces dix dernières années, à défaut, permettez-moi de vous le rappeler.
Mme Kosciusko-Morizet fait remarquer à bon droit que par ces amendements, le Gouvernement modifie son projet. Le nier serait absurde et je serai le dernier à le faire.
S'agit-il d'une première ? Là encore, ayons un peu de mémoire ! Je vois d'ailleurs le président de la commission des finances chuchoter à Mme Kosciusko-Morizet l'exemple que je vais citer, car il vient naturellement en mémoire à tous ceux qui ont un peu travaillé pendant la dernière législature.
Madame Kosciusko-Morizet, vous apparteniez à un gouvernement qui a proposé un projet de réforme de la taxe professionnelle à ce Parlement. Voulez-vous que je vous rappelle ce qu'est devenu ce projet ? Vous en étiez solidaire, puisque membre du gouvernement. Je ne vous ai pas entendu protester contre ce projet, ni même le critiquer.
Puisque M. Carrez est assis à côté de vous sur les bancs de cet hémicycle, demandez-lui de vous expliquer ce qu'il a dû faire, non pas pour modifier votre projet gouvernemental, mais pour le transformer de fond en comble.
Il y a une différence de méthode entre ce qui s'est passé ce jour-là et ce qui se passe actuellement : le Gouvernement assume son changement d'opinion, tandis que le vôtre s'était défaussé sur le rapporteur général d'alors. Il fut un bien bon rapporteur général pour assumer en lieu et place des dirigeants de ce pays ce qu'eux-mêmes n'osaient pas dire et encore moins assumer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le travail fut fait par d'autres que vous.
En ce qui me concerne, je ne demande pas au rapporteur général ou aux parlementaires de faire un travail que j'estime revenir au Gouvernement. Quitte pour ce Gouvernement à reconnaître que le projet de loi qu'il a déposé, sur certains de ses aspects, était probablement erroné, et je le dis bien volontiers.
Quant à l'argument développé Mme Laure de La Raudière, là encore, je veux bien entendre tous les reproches et admettre les erreurs qui ont été commises. J'estime qu'il y a davantage d'honneur à reconnaître qu'une erreur est commise que de supposée fierté à persévérer dans le déni. Mais madame de La Raudière, où avez-vous vu dans le projet de loi de finances que le statut des jeunes entreprises innovantes était modifié ?
Vous l'avez dit, madame de La Raudière, puisque vous avez vous-même cité les jeunes entreprises innovantes en indiquant que nous voulions les casser. C'est totalement inexact.
Du haut de cette tribune, j'avais mis au défi quiconque de citer des dispositions qui pourraient mettre en cause soit les classes modestes ou populaires, soit les PME. Je remarque d'ailleurs qu'aucun exemple ne m'en a été donné.
De la même manière, je vous mets au défi de trouver dans le texte des dispositions qui reviendraient sur le statut des jeunes entreprises innovantes. Je vais même vous faire un rappel, comme je l'ai fait à d'autres : où étiez-vous, madame de La Raudière, quand le gouvernement que vous souteniez avait modifié, voire supprimé, le statut des jeunes entreprises innovantes ? Vous aviez protesté, je m'en souviens très bien.
C'est vrai, vous aviez déposé des amendements que vous aviez retirés à la demande du Gouvernement.
Et vous aviez fini par voter le projet qui portait pourtant des dispositions dont je sais, dont tout le monde sait, que vous les condamniez totalement, farouchement et fermement.
Je vous annonce donc une bonne nouvelle : nous rétablissons le statut des jeunes entreprises innovantes. Comme vous m'avez interpellé sur ce sujet, je me permets de vous rassurer en espérant, sinon vous convaincre que ce Gouvernement agit bien, au moins que sur ce sujet, non seulement il ne fait pas moins bien que le Gouvernement que vous avez soutenu, mais qu'il fait même plutôt mieux au regard de votre intérêt absolument sincère à l'égard des jeunes entreprises innovantes.
Nous ne touchons pas à l'ISF-PME. Nous ne touchons pas à la disposition que vous aviez instaurée consistant à ne pas imposer les plus-values de cessions dès lors que 80 % de cette plus-value était réinvestie. Bien mieux : nous améliorons le système par voie d'amendement. Passé un seuil de 50 %, tout ce qui est réinvesti dans une PME sort de l'assiette taxable. Nous faisons donc mieux que ce que vous aviez fait, dès lors que la plus-value de cession est réinvestie dans les petites et moyennes entreprises.
Ce débat porte, au fond, sur l'imposition des revenus du capital et de ceux du travail. Il peut être techniquement compliqué. Mais il faut éviter d'employer des mots trop forts qui peuvent choquer. Nous n'attaquons personne. Nous n'avons pas d'adversaires. Mais si vous estimez que nous avons pour adversaires les chefs d'entreprises ou les PME, alors souffrez que je puisse dire que lorsque vous réformiez les retraites, vous vous attaquiez aux salariés. Souffrez que je puisse dire que lorsque dans votre mandature, le taux de pauvreté passe de 7,5 % à 13,2 % et que vous laissez faire, vous vous attaquiez aux familles pauvres. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous voyez donc que si je disais cela, vous seriez choqués, et j'estimerais que votre indignation est légitime.
Je vous demande donc de rester sur le débat proprement politique et sur les choix qui reviennent précisément à celles et ceux que le suffrage universel a distingués.
Vous ne souhaitez pas aligner la fiscalité du capital sur la fiscalité du travail. C'est votre choix, nous en avons un autre. Ce n'est pas pour autant que nous attaquons quiconque, ou que nous méprisons quiconque. Nous avons simplement un choix politique différent du vôtre.
De la même manière que ces dix dernières années vous avez eu des choix politiques différents des nôtres et que vous ne m'avez jamais entendu dire que vous attaquiez les salariés, que vous attaquiez les familles pauvres, ou que vous attaquiez les accidentés du travail parce que vous fiscalisiez leurs indemnités journalières.
Vous meniez une politique que vous estimiez être la bonne, et ce n'est pas parce que l'on mène telle ou telle politique que l'on s'attaque à celles et ceux qui sont concernés.
Si au moins ce que je dis là avec toute la sincérité dont je peux être capable, permet d'essayer de s'entendre, d'assumer les divergences en levant les ambiguïtés, alors cette intervention n'aura pas été complètement inutile.
Monsieur Lamour, il y a autant de contrats aidés dans ce projet de loi de finances qu'il y en a eu dans celui que vous aviez voté.
J'ignore donc ce que vous avez voulu dire. J'ai cru comprendre qu'il ne fallait pas faire de contrats aidés, je vous l'assure, ces contrats aidés sont absolument nécessaires quand le chômage fait des ravages.
Si vous n'avez pas voulu dire cela, ma remarque est inutile. Simplement, je vous précise qu'il y a autant de contrats aidés dans ce projet de budget qu'il y en eut dans le précédent, il y en aura même probablement davantage si vous estimez que les autres dispositions sont assimilables à des contrats aidés. J'assume totalement cette politique de l'emploi, elle s'appelle le traitement social du chômage. Depuis que notre pays est touché par le chômage, tous les gouvernants ont mis en oeuvre un traitement social du chômage, et celui-là ne dérogera évidemment pas à la règle. Au moins sur ce sujet, si nous sommes d'accord, nous nous éviterons un débat inutile.
Enfin, je dirai un dernier mot du sens des responsabilités. Comme vous, je crois que les mouvements qui ont eu lieu, et dont je suis bien persuadé qu'au moins en partie, ils étaient d'une sincérité totale, ont créé un tort incontestable à notre pays. Je le déplore, évidemment. Et je n'imagine pas qu'au sein de l'opposition, espérant en tirer je ne sais quel profit politique, certains joueraient à dénoncer ce tort, voire à l'exagérer. Je pense que tous ici, nous pensons que le dommage fait à l'image de notre pays est infiniment regrettable.
Mais c'est précisément parce que chacun doit être responsable de ses propos que j'appelle les uns comme les autres à ne pas faire de déclarations qui reposeraient sur des mesures fantasmées et non sur la réalité du projet gouvernemental. Car sur quelles dispositions ce mouvement est-il né ? Il n'est pas né, comme vous semblez le dire, d'une divergence de fond quant à la fiscalisation identique du capital et du travail.
Pour avoir discuté suffisamment longtemps avec les participants à ce mouvement, je pense pouvoir affirmer avec certitude que l'élément déclenchant a été que les chefs d'entreprises n'ont pas supporté l'idée que la plus-value de cession qu'ils réaliseraient en cédant leur entreprise puisse être taxée et puisse ainsi, d'une certaine manière, contribuer au redressement du pays.
Il y a donc une divergence d'appréciation sur le fait que pour les uns, cette plus-value soit un revenu du capital, quand pour les autres, c'est exclusivement un revenu du travail. Les deux opinions se défendent. C'est bien sûr un revenu du capital car s'il n'y avait pas eu un peu d'investissement et cette magie qui fait que la valeur ajoutée créée par une collectivité aboutit à un profit, alors il n'y aurait pas eu de plus-value de cession.
Mais il n'y en aurait pas eu non plus sans un chef d'entreprise qui se lève tous les matins, qui fait des efforts, qui engage ses biens propres, qui prend des risques, qui accepte souvent de se rémunérer mal pendant de nombreuses années parce qu'il espère un gain, éventuellement considérable, à la vente de cette entreprise. Sans ce travail, cette plus-value de cession n'existerait pas davantage.
Vous pouvez nous le reprocher, vous pouvez estimer comme M. Bertrand semble le faire avec ironie que nous l'avons fait à tort ou à raison, je l'ignore, mais en ce qui nous concerne, nous estimons que si une erreur a été faite, le mieux est de la corriger le plus vite possible plutôt que de s'enferrer à tenter de discuter, d'éluder, de polémiquer.
Et les exemples sont nombreux dans la législature précédente d'erreurs commises qui auraient bien gagné à être corrigées plus vite qu'elles ne l'ont été, je pense notamment au bouclier fiscal.
Puisque nous avons estimé qu'une erreur avait été faite, nous avons tenté de la corriger le mieux et le plus vite possible. D'ailleurs, certains ont pu être choqués de la manière dont le Gouvernement a tenté de le faire, et je m'en excuse auprès d'eux. J'espère qu'au regard des explications que je donne, ils comprendront la rapidité avec laquelle nous avons agi, car il ne faut pas laisser s'instaurer des malentendus, et encore moins persévérer dans ce que l'on constate être une erreur. Il vaut mieux, dans ces conditions, en tirer immédiatement la leçon, ne serait-ce par respect à l'égard du Parlement.
Qu'auriez-vous dit si nous avions maintenu ce projet en espérant des modifications dans une autre assemblée, à l'occasion d'amendements, ou pourquoi pas en commission mixte paritaire ? Nous assumons les choses, vous pouvez en tirer argument pour ironiser, certains le font. J'espère que d'autres reconnaîtront ce sens des responsabilités. S'ils le font, je les en remercie, et à défaut, je leur demanderais à mon tour de faire preuve de responsabilité et de veiller par leurs propos à ne pas caricaturer la position du Gouvernement, car cette caricature déboucherait sur une image dont notre pays peut souffrir et dont je ne crois pas qu'il puisse longtemps se satisfaire, une image dont nous sommes tous, opposition comme majorité, comptables devant les Français.
C'est à ce sens des responsabilités que j'appelle les uns et les autres au moment où le débat sur les articles 6, 7 et 8 s'engage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Enfin, il va de soi que j'appelle au rejet des amendements de suppression.
Beaucoup d'orateurs sont déjà inscrits, je me propose d'arrêter maintenant cette liste.
La parole est à M. Tardy.
La grogne des entrepreneurs « pigeons » a porté ses fruits, puisque Bercy a en partie répondu à leurs demandes.
Ces entrepreneurs sont vent debout contre une disposition du budget 2013 concernant l'imposition des plus-values qui atteindrait jusqu'à 60 %, contre 34,5 % aujourd'hui.
Avec ce tour de passe-passe, l'exécutif tablait sur un milliard de recettes supplémentaires dès l'année prochaine. De plus, il devait s'appliquer rétroactivement pour les cessions réalisées depuis le 1er janvier 2012.
D'après les précisions du ministère des finances fournies dans ce projet de loi, « 73 400 contribuables verraient leur imposition majorée du fait de la réforme ».
Finalement, selon l'amendement du Gouvernement que nous avons examiné hier soir en commission, les plus-values réalisées en 2012 par un entrepreneur sur la cession de son entreprise ne seront pas soumises l'an prochain à l'impôt sur le revenu, mais imposables à un taux forfaitaire de 24 % contre 19 % actuellement.
Les plus-values réalisées à partir du 1er janvier 2013 seront intégrées dans le revenu imposable mais, comme l'avait déjà annoncé le Gouvernement, avec des exemptions et des abattements pour les entrepreneurs cédant leur entreprise après l'avoir eux-mêmes développée ou réinvestissant au moins la moitié de la plus-value.
Dans le détail, les plus-values continueront à être soumises au prélèvement forfaitaire de 19 % si elles sont réalisées par des personnes actionnaires depuis au moins cinq ans dans l'entreprise – dont deux ans avec plus de 10 % du capital –, et ayant exercé une activité dans l'entreprise.
Dans les autres cas, les plus-values seront intégrées dans le revenu soumis à l'impôt sur le revenu mais après des abattements croissant avec la durée de détention des actions : 20 % entre deux et quatre ans de détention ; 30 % entre quatre et six ans, 40 % au delà. Si l'entrepreneur réinvestit au moins 50 % de la plus-value, les sommes réinvesties sont exonérées d'imposition.
Vous comprenez bien, monsieur le ministre, que même si ce nouveau dispositif est moins pire que le projet initial, nous préférons en rester au dispositif actuel. C'est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article.
Monsieur le ministre, je vous félicite de votre mea culpa. À la différence de notre collègue Muet, vous reconnaissez que vous vous êtes trompé. Cela vous fait honneur, je ne suis pas de ceux qui accablent ceux qui reconnaissent leurs erreurs le plus tôt possible.
M. Muet persiste et signe en nous expliquant que l'on continue dans la barémisation. Si c'était vrai, qu'il nous explique comment l'incidence d'une telle mesure passe de 1 milliard à 200 millions ? Soyons sérieux !
Monsieur le ministre, je persiste à penser que sur la procédure, l'exemple de la taxe professionnelle n'est pas pertinent, car nous avions eu quinze jours pour y travailler en commission. C'est un amendement de la commission, et non pas un amendement du Gouvernement, qui a changé la réforme de la taxe professionnelle. Cet amendement de 83 pages – record historique – a été présenté par notre rapporteur après de longues concertations au sein de la commission.
Venons-en maintenant au fond. Monsieur le ministre, vous ne voulez pas reconnaître l'erreur fondamentale, qui est de prétendre que les plus-values sont des revenus. Les plus-values ne doivent pas être traitées comme des revenus. C'est d'ailleurs ce que vous faites dans votre amendement, en laissant croire que l'on maintient une toute petite partie au barème. Mais ce n'est pas le cas, sinon le rendement de cette mesure n'aurait pas fondu à 200 millions d'euros.
Il faut aller jusqu'au bout, et reconnaître que les plus-values ne sont pas un revenu. L'UDI n'est pas du tout hostile à ce que l'on instaure le même traitement pour les vrais revenus du capital que pour ceux du travail.
Je rappelle à nos collègues que c'est déjà le cas sur les revenus fonciers, que cela me paraît incontestable sur les intérêts, et qu'il y a un petit problème sur les dividendes, du fait d'un abattement de 40 % à cause de l'IS.
Pour revenir au fond de la question, il nous manque, monsieur le ministre, que vous abandonniez purement et simplement l'idée fausse selon laquelle les plus-values constituent un revenu. Si vous conservez cette idée, vous n'y arriverez pas.
Monsieur le ministre, vous nous avez appelés au sens des responsabilités. Concevez, pour avoir été suffisamment longtemps dans l'opposition, qu'il fait partie des responsabilités de l'opposition de souligner une erreur du Gouvernement – que vous avez reconnue, ce qui vous honore – tellement énorme que vous abandonnez 80 % du dispositif. Voilà ce que M. Pierre-Alain Muet appelle un détail, ou un amendement de précision. Monsieur Muet, un amendement de sept pages à 800 millions d'euros sur un milliard n'est plus un amendement de précision ! Si vous appelez cela du détail, j'en suis profondément consterné.
Monsieur le ministre, vous avez d'abord commis une erreur de méthode en ayant voulu légiférer à partir d'un précepte idéologique, sans regarder aucune réalité économique. Aujourd'hui encore, alors que vous modifiez et que vous amoindrissez cette erreur, vous êtes dans l'idéologie. On entendait tout à l'heure le discours sur l'équilibre capital-travail. Le rapporteur général nous expliquait que finalement, cet équilibre pouvait se réaliser dans une sorte d'écosystème au sein des entreprises. C'est quand même oublier que l'entreprise n'est pas une bulle vivant fermée sur elle-même, que la France n'est pas non plus fermée sur elle-même, et que lorsqu'on recherche des capitaux pouvant s'investir dans une entreprise, ceux-ci ont le choix d'aller dans les entreprises de notre pays ou à l'étranger.
On a parlé de malentendu ou d'erreur dans la longue intervention de notre ministre. Il n'y avait aucun malentendu, mais juste une erreur. Vous cherchez à la corriger, mais comme l'a dit Charles de Courson, l'erreur de départ est de vous exonérer totalement de ce qui se passe autour de nous. Vous cherchez 200 millions d'euros au mauvais endroit, et d'ailleurs, vous remplacez 800 millions d'euros par un impôt sur les sociétés. Monsieur le ministre, vous déclariez vouloir trouver un équilibre entre le capital et le travail : je suis désolé de vous dire que vous ne le faites pas. Je ne m'attendais pas à ce que vous prolongiez les erreurs de vos prédécesseurs, après tout ce que j'ai entendu sous la précédente législature.
Monsieur le ministre, vous êtes intervenu longuement et avec passion. Vous avez reconnu l'erreur du Gouvernement : dont acte. Cependant, votre texte ne va pas très loin.
Cela dit, je trouve qu'un ministre en cravate défend mieux ses convictions qu'un ministre en marinière. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mais il s'agit d'un autre sujet.
Plus sérieusement, vous dites que l'épargne et le capital doivent contribuer autant que le travail : c'est une question que l'on peut se poser, et que l'on se pose. Le capital est probablement la mauvaise acception du terme : on préfère généralement parler d'épargne. Celle-ci est en réalité d'une nature différente que le travail. Parce qu'ils sont d'une nature différente, l'épargne et le travail peuvent donc, à un moment donné, contribuer différemment. Or votre texte rend les choses très compliquées : imposition à 24 % en 2012, au barème en 2013 avec des abattements, à 19 % si l'on remplit un certain nombre de conditions, exonérations en cas de réinvestissements à hauteur de 50 %... Les chefs d'entreprises sont certainement intelligents, mais il est tout de même difficile de s'y retrouver !
Cela pose deux questions que mes collègues ont soulevées. D'une part, votre projet crée une divergence par rapport aux autres pays, notamment à nos voisins européens. Il crée déjà de la divergence en Europe, alors que nous devons au contraire construire une convergence fiscale, sociale et économique. Et en ce qui concerne les capitaux, c'est un formidable point de fuite !
D'autre part, la compensation ne représente pas que l'épaisseur du trait. 800 millions d'euros de compensation sur l'impôt sur les sociétés, même sur les grandes entreprises, cela constitue évidemment un coût et un coup supplémentaires pour ces dernières, donc pour l'économie du pays.
Je souhaite préciser mes propos. Je donne acte au Gouvernement du fait qu'il maintient le statut des jeunes entreprises innovantes…
…qui avait d'ailleurs été rétabli en 2011 par un amendement de la majorité, en très grande partie contre l'avis du Gouvernement.
Oui, en très grande partie !
Vous décidez d'en faire un peu plus.
Quand j'ai utilisé l'expression « casser les jeunes entreprises », je ne pensais pas à leur statut, mais à leur financement en capital. Je parlais des fonds d'investissement.
Monsieur le ministre, vous affirmez que vous ne visez pas les entrepreneurs en tant que personnes. Je voudrais tout de même vous rappeler qu'une députée de la majorité a qualifié les chefs d'entreprises du numérique de « bling-bling », ce qu'ils n'ont pas vraiment accepté. Votre majorité doit donc absolument prendre en compte la position que vous venez de soutenir dans l'hémicycle, c'est-à-dire témoigner d'un très grand respect à l'égard des chefs d'entreprises…
…et des entrepreneurs qui veulent faire la promotion de la France, de l'innovation, et développer l'économie pour créer des emplois. Si nous sommes favorables à un traitement spécifique des revenus du capital par rapport à ceux du travail, à l'égard de ces entreprises innovantes, c'est parce qu'il en va de la défense de l'emploi. Nous ne défendons pas le capital, mais l'emploi.
Il faut défendre l'emploi, et seulement l'emploi !
Monsieur le ministre, on vous pensait professionnel des finances. Or on s'aperçoit que vous êtes très amateur dans votre fonction ministérielle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Cela vous démangeait de le dire !
Comment avez-vous pu commettre un tel impair ? En définitive, le sentiment qui nous vient à l'esprit, c'est que vous n'avez pas les relais dans le monde de l'entreprise.
À force d'avoir montré les entreprises du doigt en permanence, parce que vous êtes si peu en confiance que vous avez peur des fuites, vous n'avez pas, comme on le fait normalement chaque fois qu'on prépare un budget, interrogé certaines personnes pour savoir si les mesures proposées étaient dangereuses ou efficaces.
Aujourd'hui, on a bien compris que votre longue plaidoirie ne s'adressait pas à nous, mais aux membres de votre majorité.
Vous le savez bien : l'article 6 tel qu'il était initialement proposé est meurtrier pour l'esprit d'entreprise. Mais, tel que votre amendement le réécrit, il reste extrêmement dangereux pour l'esprit d'entreprise. Votre seule crainte, c'est que votre majorité ne vous suive pas.
En définitive, on s'aperçoit aujourd'hui que si, avec M. Valls – dont je ne partage pas le point de vue – on pourra devenir Français plus facilement, avec cet article 6 il deviendra beaucoup plus difficile de devenir entrepreneur en France. Je le déplore. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
J'observe d'abord que le Gouvernement est prêt à tout pour faire taire la contestation qui s'exprime à travers le pays. Tout à l'heure, M. Cahuzac reconnaissait finalement que les entrepreneurs avaient raison, mais qu'ils auraient dû se taire pour ne pas nuire à l'image de la France. Monsieur le ministre, vous auriez peut-être pu réfléchir avant de proposer un budget aussi désastreux.
Nous avons bien noté une différence profonde d'interprétation entre Pierre-Alain Muet, qui affirmait que le texte n'était modifié qu'à la marge, et M. le ministre, qui affirmait que le Gouvernement avait profondément changé son texte.
Je n'ai jamais dit « profondément ».
Au-delà du caractère un peu ridicule de la différence entre les deux interventions, il y a une divergence de fond, un sujet qui n'est pas réglé au sein de la gauche. De ce fait, le projet est bancal. Vous partez d'un mauvais projet, puis vous le modifiez et il devient une usine à gaz qui reste bancale.
Le problème de fond réside dans l'idée qu'il existe une séparation complète entre le capital et le travail. Cette idée est complètement ringarde : c'est comme s'il existait deux mondes tout à fait différents pour les patrons et les salariés dans une jeune PME, et notamment dans l'univers de l'entreprise innovante.
Monsieur le ministre, la lecture de Marx est certes intéressante, mais elle est assez insuffisante pour comprendre l'écosystème très particulier des jeunes entreprises, notamment dans le monde des nouvelles technologies.
Si la lecture de Marx est très insuffisante, votre intervention est très suffisante !
Vous avez de la suite dans les idées. En juillet, vous augmentiez déjà le prélèvement forfaitaire sur l'intéressement et la participation : vous n'aimez pas que l'on cherche à marier le capital et le travail. Aujourd'hui, vous cherchez à renvoyer chacun dans ses buts. Cela cache un vrai projet idéologique : vous craignez que le capital et le travail se parlent et qu'ensemble, ils se rendent compte de l'ineptie profonde du projet socialiste pour le pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 789 , qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
Il s'agit de l'amendement global que je crois avoir déjà présenté. Je ne veux pas rouvrir le débat : je pense que l'essentiel a été dit. À cette occasion, je voudrais néanmoins préciser un certain nombre de choses.
Il ne s'agit pas d'un changement profond. Madame Kosciusko-Morizet, vous avez déduit de mes propos que j'assumais profondément le changement. Je vous mets au défi de retrouver au compte rendu l'adverbe « profondément ». Mais naturellement, vous avez le droit de comprendre ce que vous voulez, comme j'ai le droit de tenter de préciser ce qu'il faut comprendre de mes propos.
Il manque 800 millions d'euros. M. Mariton l'a très bien dit, et je ne conteste pas ce chiffre.
Nous proposerons à l'Assemblée de récupérer cette recette en maintenant la surtaxe à l'IS sur les grandes sociétés, que la majorité précédente avait instaurée. Il se trouve que son rendement correspond précisément au manque de recette.
Je ne comprendrais pas que l'Assemblée ne suive pas le Gouvernement unanimement sur ce sujet : la majorité précédente a créé cette taxe, l'actuelle majorité en a besoin, le rendement correspond à la perte de recettes, et nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faut corriger la trajectoire de nos finances publiques. Au nom de toutes ces raisons, je le répète, j'imagine mal que l'ensemble de la représentation nationale ne suive pas le Gouvernement.
Ce faisant, la représentation nationale adhérerait au projet gouvernemental. Je ne dis pas cela pour vous dissuader de voter ce surplus de recettes. Il est vrai que les 800 millions d'euros dont M. Mariton dénonce la perte étaient demandés au capital, mais dès lors que nous les demandons via une surtaxe à l'IS des grandes sociétés, il s'agit également de demander au capital de contribuer.
Il existe cependant une différence de nature entre les deux options, et de ce point de vue, il est vrai que nos discussions avec les créateurs d'entreprises nous ont aidés. Dans le premier cas, la contribution était demandée à un capital investi à long terme et qui fructifie grâce au travail des chefs d'entreprises. Dans le second cas, nous sollicitons un capital généralement investi à court terme, par des investisseurs n'ayant pas d'activité professionnelle dans l'entreprise et qui sont d'ailleurs souvent des étrangers. Dans les deux cas, il s'agit donc de capital, mais après tout, la seconde solution me paraît plutôt meilleure. J'espère que la majorité parlementaire au moins me suivra là-dessus.
Nous ne mettons pas à contribution ceux qui investissent souvent des biens propres, qui se donnent du mal à lever des fonds et qui font fructifier l'ensemble par leur travail quotidien. Nous sollicitons plutôt ceux qui investissent de manière passive, qui attendent de voir si les cours montent, qui vendent généralement à court terme ou à petit moyen terme pour réaliser une plus-value et qui sont une fois sur deux des investisseurs étrangers. Il y a donc un déport de la contribution demandée : cette dernière reste une contribution sur le capital, mais les personnes qui vont l'acquitter ne sont pas les mêmes. Au moins pour toutes ces raisons, je fonde l'espoir que cette disposition sera approuvée par l'unanimité de la représentation nationale.
Quant à l'économie du dispositif sur les plus-values, là encore, voyons bien quelles sont les modifications. L'affirmation selon laquelle tout a changé radicalement ne peut s'expliquer que par le dépôt tardif de ces amendements. Il faut que le Gouvernement s'en excuse, bien que j'aie demandé la réserve en acceptant l'examen des articles concernés le jour et l'heure qui m'ont été demandés par les porte-parole des groupes de l'opposition. Je n'ai rien demandé en moins, rien suggéré en plus : j'ai répondu strictement à leur demande, après avoir naturellement recueilli l'accord du rapporteur général et du président du groupe SRC.
Quelle est donc l'économie de ce dispositif ? J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet, mais je le répète : il s'agit bien de permettre au chef d'entreprise qui crée son entreprise et qui la développe – car tout le monde n'est pas créateur ou développeur d'entreprise – de continuer de travailler avec l'espérance d'un gain futur. Ne soyons en effet pas totalement naïfs : si l'emploi, la richesse, l'intérêt national et le patriotisme font évidemment partie des motivations de nos concitoyens qui s'investissent de la sorte, l'espérance d'un gain futur demeure. Elle n'est pas médiocre, mais il n'est pas très honnête de faire semblant de l'oublier. Nous avons décidé de maintenir cette espérance : par conséquent, les chefs d'entreprises qui étaient jusqu'alors soumis à un prélèvement forfaitaire libératoire de 19 % le seront à un prélèvement forfaitaire libératoire majoré de 5 points. Est-ce cela qui va tuer l'esprit d'entreprise ? Est-ce cela que s'attaquer à des entreprises ? Franchement, je ne le crois pas.
Au nom de quoi, d'ailleurs, ceux-là ne contribueraient-ils pas aussi et un peu, du seul fait qu'ils sont chefs et créateurs d'entreprises – même si cela est tout à fait honorable –, au redressement de nos finances publiques ? Ou alors, il faudrait considérer que nous sommes dans un régime qui, à l'instar d'autres régimes, considère qu'il existe des citoyens particuliers devant être par principe, et du fait de leur qualité, exonérés de tout effort. Ce n'est pas notre conception de la répartition équitable de l'effort à consentir dans notre pays.
C'est pourquoi, le principe d'un prélèvement forfaitaire libératoire est maintenu même si ce prélèvement est majoré de cinq points.
Quant aux investisseurs passifs, ils seront, de manière non rétroactive, soumis au barème de l'impôt sur le revenu, non comme un revenu puisque les plus-values bénéficieront d'un régime particulier d'abattement.
Je tiens à dire aux députés de la majorité présidentielle que cet abattement est légitime et est fonction de la durée d'investissement : entre deux et quatre ans, entre quatre et six ans et au-delà de six ans.
Pourquoi cette durée sur laquelle nous sommes revenus, je veux bien le reconnaître ?
Parce que nous avons été convaincus que le cycle économique s'articule plutôt autour de telles durées, davantage que celles que nous avions envisagées – six, huit et douze ans.
Je n'ai nulle honte de reconnaître que nous sommes revenus sur ce point, l'essentiel étant de trouver un bon dispositif sans rien renier – contrairement à ce que certains peuvent prétendre, mais qui n'ont probablement pas lu le texte ni les amendements – du principe qui fonde cette réforme et qui veut que les revenus du capital contribuent autant que les revenus du travail. Dans la période difficile que nous connaissons, il n'y a pas de raison pour que les uns soient privilégiés par rapport aux autres. C'est la divergence que nous avons avec l'opposition qui souhaite que les revenus du capital soient moins imposés que les revenus du travail.
Au fond, les mêmes qui souhaitaient revaloriser la valeur travail démontrent, je le crains, à l'occasion de ce débat que cette revalorisation ne va pas jusqu'à considérer que les revenus du travail n'ont pas à être taxés davantage que les revenus du capital. C'est, en tout cas, notre vision des choses.
Telle est l'économie globale du dispositif : un traitement particulier pour les créateurs, les chefs d'entreprise, ceux qui sont objectivement responsables et qui ont le mérite de la création et du développement de ces entreprises. À eux la récompense ultérieure dans les conditions que l'on sait et à ceux qui investissent, qui en tirent un profit qui n'est pas illégitime, car il est la rançon du risque, à ceux-là, bien sûr une partie de ce profit, mais à ceux-là aussi, la demande faite par le Gouvernement et, je l'espère, par le Parlement de contribuer au redressement du pays car tout le monde doit contribuer à ce redressement.
Plusieurs points m'ont interpellée dans l'intervention de M. le ministre.
D'abord sur la valorisation du travail : nous sommes évidemment pour. Je rappelle que nous avons porté la défiscalisation des heures supplémentaires alors que vous, vous l'avez supprimée. De grâce, épargnez-nous vos leçons sur le sujet !
Je souhaite ensuite revenir sur les 800 millions d'euros. Tout le monde est d'accord pour dire que ce mouvement coûte 800 millions d'euros. Pourquoi, en revanche, cherchez-vous à opposer les Français les uns aux autres, les entreprises les unes aux autres à ce propos ? Vous avez reconnu que vous vous êtes trompés sur les créateurs d'entreprises, les petites entreprises et que cela coûtera 800 millions d'euros au pays. Mais pourquoi faire payer cette somme par les grosses entreprises ? Même dans l'armée, monsieur le ministre, cela fait plusieurs années que la punition collective a été interdite ! Opposer les gens les uns aux autres, pour les séparer, c'est contraire à l'intérêt général, à une dynamique positive en faveur de notre économie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il existe un autre moyen de chercher ces 800 millions d'euros : faire enfin quelques économies plutôt que de remplacer des impôts par des impôts, mais cela a l'air de vous être assez étranger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne vous cacherai pas que cet amendement laisse le groupe écologiste interrogatif. (Exclamations et sourires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Ce n'est pas au goût de tout le monde. (Sourires.)
Que vous précisiez la loi pour bien tenir compte de la distinction entre entrepreneurs et simples détenteurs du capital, nous le comprenons d'autant mieux que le manque à gagner lié à votre amendement est entièrement compensé par la contribution exceptionnelle sur les sociétés.
Nous le comprenons, nous serions même prêts à le saluer, mais nous aimerions que vous fassiez preuve du même esprit d'ouverture envers les ONG environnementales, les lanceurs d'alerte, le monde paysan ou syndical. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
Avouez, monsieur Bertrand, que vous attendiez davantage de cette intervention… (Sourires.)
Monsieur le ministre, je souhaiterais demander au Gouvernement quelque chose qui s'approcherait d'une étude d'impact sur son amendement.
En effet, cet amendement change fondamentalement l'économie du projet du Gouvernement. Nous avions une étude d'impact sur un projet à un milliard. On a maintenant un projet très différent à 200 millions. Vous ne pouvez donc considérer que l'étude d'impact initiale vaut pour l'amendement ! L'assemblée et les Français ont besoin d'être renseignés. Une étude d'impact serait la moindre des choses et permettrait de savoir si vous savez où vous allez.
Permettez-moi également, monsieur le ministre, de faire une observation sur la forme. Vous avez tenu tout à l'heure des propos qui ne m'ont pas paru très adroits en expliquant qu'un certain nombre de nos concitoyens avaient fait tort au pays. Il n'y a pas de bons Français, qui accepteraient sans rechigner vos propositions, et de mauvais Français, qui se manifesteraient par des pétitions sur internet.
L'idée de faire tort au pays ne me paraît être une expression très heureuse. Je partage l'avis de Nathalie Kosciusko-Morizet : sur la façon d'ajuster ces 800 millions. Le plus simple, monsieur le ministre, c'est de faire des économies plutôt que de créer un impôt supplémentaire.
Nous déposerons des amendements pour améliorer votre dispositif, qui mérite de l'être, notamment parce que des investissements se font sur des cycles plus longs que six ans. On pourrait retenir une durée de huit ans avec un abattement supérieur lorsque la sortie se fait sur délai au-delà de six ans. Votre projet qui n'est toujours pas bon peut être amélioré à la marge. Nous essaierons d'y contribuer et il serait souhaitable que vous nous écoutiez sur ce point.
Mais, le premier enjeu, monsieur le ministre, c'est l'étude d'impact !
Monsieur le ministre, votre amendement va dans la bonne direction, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.
Je ne résiste pas à vous lire un passage de l'étude d'impact sur le texte initial : « Consultation obligatoire : aucune consultation obligatoire n'est requise. Consultation facultative : aucune consultation facultative n'a été menée ». C'est tout à fait exact.
Ensuite, vous vous êtes concertés avec les « pigeons », comme vous l'avez rappelé tout à l'heure pour essayer de trouver une sortie.
Quant à l'impact de la première mesure, il est dit qu'il n'y en a pas. « On hallucine ! » comme disent les « djeunes » ! (Rires.)
Quelle prise de risque ! (Sourires.)
Après la forme, le fond.
Vous n'avez pas encore, monsieur le ministre, articulé votre amendement avec le système existant sur les plus-values immobilières, lequel prévoit une exonération au bout de trente ans. Alors que dans votre proposition, vous vous arrêtez au bout de huit ans à 40 %. Est-il logique que nous encouragions davantage l'investissement dans l'immobilier par rapport à l'investissement dans les entreprises ?
Soyons cohérents intellectuellement. Si vous considérez que les plus-values immobilières sont trop bien traitées, réduisez-les afin qu'elles deviennent moins avantageuses…
…que les plus-values de ceux qui risquent leur propre patrimoine.
C'est pourquoi nous avons déposé des amendements dans ce sens. Concernant d'autres problèmes techniques, nous y reviendrons dans les sous-amendements.
Nous posons le problème de la cohérence de notre système fiscal entre plus-values mobilières et plus-values immobilières. Je précise à l'intention de nos collègues non spécialistes qu'en matière de plus-values immobilières, on a un système d'abattement progressif qui aboutit à 100 % au bout de trente ans. Dans le système que vous proposez, on aboutit à 40 % au bout de huit ans et après, cela s'arrête.
Pardon, monsieur le ministre. On aboutit à 40 % au bout de six ans, car il y a eu des variantes.
Nous proposons de passer de 40 % à 50 % entre six ans et huit ans. À partir de huit ans, nous proposons un système de raccordement pour aller à zéro au bout de trente ans afin d'être cohérent par rapport au système des plus-values immobilières.
Sinon, monsieur le ministre, vous aurez du mal à expliquer aux investisseurs qu'ils sont mieux traités lorsqu'ils prennent moins de risques dans l'immobilier que lorsqu'ils risquent une partie de leur patrimoine dans l'investissement dans les entreprises.
Mes chers collègues, n'oubliez pas que la moitié des entrepreneurs « se sont plantés » au bout de six ans et ont tout perdu.
Et pour eux, il n'y a pas de crédit d'impôt sur leurs pertes.
Il faut de l'équilibre, sinon le système fiscal aboutira à ce que l'épargne aille davantage vers l'immobilier, voire se placer à court terme, mais ce n'est pas l'intérêt du pays en termes de création d'emplois et de richesses.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir le sous-amendement n° 811 .
Je tiens d'abord à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir accepté la réserve de ces amendements. Je peux attester que cela s'est bien passé, ainsi que vous l'avez indiqué tout à l'heure. Vous comprenez bien qu'il fallait du temps à l'opposition pour évaluer les modifications, la correction de l'énorme erreur, de la bourde, qui avait été commise par le Gouvernement. À ce titre, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que les seuls qui ont fait du tort au pays, c'est le Gouvernement de la République française qui a, par exemple, permis au Premier ministre britannique d'offrir asile aux « pigeons » du gouvernement français ! (Murmures sur quelques bancs du groupe SRC.)
Depuis hier soir, nous constatons un vrai désaccord économique entre nous. Je faisais observer que vous étiez en train de favoriser l'épargne courte par rapport à l'épargne longue, mais dans le cas présent, vous êtes en train de favoriser l'investissement dans l'immobilier plutôt que dans l'entreprise. Quand on a la chance d'avoir un capital à investir, on a le choix. On peut le faire sous différentes formes, notamment dans l'immobilier.
Dans l'hypothèse où vous accepteriez nos sous-amendements, le système fiscal demeurerait plus favorable à l'immobilier qu'à l'entreprise. Un investisseur bénéficie aujourd'hui du Scellier et, demain, du Duflot, et d'un certain nombre d'avantages fiscaux qui ne portent pas sur les plus-values.
Nous vous proposons d'aligner la fiscalité sur les plus-values investies dans les entreprises sur celle qui prévaut actuellement pour l'immobilier. Le dispositif que nous avons retenu – que vous pourriez sans doute améliorer ou mieux caler par rapport à vos projets de fiscalité sur l'immobilier – a une vertu.
Nous vous proposons – vous qui vous arrêtez à six ans ; 20 % sur deux ans de détention, 30 % sur quatre ans, 40 % sur six ans – de prolonger encore la détention et d'améliorer la décote pour inciter les investisseurs à rester dans le capital, à créer de la richesse, à produire des emplois nouveaux pour les Français.
Ce système plus linéaire, avec un plus faible effet de couperet, favoriserait l'épargne longue. Favoriser l'épargne longue en entreprise, c'est favoriser l'emploi des Français. C'est ce que vous propose le groupe UDI.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir le sous-amendement n° 812 .
Première idée, avec cet amendement : hiérarchiser les investissements dont la France a besoin pour sa croissance. Mais dans quel ordre ? D'abord, l'immobilier, ensuite les sociétés cotées et enfin, parce que ce sont les plus exposées, les sociétés de croissance ? Le rythme approprié aujourd'hui ne serait-il pas plutôt l'inverse ? À savoir créer une incitation forte sur les entreprises de croissance, parce que la France en a besoin, ensuite les entreprises cotées, enfin l'immobilier. La première idée est donc de proposer une hiérarchie pertinente compte tenu des priorités de la France en termes de croissance.
Seconde idée : accompagner des cycles industriels. Vous pointez généralement du doigt le risque spéculatif de l'investissement. En proposant de ramener ces perspectives d'abattement sur un cycle long, il s'agit d'encourager l'investissement sur la durée, l'épargne patiente. Donc, de se rapprocher des cycles industriels.
La parole est à M. Yves Jégo, pour soutenir le sous-amendement n° 819 .
Pardonnez-nous de monopoliser la parole, mais le sujet est important.
Si votre position initiale était la bonne, pourquoi la changer ? Car on ne peut pas croire que le Gouvernement et le parti socialiste n'aient pas eu, après dix ans passés dans l'opposition, le temps de réfléchir !
Ce ne sont pas les lobbies que vous dénoncez si souvent qui peuvent vous faire reculer.
Et si votre position initiale n'était pas la bonne, pourquoi ne pas revenir à la position antérieure ? Pour montrer que vous ne cédez pas complètement ? L'incohérence de votre parcours est des plus surprenante. À cet égard, M. le ministre ne manquera pas de nous servir des exemples trouvés dans les archives répertoriant les moments où, lorsque nous étions au pouvoir, nous avions reculé !
Monsieur le ministre, si c'est une bonne défense de dialecticien, cela ne fait pas avancer les dossiers. Regardez donc un peu moins dans vos archives et tournez-vous un peu plus vers l'avenir !
Et vous, regardez un peu plus dans votre mémoire !
Essayez d'assumer les pouvoirs que vous ont confiés les Français !
Le Président de la République, lors de sa campagne et dans plusieurs discours par la suite, a déclaré vouloir s'attaquer à la finance. Mais ce dont nous parlons ici, ce n'est pas la finance sans visage, c'est la finance du coin de la rue, la finance du quartier, la finance de ceux qui essaient de faire avancer les choses, les entrepreneurs de ce pays. Ne vous enfermez pas dans une logique purement idéologique.
Apparemment, je ne suis pas le seul !
Les seules personnes que cela ne fasse pas rire, ce sont les chefs d'entreprise qui iront créer ailleurs qu'en France, en Angleterre notamment, dans un monde ouvert. Moi, je pense aux emplois que nous avons perdus, aux travailleurs qui n'auront plus de travail, à tout ce qui ne se créera pas. C'est ça, la réalité !
Croyez-moi, vous aurez une part de responsabilité dans les 30 000 chômeurs de plus qu'il y aura chaque mois dans les années à venir, et cela ne réjouit personne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Permettez-nous, au nom de ceux qui nous ont élus, de vous dire que vous faites fausse route : revenez à la raison et faites en sorte que l'entrepreneur soit aussi dans notre pays l'un des moteurs de l'économie.
La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir le sous-amendement n° 806 .
M. Jégo a raison de parler de finance de quartier, puisque le monde est un village !
Je vais continuer à rire !
Monsieur le ministre, les différentes interventions montrent que les cycles économiques peuvent être extrêmement contrastés. Je n'ai pas la vision normative de M. Mandon, selon laquelle il n'est pas dans la finalité d'une entreprise d'être vendue. Il peut aussi bien exister des entreprises dont le cycle est extrêmement bref.
Nous entendons améliorer votre dispositif en lui assurant une plus grande continuité. Cet amendement prévoit donc d'instaurer un abattement au taux de 50 % à compter de la huitième année de détention.
Quel est l'avis de la commission sur ces sous-amendements en discussion commune ?
Ces sous-amendements visent grosso modo à aligner le régime des plus-values sur valeurs mobilières sur le régime qui prévaut pour les plus-values immobilières. Je dis grosso modo car, si vous aviez poussé le raisonnement jusqu'au bout en considérant qu'il s'agissait de produits similaires, je ne vois pas pourquoi vous auriez prévu, comme vous le faites, un régime plus favorable pour les plus-values mobilières que pour les plus-values immobilières.
Même s'ils reposent sur la même limite de trente ans pour l'extinction totale, ces amendements comportent diverses modalités de montée en puissance du régime : l'un propose un taux de 50 % à compter de la huitième année ; les autres prévoient d'augmenter ce taux de 50 % de 2,5 % par an à compter de la dixième année jusqu'à l'exonération totale.
Le problème posé est le suivant : les plus-values des valeurs mobilières sont-elles assimilables aux plus-values des valeurs immobilières ? Pour nous, la réponse est clairement non, car nous avons une différence de fond. Madame Kosciusko-Morizet, nous ne séparons pas le capital du travail, bien au contraire, puisque nous disons que l'un est dépendant de l'autre et que les revenus tirés de l'un et de l'autre doivent être traités à peu près de la même façon. Pourquoi seulement à peu près ? Parce que ces deux types de revenu reposent sur des rythmes différents : le salaire est mensuel, tandis que la plus-value correspond à une accumulation de revenus de l'entreprise non distribués, ce qui peut donner lieu à quelques adaptations.
Pour nous, la plus-value des valeurs mobilières est assimilable aux revenus produits par l'entreprise, eux-mêmes assimilables aux salaires ; nous pourrons continuer à en discuter toute la nuit et tout le week-end.
Interviennent aussi les dividendes, lesquels bénéficient d'un abattement de 40 %, taux qui équivaut plus ou moins au crédit d'impôt qui prévalait auparavant. Si ce taux s'applique, c'est que les dividendes correspondent à des bénéfices redistribués après avoir été taxés au titre de l'impôt sur les sociétés.
Comme les plus-values sont accumulées au fil du temps, le taux de 40 % ne s'applique pas tout de suite. Le but est d'encourager une détention plus longue, et c'est pourquoi nous avons fixé à 40 % le taux maximum d'abattement sur les plus-values des valeurs mobilières. Ce n'est ni punitif, ni incitatif.
Le dispositif prévoit un abattement de 20 % pour une durée de détention d'au moins deux ans, de 30 % pour une durée d'au moins quatre ans, de 40 % au bout de six ans. Si le dividende bénéficie d'un abattement de 40 %, c'est qu'il est déjà taxé au titre de l'impôt sur les sociétés.
C'est la position du Gouvernement, que je partage. La commission n'a pas pu examiner les sous-amendements – vous savez pourquoi – mais, à titre personnel, compte tenu des principes qu'a majoritairement retenus la commission pour examiner l'ancienne version de l'article et la nouvelle rédaction proposée par l'amendement du Gouvernement, j'y suis défavorable.
Plusieurs sujets ont été abordés. Je commencerai par la différence de traitement entre investissements mobiliers et immobiliers, laquelle est historique, si j'ose dire. Souvenez-vous du dispositif voté en 2005 : pour les plus-values mobilières, il prévoyait, passé un délai de cinq ans de détention – je le dis de mémoire, sous le contrôle de Gilles Carrez qui maîtrise parfaitement ces éléments – un abattement d'un tiers par année supplémentaire, avec une date d'entrée en vigueur fixée à 2012. Or, que s'est-il passé à la fin de l'année 2011 ? La majorité de l'époque a purement et simplement éradiqué le système en repoussant à 2014son entrée en vigueur. Le problème existait donc déjà, et la majorité d'alors a buté dessus : elle voulait exonérer de toute taxation les plus-values mobilières mais elle n'y est pas parvenue.
Pour notre part, nous tentons de nous attaquer à ce problème, mais de manière raisonnable. Nous maintenons à l'identique la situation pour les chefs d'entreprise qui réalisent leurs plus-values. En l'état actuel du droit, ils sont soumis à prélèvement forfaitaire libératoire de 19 % et ils resteront à l'avenir soumis à ce même prélèvement. Pour eux, rien ne change.
Au regard de ce que j'ai indiqué tout à l'heure, il a été décidé de faire droit à ce qu'ils estimaient être une demande légitime. Ils se sont beaucoup investis dans leurs projets, ils y ont consacré beaucoup de temps et ont pris beaucoup de risques, notamment en espérant cette récompense in fine. Dont acte. Laissons leur cette récompense en maintenant le prélèvement forfaitaire libératoire de 19 %.
En revanche, les investisseurs qui ne sont pas actifs et ne misent pas sur le long terme, mais sont bien souvent passifs et visent le court ou le moyen terme , se verront appliquer pour les cessions réalisées en 2012 un prélèvement forfaitaire libératoire de 24 % au lieu de 19 % – ce sont les cinq points supplémentaires auxquels je faisais référence tout à l'heure. Et, à compter de 2013, les cessions seront imposées au barème de l'impôt sur le revenu, au nom du principe qui veut que les revenus du capital contribuent autant que les revenus du travail. Je sais que nous avons une divergence sur cette question, et nous l'assumons.
Si je me permets de rappeler cela, c'est pour répondre à M. Mariton qui réclame une étude d'impact. Pour les chefs d'entreprise, elle est inutile puisque rien ne change quant à la taxation des plus-values qu'ils réalisent. Pour les autres, je reconnais bien volontiers qu'il n'y a pas eu d'étude d'impact, ce que M. Mariton savait parfaitement en me posant la question. Mais il peut fort bien arriver que le Gouvernement propose au Parlement un texte important sans l'accompagner d'une étude d'impact. Voulez-vous que je vous cite un précédent qui ne me semble pas anodin ? Je vois sourire M. Jégo : qu'il soit rassuré, mon exemple ne concernera pas l'outre-mer (Sourires), mais un projet de loi à l'enjeu financier rien moins que mince : 11 milliards d'euros ! Je veux parler de la TVA sociale.
Qui plus est, le dispositif n'était pas introduit par voie d'amendement, dans des conditions abondamment dénoncées par les parlementaires de l'opposition qui, après tout, ont bien le droit de se livrer à cette pratique bien connue s'ils ont l'impression que la majorité ou le Gouvernement commettent une erreur. Non, la TVA sociale était instaurée par un projet du Gouvernement, dont on aurait pu penser qu'il avait été réfléchi. Y a-t-il même eu des concertations ? Je n'en ai pas le souvenir. Pire, le Président de la République de l'époque avait même clairement exclu, dans une interview en fin d'année, l'idée d'une hausse de la TVA. Et, quelques mois plus tard, le projet créant la TVA sociale a été présenté au Parlement, en vue d'une entrée en vigueur après les élections dans l'hypothèse où la majorité d'alors les gagnerait. Pas de concertation, pas d'étude d'impact, donc.
Je reconnais que l'absence d'étude d'impact n'est pas une bonne chose. Je demande seulement qu'il y ait une certaine modération dans les critiques, au regard de ce qui s'est passé, non pas en un temps qui relève de l'archéologie politique mais à une époque toute récente, monsieur Jégo, puisque c'était l'année dernière. Il me semble, et vous ne le contesterez pas, que l'on peut légitimement y faire référence.
Donc, oui, nous établissons une différence de traitement entre plus-values mobilières et immobilières. Tous les gouvernants l'ont constatée, tous l'ont assumée. Je l'assume moi-même parfaitement au nom de l'actuel Gouvernement.
C'est un choix politique, monsieur Lagarde. Vous en faites un autre.
Au nom de la justice, et vous avez le droit d'en avoir une autre conception.
Enfin, s'agit-il pour notre pays d'élaborer une fiscalité des plus-values mobilières qui en ferait un isolat dans le concert des nations ? Je ne le crois pas. En Australie, elles sont soumises au barème de l'impôt sur le revenu avec un abattement, comme en France. Au Canada, elles sont soumises au barème avec un abattement, comme en France. En Allemagne, elles sont soumises au barème dès lors que le niveau de participation dépasse 1 %, alors que le projet du Gouvernement prévoit un niveau beaucoup plus élevé, ce qui veut dire qu'en Allemagne la « barémisation » – pour reprendre un terme dont la dissonance n'aura échappé à personne – répond à des conditions plus dures que celles que nous prévoyons. En Italie, elles sont également soumises au barème, dès lors que la participation dépasse 5 % pour une entreprise cotée et 2 % pour une entreprise non cotée.
Si le Parlement, comme je le souhaite, accepte le dispositif du Gouvernement, non seulement nous répondrons à un engagement de campagne, non seulement nous ferons oeuvre de justice, non seulement nous introduirons de la clarté et de la lisibilité dans notre système fiscal, mais de surcroît nous nous alignerons sur la fiscalité existante chez nos principaux voisins tout en respectant mieux qu'eux la valeur créée par les chefs d'entreprise.
Bref, ce projet, comme tout projet politique, ne mérite ni cet excès d'honneur ni cette indignité.
Le Gouvernement appelle donc à rejeter les sous-amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, votre propos consiste à montrer que ce système existe depuis longtemps, mais je tiens à vous dire que l'antériorité d'un vice ne le transforme pas en vertu.
En outre, je viens d'entendre qu'il était préférable pour vous, au nom de la justice, de favoriser les personnes qui achètent un bien immobilier pour en tirer un loyer et se constituer un capital, plutôt que celles qui investissent dans une entreprise pour créer des richesses, créer des emplois et donner de l'énergie à notre pays.
Je le regrette, car vous avez parlé de volonté politique, et c'est bien de cela qu'il s'agit en effet. Par nos sous-amendements, nous avons voulu appeler l'attention sur le désaccord politique qui existe entre nous et vous rendre conscients de l'erreur que vous commettez afin de vous faire progresser, sans doute moins vite que les « pigeons » mais peut-être plus sûrement.
Nous aimerions que vous compreniez qu'il faut inciter les Français à investir dans les entreprises plutôt que dans l'immobilier, comme ils ont naturellement tendance à le faire car ils considèrent celui-ci comme un placement plus sûr.
Après tout, lorsque Laurent Fabius, alors Premier ministre, a créé le CODEVI, depuis devenu livret de développement durable, c'était justement pour mettre en place un produit d'épargne qui drainerait l'épargne des Français vers le financement des entreprises, alors qu'ils ne sont pas naturellement enclins à ce genre d'investissement.
Et puis, monsieur le rapporteur général, pourquoi souligner que nos sous-amendements proposent une décote plus favorable que pour les valeurs immobilières ? Cela nous paraît parfaitement logique : c'est une question de cycle économique. Pour un bien immobilier, le retour sur investissement n'intervient pas avant une période assez longue, puisque les emprunts courent sur une quinzaine d'années en moyenne alors que, dans les entreprises, le retour sur investissement est en général plus rapide, même s'il y a parfois des échecs.
C'est la première fois que nous avons ce débat, mais le groupe UDI aura à coeur, tout au long de cette législature, de vous inciter à favoriser l'épargne en faveur des entreprises. Sinon, nous ne voyons pas comment il sera possible de relancer la croissance et de créer des emplois.
Première observation : la « barémisation » atteint 60 % puisqu'au bout de six ans l'abattement s'élève à 40 %. Si vous êtes dans la tranche à 45 % plus 4 %, soit 49 % – je ne parle même pas de la tranche à 75 % –, cela fait près de 30 % – auxquels vous oubliez d'ajouter la CSG et la CRDS.
Premier problème : pourquoi ne coordonnez-vous pas votre amendement avec l'assiette de ces deux contributions ? Il existe en effet un abattement au niveau de l'impôt sur le revenu, mais pas de la CSG ni de la CRDS. C'est un peu étrange.
Deuxième problème : M. le rapporteur général et M. le ministre nous expliquent que l'on retient 40 % parce qu'on s'aligne sur les dividendes. On peut suivre cette approche, mais il faut alors expliquer pourquoi l'abattement est immédiat sur les dividendes, et pourquoi il est différé et progressif sur les plus-values de cession.
Quant au non-alignement, c'est-à-dire un régime plus favorable des plus-values immobilières par rapport aux plus-values mobilières, vous n'avez répondu ni l'un ni l'autre. Vous vous contentez d'affirmer que ça a toujours été comme ça : c'est un argument de conservateur ! Sur le fond, le problème est réel.
M. Caresche nous disait que les investisseurs dans les entreprises ne sont pas les mêmes que dans l'immobilier. Détrompez-vous ! Vous pouvez investir dans les entreprises comme dans l'immobilier, et même panacher les deux. Il existe donc un problème de cohérence dans votre traitement de l'épargne.
Cette comparaison ne me parait pas juste, car la question de l'intérêt d'un investissement n'est pas liée uniquement à son régime fiscal.
Le problème de l'immobilier réside dans l'extrême faiblesse de ses taux de rentabilité. Depuis le début de cette discussion, nous essayons par tous les moyens de doper l'investissement immobilier en France, qui connaît un régime de quasi-pénurie. Il est donc assez surréaliste d'expliquer que l'immobilier concurrencera l'investissement dans les entreprises.
Par ailleurs, à ma connaissance, les plus-values immobilières ont aussi vocation à entrer dans le barème de l'impôt sur le revenu – nous avons déjà pratiqué cette opération de « barémisation » il y a deux heures. Nous conservons donc une différence sur les 20 % qui ont été préservés, mais pour le reste nous nous dirigeons vers un régime tout à fait comparable.
Je souhaiterais obtenir quelques réponses du Gouvernement concernant son amendement.
Tout d'abord, je comprends bien, monsieur le ministre, que vous avez voulu modifier les dispositions concernant les entrepreneurs actionnaires, qui sont les chefs d'entreprises ; cela peut se concevoir.
Mais, dans le même temps, l'opposition nous expliquait hier que certains salariés seraient taxés à 45 %. Peut-on imaginer qu'un ingénieur soit taxé à 45 % dans une entreprise, soit beaucoup plus que ne le serait son chef d'entreprise sur les plus-values de cession mobilières ? Nous ne partageons pas votre approche de ce sujet.
Par ailleurs, je m'interroge sur ces nouvelles dispositions qui entraînent une baisse de recettes de 800 millions d'euros par rapport à celles initialement prévues. Je suis très surpris : était-il donc envisageable jusque-là de faire peser ces 800 millions sur les chefs d'entreprise ? J'en viens à me demander si le dispositif initial de l'article 6 était réellement de nature à rapporter un milliard d'euros.
Pour les actionnaires passifs, le dispositif reste le même : ils seront donc toujours taxés au barème, ce qui est tout à fait normal. On ne peut donc que s'en féliciter. Mais, à partir du moment où le principe reste inchangé, je ne comprends pas comment on en arrive à une telle différence. Je remercie donc M. le ministre de bien vouloir me l'expliquer.
En conclusion, vous l'aurez compris, je ne suis pas très favorable à la modification de l'article 6.
(Les sous-amendements identiques nos 810 , 811 , 812 et 819 ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement n° 806 n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir le sous-amendement n° 797 .
Il est rédactionnel.
(Le sous-amendement n° 797 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir le sous-amendement n° 816 .
Il s'agit pour l'essentiel d'une demande de précision au rapporteur général et au Gouvernement. M. le ministre pourra ainsi expliquer la situation et nous dire le cas échéant si ce sous-amendement est sans objet.
J'aimerais que soient précisées les conditions d'application, pour les fonds communs de placements à risques antérieurs à juin 2009, de l'abattement lié à la durée de détention. Ce dispositif étant relativement ambigu, il serait souhaitable que le ministre clarifie la situation.
Le sous-amendement de notre collègue traite, si j'ai bien compris, du carried interest. Ce n'est pas un sujet de discussion, puisque nous rétablissons la situation antérieure. Le sous-amendement me paraît donc sans objet, et l'avis de la commission est défavorable.
Vous m'interrogez, monsieur Mariton, sur le calcul de la durée de détention. Il est tenu compte de la durée la plus courte : il s'agit soit de la durée de détention, pour les fonds de placements à risques et les sociétés de capital risque, des titres de la société cédée dont la plus-value est redistribuée, soit de la durée de détention par le gestionnaire de ces parts ou actions.
Comme vous le savez, la durée est en général de six ans, rarement moins. Je ne crois pas que la durée que nous avons retenue soit source de préjudice pour ce mécanisme, lequel permet en effet à des fonds de capital risque de réaliser des investissements intéressants.
Concernant la « barémisation » à 60 %, monsieur de Courson, vous savez trop bien calculer pour que je ne voie pas un peu de mauvaise foi dans votre présentation.
Alors, c'est l'exception qui confirme la règle, j'espère du moins vous en convaincre…
Comme vous le savez, la CSG est en partie déductible, à hauteur de 5,1 points. Le calcul ne se fait donc pas sur 100, mais sur 94,9. C'est donc à ce chiffre qu'il faut appliquer l'abattement de 40 % ; reste 54,9, à quoi l'on applique alors le taux marginal, en l'occurrence 45 %. Le magistrat de la Cour des comptes que vous êtes m'accordera bien volontiers que 45 % de 54,9, cela ne peut pas faire 60.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir le sous-amendement n° 818 .
Dans un contexte où l'on parle beaucoup de rapprocher le capital du travail, ce sous-amendement vise à créer une communauté d'intérêts entre l'épargnant investisseur et l'entrepreneur.
Lorsque ces deux acteurs se trouvent dans une même entreprise, le risque existe en effet que l'intérêt de l'un entre en conflit avec celui de l'autre, notamment si l'entrepreneur veut vendre alors que l'épargnant investisseur préfère attendre de bénéficier d'un abattement.
Quelles conséquences aura cette divergence d'intérêts causée par des régimes fiscaux différents entre deux acteurs qui, si l'on souhaite que le projet de l'entreprise et l'investissement aient un sens, se trouvent nécessairement liés, même dans l'hypothèse d'une sortie ?
Défavorable, car il est proposé d'inscrire dans la loi un critère disposant qu'il faut être entrepreneur ou avoir accompagné à titre personnel l'entrepreneur dans la création de l'entreprise.
Or, cette définition n'est pas rédigée de façon suffisamment claire, contrairement aux critères que nous avons nous-mêmes retenus, et que nous avons longuement évoqués hier en commission : détenir au moins 5 % du capital lors du réemploi, conserver les titres pendant huit ans en continu, ou avoir détenu avec le cercle familial 10 % du capital.
Tel est le type de critères que nous retenons, même si certains seuils peuvent avoir été modifiés. Ils sont extrêmement précis et ne sauraient être assimilés à ceux que vous proposez.
Défavorable. Ce qui unit les deux partenaires, c'est d'abord la confiance de chacun en l'autre et en le projet lui-même, et non une simple communauté de destin fiscal. On pourrait même, si les partenaires avaient réellement besoin de cela pour travailler ensemble, nourrir de grandes craintes sur la durée de cette union.
Je ne retiens donc pas votre argumentation, monsieur Fromantin, car je pense qu'il faut différencier les deux positions : l'un investit, assume un risque et en est rémunéré dans les conditions que nous connaissons ; l'autre non seulement prend un risque, mais travaille dans l'entreprise tous les jours. Ne serait-ce que par respect pour ce travail, il doit bénéficier d'un régime fiscal plus favorable.
(Le sous-amendement n° 818 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir le sous-amendement n° 798 .
Ce sous-amendement concerne le dispositif d'exonération en cas de réemploi de la plus-value.
Le texte initial du projet de loi reproduisait le droit existant, sans changement fondamental. L'amendement du Gouvernement, en revanche, ramène de 80 % à 50 % la part minimale à réinvestir pour bénéficier de l'exonération. De plus, celle-ci n'est plus totale, puisqu'elle ne porte plus que sur la part réinvestie. Je trouve cette nouvelle formule mieux calibrée que l'ancienne, le passage de 80 % à 50 % étant un assouplissement substantiel.
Je propose cependant, par mon sous-amendement, que le délai de réemploi passe de trois à deux ans, en raison de la vitesse à laquelle les choses évoluent dans la nouvelle économie – nous en avons déjà débattu.
Ce dispositif a été créé l'an dernier à l'initiative de la commission des finances, et M. Muet se souvient certainement de nos discussions sur le délai. J'avais proposé 24 mois, mais mes collègues m'avaient fait observer que réinvestir à bon escient le produit d'une plus-value, en trouvant un projet d'entreprise économiquement viable, nécessitait de longues recherches et qu'il n'était pas raisonnable de fixer un délai aussi court. La commission, à l'unanimité si ma mémoire est bonne, avait donc adopté un sous-amendement à mon amendement, portant le délai à 36 mois.
Nous devons vraiment nous montrer attentifs à cet aspect, car un projet d'entreprise ne se trouve pas d'un simple coup de baguette magique. Nous avons tout intérêt à mettre en place un dispositif qui fonctionne. Encore une fois, soyons pragmatiques, afin de nous adapter le mieux possible à la réalité de la vie des entreprises.
Favorable. Je souhaiterais revenir un instant sur ce dispositif, dont nous aurons l'occasion de reparler lors de l'examen d'un autre sous-amendement.
M. Lagarde nous a tenu tout un discours sur la vitesse de rotation et la nécessité de disposer de délais beaucoup plus courts. Il affirmait ainsi qu'il fallait réduire le délai de douze ans figurant dans le texte initial du Gouvernement, délai que celui-ci a finalement ramené à six ans.
En fixant à deux ans le délai de réemploi, nous répondons justement au souci exprimé par M. Lagarde. Dans cette nouvelle économie où tout circule plus vite et plus librement, il sera bien entendu possible de réinvestir immédiatement, mais aussi de se donner deux ans pour choisir une autre affaire – j'emploie ce terme sans aucune connotation péjorative.
La commission est donc favorable au sous-amendement, M. Muet ayant pour sa part répondu aux craintes de M. Lagarde.
Favorable également.
Je me souviens parfaitement des travaux que nous avions conduits sous la précédente législature avec le rapporteur général de l'époque, qui n'était autre que Gilles Carrez. Le cycle économique s'étant accéléré, Pierre-Alain Muet et le groupe socialiste ont raison de prendre en compte cette évolution.
Tout d'abord, je voudrais féliciter le Gouvernement d'avoir abaissé le taux minimal de réemploi à 50 %. Quant au délai de deux ans, elle correspond bien au cycle économique. En revanche, il serait intéressant que le Gouvernement, au cours de la navette, étudie la possibilité d'élargir la clause de réemploi, afin qu'elle s'applique aussi aux plus-values réinvesties dans un fonds et pas seulement dans une entreprise.
J'ai l'impression que l'on confond ici le cycle du revendeur et celui de l'acheteur.
La vente d'une entreprise intervient assez rapidement, parfois dans un cycle de dix-huit mois ou deux ans, en particulier au sein des grands groupes. Ainsi, Orange aura intérêt à racheter une entreprise quand elle a dix-huit mois ou deux ans, plutôt que d'attendre qu'elle en ait six ou dix. En revanche, pour l'investisseur, le cycle peut être beaucoup plus long : il faut en effet trouver la bonne entreprise. Les cycles ne sont donc pas symétriques.
Je suis d'avis que l'on s'en tienne à 36 mois, ou bien, comme le propose notre collègue Mandon, d'étendre l'exonération au réinvestissement dans un fonds. Un délai de vingt-quatre mois, en effet, ne correspond pas au cycle de réinvestissement des acheteurs. Ne confondez surtout pas les cycles d'achat et de revente.
(Le sous-amendement n° 798 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir le sous-amendement n° 814 .
Je souhaitais avoir la confirmation que les sommes peuvent être réinvesties dans plusieurs entreprises, afin que celui qui a vendu la sienne ait ainsi la possibilité de transférer son savoir-faire.
On peut considérer que cela va de soi, à ceci près que l'écrire dans la loi impose une autre précaution : il faut alors préciser que les critères d'investissement minimum et de durée de détention minimum doivent être respectés pour chacune des entreprises en question. Le ministre, si tant est qu'il suive l'avis du rapporteur général – ce qui arrive assez souvent (Sourires) –, pourrait préciser ce point dans sa réponse pour éviter tout contentieux.
La commission n'a pas examiné ce sous-amendement, pour les raisons de délai que chacun sait. À titre personnel, et en ayant le sentiment de refléter l'esprit qui nous a animés pendant nos travaux, je considère que votre amendement pourrait être adopté, sous réserve que le Gouvernement indique que chacune des entreprises doit respecter le critère de réemploi déjà évoqué à plusieurs reprises.
Ce sous-amendement va dans le sens de ce que nous souhaitons. Le rapporteur général a levé les doutes que je pouvais avoir ; à mon tour de lever les siens. Dès lors qu'il s'agit d'un sous-amendement, il va de soi que les conditions de réemploi dans plusieurs entreprises sont les mêmes que celles qui prévalaient pour une seule.
Ces explications que je me permets de donner semblant vous agréer, monsieur le député, et dès lors que le rapporteur général n'a pas manifesté d'opposition, je donne un avis favorable à ce sous-amendement.
(Le sous-amendement n° 814 est adopté.)
La parole est à M. le président de la commission, pour soutenir le sous-amendement n° 807 .
Ce sous-amendement vise à remédier au risque de rétroactivité, même s'il s'agit de la « petite rétroactivité » que j'évoquais tout à l'heure.
Toutes les ventes réalisées jusqu'à présent conservent le taux de 19 %, taux du prélèvement dit forfaitaire et libératoire. Vous-même, monsieur le ministre, avez employé le terme « libératoire » à plusieurs reprises, il y a quelques minutes, quand vous avez présenté ce taux forfaitaire. Vos services sont probablement en train de vous expliquer la subtile nuance entre un taux forfaitaire qui ne serait pas libératoire et un taux forfaitaire qui le serait…
J'invoquerai, pour ma part, une exigence constance du Conseil constitutionnel : l'intelligibilité de la loi. Un contribuable ayant cédé ses parts au mois de mars dernier et acquitté le prélèvement forfaitaire au taux de 19 % a considéré de bonne foi que ce prélèvement était en même temps libératoire. Dès lors, nous ne sommes plus dans la jurisprudence de la « petite rétroactivité », d'où ce sous-amendement de sécurisation du dispositif.
La manoeuvre est habile, monsieur le président, car votre sous-amendement fait autre chose que sécuriser le dispositif : il a aussi pour conséquence de ramener le taux prévu par le Gouvernement –24 % – aux 19 % actuels.
Je suis prêt à débattre du prélèvement forfaitaire libératoire et du taux forfaitaire. Les plus-values de valeurs mobilières sont déclarées en fin d'année, et leur imposition à un taux forfaitaire tient compte des plus-values et des moins-values. L'impôt, calculé en fonction de ce taux forfaitaire, est payé au titre des impôts l'année suivante.
Il ne s'agit donc pas à proprement parler d'un prélèvement forfaitaire libératoire, puisque l'impôt n'est pas payé au moment de la transaction, mais calculé en fin d'année – de façon forfaitaire puisqu'il n'y a pas de taux progressif – et payé l'année suivante.
Votre interprétation, je le crains, n'est pas la bonne sur le plan juridique. En toute hypothèse, votre sous-amendement produit un effet différent de celui du dispositif. J'émets donc un avis défavorable.
Le président de la commission des finances revient, du point de vue strictement juridique, sur le propos qu'il tenait lorsqu'il s'exprimait sur l'article lui-même.
Pardonnez-moi, monsieur le président, mais je conteste votre interprétation juridique. Vous avez évoqué une décision du Conseil constitutionnel de 2008, mais, nonobstant cette décision, c'est vous-même qui aviez augmenté de 4 points l'imputation des plus-values de 2011, votée fin 2011 via la contribution sur les hauts revenus taxant le revenu fiscal de référence.
Pardonnez-moi, mais il me semble que vous avez évoqué les deux décisions dans votre propos de tout à l'heure : celle de juin 2008 puis celle de mai 2012.
Pour ma part, je fais référence à celle de 2008 concernant ce que vous appelez la petite rétroactivité. Nonobstant cette décision de 2008, la disposition que vous avez fait adopter par le Parlement l'année dernière n'avait pas été censurée, alors même qu'elle pourrait heurter ce principe dit de petite rétroactivité. Je ne vois donc pas pourquoi le Conseil constitutionnel, n'ayant pas censuré votre disposition au nom de cette petite rétroactivité, censurerait celle que je propose en invoquant cette jurisprudence. Il reste néanmoins le juge ultime.
La jurisprudence de 2012 est relative, elle, à l'intelligibilité de la loi, si je vous ai bien compris, et c'est à celle-là que vous faites désormais référence. Il me semble que c'est au contraire grâce au dispositif proposé par le Gouvernement que la loi va devenir intelligible. Le capital et le travail seront imposés de la même manière à partir de l'année prochaine : il est difficile d'être plus simple et plus intelligible.
Une différence de taille demeure en ce qui concerne les entrepreneurs, mais elle aussi est parfaitement intelligible. Seuls les entrepreneurs restent imposés au prélèvement forfaitaire libératoire, les autres sont imposés au barème selon une modalité de transition tout aussi intelligible : il n'y a pas de maintien d'un prélèvement forfaitaire libératoire, mais un prélèvement proportionnel qui servira d'acompte.
C'est très clair. Tous savent ce qu'ils auront à payer. Tous connaissent le barème qui leur permettra de calculer le dû estimé à l'État. Ils savent que capital et travail sont imposés de la même manière. Ils savent qu'un acompte sera versé dans des conditions parfaitement claires, et dont ils ont l'habitude puisque ce prélèvement proportionnel – c'est un hasard – est d'un même montant que le prélèvement forfaitaire qu'ils acquittaient auparavant.
Il ne me semble pas que cette disposition contrevienne à la décision du Conseil constitutionnel relative à l'intelligibilité de la loi. Il me semble même que nous nous inscrivons dans ce que souhaite le Conseil constitutionnel en simplifiant un dispositif qui était par trop compliqué et par là même condamnable.
(L'amendement n° 807 n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir le sous-amendement n° 801 .
Ce sous-amendement traite aussi un peu de rétroactivité, toute la question étant de savoir si celle-ci est favorable ou défavorable au contribuable.
Chacun aura observé que le système a changé en ce qui concerne les seuils de déclenchement des droits de succession et la quotité exonérée. Je veux quand même vous rappeler, mes chers collègues, que, malgré toute la complexité du dispositif, il reste quelques éléments très simples. Le ministre a rappelé que les jeunes entreprises innovantes sont exonérées en totalité sur les plus-values effectuées, et que celui qui a constitué au cours de sa vie de travail un patrimoine ou un capital qu'il souhaite réaliser au moment de son départ à la retraite reste, lui aussi, exonéré.
Reste la question du réemploi. Après avoir évoqué les critères avec notre collègue Fromantin, nous abordons ici la question du seuil de déclenchement et de la quantité qui se trouverait être exonérée. Le dispositif antérieur était le suivant : si on réemploie plus de 80 % de la plus-value, on est exonéré en totalité. Le nouveau dispositif proposé est le suivant : si on réemploie plus de 50 % de la plus-value, on est exonéré de la proportion de la somme réemployée.
Le Gouvernement a prévu la rétroactivité de ce dispositif, le changement s'appliquant dès l'année 2012. Celui qui aurait réemployé 70 % de la somme et n'aurait eu droit à aucune exonération dans le système antérieur, sera exonéré pour ces 70 % dans le nouveau système, qui lui sera donc plus favorable.
Dans d'autres cas, ce sera le contraire : celui, par exemple, qui réemployait 90 % de la plus-value était exonéré en totalité par le passé ; il le sera désormais à hauteur de ces 90 %.
Pour éviter toute difficulté, je préférerais que nous en restions au système actuel pour l'année 2012. Il suffit, et c'est l'objet du sous-amendement 801 , de supprimer, à l'alinéa 82, les mots : « du F ».
Le Gouvernement est favorable à cet amendement, même si le dispositif a légèrement évolué. Il est vrai que ce que nous envisageons est avantageux pour certains et désavantageux pour d'autres. Vous souhaitez un dispositif qui lisse ces phénomènes, et je le comprends parfaitement. Ce système ne perdurera pas au-delà de l'année 2012 et permettra d'éviter des à-coups.
(Le sous-amendement n° 801 est adopté.)
(L'amendement n° 789 , sous-amendé, est adopté et l'article 6 est ainsi rédigé.)
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l'amendement n° 593 rectifié portant article additionnel après l'article 6.
Cet amendement vise à plafonner à 500 000 euros l'abattement pour durée de détention. Cette limitation, qui ne concernerait pas les cessions des plus petites entreprises, permettrait aux contribuables concernés de bénéficier pour le surplus du régime d'exonération, à condition de réinvestir au moins 80 % de la plus-value nette exonérée. Il s'agit d'une incitation au réinvestissement dans l'économie.
Cet amendement me permet au moins de rappeler que les cessions de parts d'un dirigeant partant à la retraite ne donnent lieu à aucune imposition des plus-values. L'exonération est totale. Je le dis avec force, car cela a souvent été masqué par certains discours au sujet de l'article 6, et les entrepreneurs que j'ai eu l'occasion de rencontrer sur le terrain étaient loin d'avoir tous compris que cette disposition était conservée.
Votre proposition revient à limiter cette exonération. Cela ne nous paraît pas une bonne chose. Le principe d'exonération totale pour les départs à la retraite est acté, nous ne voulons pas y toucher. La commission n'a pas eu l'occasion d'examiner votre amendement mais, à titre personnel, je préférerais que vous le retiriez, sans quoi j'y serais défavorable.
Même avis, pour les raisons que le rapporteur général a évoquées. J'en ajoute une autre : le Gouvernement propose de proroger de quatre ans un dispositif qui est utile à notre économie, et cet amendement s'y oppose frontalement ! Malgré toute la sympathie que j'ai pour les députés de la majorité, il est difficile de me demander d'y être favorable ! J'aimerais qu'il soit retiré, faute de quoi j'y serais défavorable également.
Face à de tels arguments, je retire mon amendement ! (Sourires.)
(L'amendement n° 593 rectifié est retiré.)
Il est difficile d'intervenir sur cet article alors que, comme à l'article 6, le Gouvernement a déposé un amendement pour éviter les conséquences catastrophiques de sa version initiale ! Je félicite toutefois le ministre délégué de savoir reconnaître ses erreurs. Ce n'est pas si fréquent dans la vie politique, certains persistent et signent…
Il y a encore beaucoup à faire pour éviter le détournement de ces dispositifs d'actions gratuites ou de stock options, par exemple. Mais là encore, l'erreur fondamentale qui vous a conduit dans cette impasse est d'avoir assimilé ces modes de rémunération à des revenus banaux, comme les salaires. C'est pour cela que vous avez été obligé de revenir en arrière.
L'article 7 n'opère malheureusement pas de distinction entre les PME et les grandes entreprises. On peut comprendre le retour à une fiscalité moins favorable pour les actions gratuites d'une grande entreprise, mais, dans les PME, c'est un outil d'incitation et de recrutement stratégique. Il est dommage que l'article 7 ne fasse pas la différence entre ces deux types d'entreprises dont les modèles économiques n'ont rien à voir.
Je voudrais juste être sûr d'avoir bien compris les conséquences de l'amendement du Gouvernement : les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises auront désormais un régime fiscal plus favorable que les actions gratuites.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 791 .
Avant de présenter cet amendements, je vous demanderai une suspension de séance, madame la présidente.
Article 7
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
Il s'agit effectivement de modifier le régime des stock-options. Précisons d'abord que toutes celles relevant d'un régime en vigueur avant la date du conseil des ministres continueront de relever du régime sous lequel elles ont été attribuées, sous lequel les options ont été levées, sous lequel les titres ont été cédés. En effet, comme vous le savez, pour les stock-options, il y a trois étapes : l'attribution, la levée d'option et la cession ; on constate au passage une plus-value – ou une moins-value – d'attribution ou de cession. Pour toutes les stock-options attribuées, cédées ou levées avant la date à laquelle s'est tenu le conseil des ministres qui a adopté le présent projet de loi de finances, le régime ne change donc pas, et il n'y a, à aucun moment, quelle que soit la phase dans laquelle on se trouve, de rétroactivité.
Quel sera le nouveau régime ? Les conditions d'attribution restent ce qu'elles sont, et les conditions de levée d'options restent identiques dans l'esprit, puisque, depuis 2007 – c'est-à-dire depuis la loi TEPA –, ces options sont considérées comme des revenus de nature salariale, toutefois soumis non pas au barème de l'impôt sur le revenu, mais à un prélèvement particulier.
Les stock-options qui auront été attribuées puis levées après la date indiquée bénéficieront donc toujours de la qualification de revenu salarial, et seront soumises, comme telles, au barème de l'impôt sur le revenu. Quant à la cession, elle sera considérée comme une cession de valeurs mobilières, et nous avons choisi d'imposer les cessions de valeurs mobilières au barème de l'impôt sur le revenu. Les cessions en question y seront donc soumises, et bénéficieront des abattements liés à la durée de détention que l'Assemblée nationale vient d'adopter : 20 % entre deux et quatre ans ; 30 % entre quatre et six ans ; 40 % au-delà de six ans.
Lors de la levée d'options, il y a donc un revenu salarial soumis comme tel au barème de l'impôt sur le revenu, dans le cas des stock-options attribuées depuis le conseil des ministres en question. S'agissant de la cession, c'est une cession de valeurs mobilières, soumise en tant que telle, à compter de la date dudit conseil des ministres, au barème de l'impôt sur le revenu, et bénéficiant des abattements prévus.
Tel est le dispositif proposé par le Gouvernement par voie d'amendement.
La commission est favorable à cet amendement. Nous allons examiner les sous-amendements dont il est l'objet, mais, globalement, la commission y est favorable.
Le Gouvernement et la majorité ont un vrai génie pour la création de nouveaux impôts. Il faut bien mesurer ce à quoi nous étions exposés avant que cet amendement du Gouvernement soit déposé. Avec le caractère rétroactif de votre projet de loi, les droits de donation sur les stock-options se seraient élevés, dans le cas d'une donation faite par des particuliers à leurs enfants au début de cette année, à 45 %, et l'impôt sur le revenu à 75 %, soit, potentiellement, un taux de taxation de 120 % ! Il était totalement surréaliste de taxer une cession à 120 % après même qu'elle a été réalisée, au moment où le cédant n'est plus propriétaire, et donc n'est plus titulaire de l'actif !
Supposons une personne titulaire de stock-options qui souhaite les lever, et a monté son opération en tenant compte des critères de prévisibilité qu'évoquait le président de la commission tout à l'heure. Cette personne aurait pu, selon la feuille de route que vous aviez fixée, être rattrapée par la patrouille et avoir à payer un impôt de 120 % ! Le caractère rétroactif de ces dispositions, ainsi que le taux de 120 %, cela faisait beaucoup ! Heureusement, vous avez corrigé votre projet,…
…qui était physiquement, financièrement, économiquement, et je dirais même humainement intenable.
À dire vrai, un autre problème se présente. Dans cette affaire, vous démontrez une réelle agressivité et une vraie hostilité à l'égard du régime des stock-options. Je trouve qu'il serait au contraire nécessaire d'encourager, dans les entreprises, la distribution de stock-options pour le plus grand nombre. On peut d'ailleurs regretter que la majorité précédente ne l'ait pas fait. C'est de cette manière, je le pense, que le problème politique du développement des stock-options serait le mieux traité. Il convient, en faisant en sorte que les stock-options soient davantage réparties, de trouver la manière dont elles peuvent mobiliser les différents partenaires de la vie de l'entreprise. Ce n'est pas en imaginant un impôt qui aurait pu, dans certains cas, taxer à 120 % un ancien détenteur de stock-options que l'on y serait arrivé. C'était inacceptable : vous avez mis un peu de temps à l'admettre, mais vous avez fini par le comprendre. Merci !
Je félicite également le Gouvernement d'avoir renoncé au contenu de l'article 7 de la loi de finances pour 2013 tel qu'il l'avait présenté. À la lecture de l'étude d'impact de cet article, mes chers collègues, on frémit ! On vous expliquait – je cite l'étude d'impact – que la situation fiscale actuelle « est difficilement justifiable dans la mesure où le risque en capital encouru par les bénéficiaires de dispositifs d'actionnariat salarié, censé justifier leur régime d'imposition spécifique, est souvent faible, compte tenu de la liberté qui est laissée au bénéficiaire pour choisir la date de levée de ses options ». On en concluait qu'il fallait imposer les gains de levée d'options au barème de l'impôt sur le revenu.
Vous êtes donc complètement revenu en arrière : je vous en félicite. Je vous poserai quand même quelques questions, monsieur le ministre. Il était bien précisé dans l'étude d'impact, que je cite à nouveau, que « le dispositif spécifique relatif aux gains réalisés en exercice de BSPCE paraît équilibré dans la mesure où il poursuit un objectif de soutien aux jeunes entreprises ». Et l'on concluait à la nécessité de ne pas toucher au régime spécifique des BSPCE – les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise. Pourriez-vous nous confirmer que, dans la nouvelle rédaction que propose votre amendement, ce régime spécifique est maintenu ?
Deuxièmement, il était prévu dans l'étude d'impact que la recette supplémentaire liée à ces changements radicaux de l'imposition était de 45 millions d'euros. Pourriez-vous nous préciser quelle est la recette supplémentaire liée à votre amendement ? Elle est certainement moins profitable, mais cela n'est pas précisé dans votre exposé des motifs.
Les sous-amendements nos 793 , 795 rectifié et 796 de M. le rapporteur général sont rédactionnels.
(Les sous-amendements nos 793 , 795 rectifié et 796 , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir le sous-amendement n° 808 .
L'amendement du Gouvernement propose de taxer comme des traitements et salaires, et non plus comme des revenus de capitaux mobiliers, les avantages liés à la levée de l'option ou à l'attribution d'actions gratuites. Par coordination, ce sous-amendement prévoit d'assujettir ces avantages au taux de CSG applicable aux revenus d'activité, et non plus au taux de CSG applicable aux revenus du patrimoine, ce qui paraît cohérent. La différence entre les taux applicables à ces deux types de revenus est compensée par une majoration équivalente du taux de la contribution salariale spécifique. C'est le premier objet de cet amendement.
Le deuxième objet est le suivant : il existait auparavant un dispositif qui, en fonction de la durée de détention des titres, encourageait à une détention d'une durée minimum de quatre ans. Le présent amendement tend à rétablir, par un système équivalent, ce type de disposition, qui n'avait pas été prévue dans l'amendement du Gouvernement.
Toutefois, madame la présidente, et avec votre autorisation, je vous demande d'opérer une petite rectification à mon amendement : il convient de remplacer, dans la phrase « Toutefois, il est fixé à 25 % si les actions acquises… », le taux de 25 % par celui de 22,5 %.
Je crois que le Gouvernement pourrait accepter ce sous-amendement. Si vous êtes d'accord, nous pourrions remplacer ce taux de 25 % par un taux de 22,5 %. Sous cette réserve, je vous recommande, chers collègues, d'adopter ce sous-amendement.
C'est une très bonne idée, qui renoue avec l'esprit même des stock-options, c'est-à-dire avec le principe d'une durée minimale de détention. Ce n'est pas un gain dissimulé, mais vraiment le portage d'un risque qui justifie l'attribution de ces stock-options. L'avis du Gouvernement est donc favorable.
Je ne trouve pas, pour ma part, que l'amendement de notre rapporteur général soit cohérent. Vous avez considéré, monsieur le rapporteur général, que les revenus tirés de la levée de stock-options et de l'acquisition d'actions gratuites relèvent des traitements et salaires, comme cela était déjà le cas. Vous leur appliquez donc le même régime qu'aux traitements et salaires, à savoir un taux de CSG de 8 %. Puisque les revenus du capital sont taxés à 15,5 %, vous remarquez que cela fait une différence de 7,5 points. Or, il existe une contribution salariale sur les gains de levées d'options sur titres et d'acquisition d'actions gratuites de 10 %, que vous faites passer à 17,5 %.
Or, vous ne pouvez pas considérer d'un côté que ces revenus relèvent des traitements et salaires, et d'un autre côté dire qu'ils relèvent des revenus du patrimoine ! Il est complètement incohérent de taxer ces revenus au titre de la CSG et de la CRDS comme des revenus du patrimoine, et au titre de l'impôt sur le revenu comme des revenus du travail. Je suis d'ailleurs étonné que le Gouvernement ne soulève pas cette contradiction de l'amendement de notre rapporteur général.
J'invite M. de Courson, qui n'a peut-être pas disposé du temps nécessaire pour bien s'imprégner du contenu de ce sous-amendement, à en faire une nouvelle lecture. Il pourra ainsi se convaincre que nous faisons en réalité le contraire de ce qu'il craint : ces revenus sont alignés sur le taux de CSG applicable aux salaires.
Je souhaite revenir sur la confusion évoquée par Charles de Courson. Si je comprends bien, vous avez choisi de soumettre par ailleurs les levées de stock-options à la contribution exceptionnelle de 75 %. Or cette contribution porte bien sur les salaires ! On a bien là un petit problème de cohérence, puisque vous dites qu'il faut que les stock-options soient taxées selon la fiscalité du patrimoine, mais que vous les soumettez à un impôt que vous avez explicitement créé pour des revenus salariaux. Comment arrivez-vous à concilier ces deux éléments ? Voilà ce que je ne comprends pas.
Nous travaillons dans des conditions difficiles, je peux donc me tromper, monsieur le rapporteur général. Cependant j'ai bien lu votre amendement. À l'heure actuelle, les revenus tirés de la levée de stock-options et de l'acquisition d'actions gratuites sont taxés à la CSG et à la CRDS au taux de 15,5 %. Une contribution salariale supplémentaire de 10 % a été mise en place par la précédente majorité. Vous dites que le taux de 15,5 % n'est plus cohérent, puisque ces revenus doivent être imposés selon le régime applicable aux traitements et salaires. Vous leur appliquez donc un taux de CSG-CRDS de 8 %. Cela fait une différence de 7,5 points
Vous relevez parallèlement, si j'ai bien compris le 2° du D. du II. de votre amendement, le taux de la contribution salariale supplémentaire de 10 % à 17,5 %. En d'autres termes, vous neutralisez la baisse du taux de CSG applicable à ces revenus en augmentant la contribution supplémentaire. Cela ne me paraît pas cohérent ! Il faut que le régime applicable aux traitements et salaires soit cohérent. Vous m'avez dit que j'ai compris l'inverse de ce que propose votre amendement. Comme Hervé Mariton, j'estime au contraire que nous avons parfaitement compris de quoi il s'agit. À moins que vous nous disiez le contraire ?
Vous majorez le taux de la contribution salariale – que nous avions appelée, il me semble, contribution solidaire – de 7,5 points, en le portant de 10 % à 17,5 %, pour compenser la baisse du taux de CSG applicable à ces revenus, qui passe de 15,5 % à 8 %. Voilà ce que j'ai compris de cet amendement. Vous me dites que j'ai compris l'inverse de ce qu'il propose : c'est possible. Comme tout le monde, je peux me tromper. Pourriez-vous néanmoins nous apporter des précisions sur ce point ?
Quoi qu'il en soit, si l'objet de cet amendement est bien tel que je l'interprète, il n'est pas cohérent avec la logique de l'assimilation de ces revenus à des traitements et salaires.
La réponse sera plus brève que la question, parce qu'il est plus simple de répondre que de s'interroger. La CSG est baissée, et la contribution salariale spécifique est augmentée à due concurrence de la baisse de la CSG : il n'y a pas matière à s'interroger plus avant.
Sachez, monsieur Mariton, concernant l'assujettissement de ces revenus à la contribution exceptionnelle de 75 %, qu'il est clairement précisé que tous les plans d'options attribués après 2007 ne seront pas compris dans le champ de la contribution exceptionnelle à 75 %. Nous verrons cela tout à l'heure.
(Le sous-amendement n° 808 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)
(L'amendement n° 791 , sous-amendé, est adopté et l'article 7 est ainsi rédigé.)
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, j'appelle votre attention sur l'une des dispositions de l'article 8, qui concerne l'application de la taxation exceptionnelle à 75 % aux sportifs professionnels de haut niveau, et notamment ceux évoluant dans la Ligue 1 de football.
S'il vous plaît, monsieur le ministre !
J'aimerais que M. le ministre écoute ce que je vais dire, car je voudrais qu'il me réponde.
Monsieur le ministre, le financement du sport dépend aujourd'hui essentiellement des droits télévisés et des paris en ligne. On peut le regretter, mais c'est ainsi. Cent cinquante joueurs de Ligue 1 touchent plus d'un million d'euros par an. Cette taxation n'apportera pas plus de recettes fiscales dans les caisses de l'État à court terme, puisque le football est un sport mondialisé, dont les joueurs changent de domicile assez souvent. On peut le regretter également, mais c'est ainsi. Deux marchés des transferts, dits mercati, sont organisés chaque année. Ils rapportent 660 millions d'euros de recettes fiscales à l'État. Si l'on taxait à 75 % non pas 150 joueurs de Ligue 1, mais bien moins, ce serait un contresens économique pour l'État.
Par ailleurs, monsieur le ministre, il faut souligner que cela fera baisser les droits télévisés et les paris en ligne, et donc les recettes fiscales directement liées au financement du sport en France, notamment au sport de masse. Je crois par conséquent qu'imposer les joueurs de Ligue 1 est un contresens économique, d'autant plus que l'État et les collectivités territoriales ont dépensé des centaines de millions d'euros pour construire des stades pour l'Euro 2016. S'il n'y a pas de spectacle, ces stades seront vides : 25 000 emplois sont menacés.
J'essaie toujours désespérément de trouver, parmi toutes les études d'impact, une étude portant sur les modifications de comportement que ce nouveau dispositif pourrait entraîner chez les personnes concernées. J'appelle l'attention du Gouvernement sur ce point. D'après les chiffres qui nous ont été communiqués, la mesure rapportera 210 millions d'euros et frappera 1 500 foyers fiscaux. Qui sont, monsieur le ministre, ces foyers fiscaux ? Comme notre jeune collègue vient de le rappeler, on cite les joueurs de foot. Or, on m'a dit que les joueurs de foot négociaient un salaire net d'impôts et de cotisations sociales. Les clubs de foot sont-ils en mesure de supporter une telle hausse ? Le président Thiriez considère que non,…
…sauf à envisager que les collectivités territoriales décident d'augmenter encore leur contribution aux clubs – et, partant, les impôts locaux – pour compenser le surcoût que leur imposeront les joueurs.
Si tel n'est pas le cas, ils se délocaliseront.
Plus généralement, parmi les 1 500 familles concernées, combien se délocaliseront ? En avez-vous seulement une idée ? Il est sûr que ce sera le cas d'un certain nombre de joueurs de foot. Mais y a-t-il d'autres exemples ? Avez-vous fait une petite étude ?
Enfin, et je l'ai souligné dans mon propos général, monsieur le ministre, il y a une contradiction extraordinaire dans cet article. Vous créez, en effet, une nouvelle tranche, que vous appelez contribution exceptionnelle, laquelle ne s'appliquera qu'aux revenus du travail, et vous exonérez la totalité des revenus du patrimoine, alors que vous prétendez traiter les revenus du capital comme les revenus du travail. Je ne comprends plus ! Expliquez-nous pourquoi les plus hauts revenus, composés essentiellement de revenus du patrimoine, ne sont pas concernés. Êtes-vous sûr de respecter le principe constitutionnel selon lequel tous les citoyens sont égaux devant l'impôt ?
La taxation des revenus considérables est une bonne question, à laquelle le Gouvernement répond de mauvaise manière, c'est-à-dire en créant une taxe transitoire à un taux très élevé. Si vous considérez, monsieur le ministre, qu'il y a là une question de société – et nous sommes un certain nombre à le penser –, il fallait trouver une autre solution et, peut-être, opter pour un dispositif pérenne à taux moindre.
Le schéma que vous nous proposez est relativement bancal et, si l'on se rappelle le précédent débat sur le bouclier fiscal, assez largement cosmétique. Votre solution n'est donc pas une solution heureuse. Vous posez une bonne question. Elle n'est pas inédite et n'a jamais été correctement résolue, je vous l'accorde volontiers, mais vous n'y apportez pas de meilleure réponse. En fait, vous ne croyez pas en ce que vous faites. Vous êtes dans de l'affichage, dans du cosmétique. C'est dommage, car cette mauvaise solution abîme un vrai sujet.
Je ferai un retour en arrière. Nous sommes en pleine campagne électorale. François Hollande est à la peine, concurrencé par Jean-Luc Mélenchon, et, un soir, il décide de « sortir » cette mesure.
Vous-même, monsieur le ministre, ce soir-là, montrez votre mauvaise humeur. L'a-t-elle emporté sur la crédulité ? Je n'en sais rien. Certains qui, chez vous, ne vous aiment pas, pensent que vous ne serez pas ministre, pourtant vous l'êtes. Nous avons compris, ce jour-là, que vous-même pensiez dans votre for intérieur que cette mesure était absurde et dangereuse.
Ce soir-là, François Hollande a fait du Mélenchon ! Le problème c'est, que, depuis cette date, ceux qui pensent que c'est une absurdité cherchent par tous les moyens à en limiter les effets. Vous savez, en effet, pertinemment, que cela ne rapportera rien et que ce n'est pas avec des symboles que l'on fait de la bonne politique, notamment une bonne politique économique et budgétaire.
J'ai proposé, pour ma part, une autre mesure, qui correspond à ce que je pense et à ce que j'ai toujours dit et pensé quand j'occupais mes fonctions précédentes. S'agissant des rémunérations manifestement excessives, il faut laisser les entreprises verser ce qu'elles veulent, mais il ne faut plus leur permettre de déduire, par exemple au-delà de 1 million d'euros, les sommes versées au titre de l'impôt sur les sociétés.
Il resterait alors, pour imposer les titulaires de ces rémunérations, l'impôt sur le revenu, avec la tranche à 45 %, et l'impôt sur la fortune.
Ma formule est certainement moins soviétique que la vôtre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'aimerais, cependant, qu'elle soit examinée et, pourquoi pas, reprise. En tout cas, vous connaissez l'histoire de ces 75 %. Quand on cherche à faire de la bonne politique économique avec des symboles, on se trompe et vous vous trompez !
Je reviendrai très brièvement sur le salaire des joueurs de football. Monsieur de Courson, nous assistons à de telles distorsions de concurrence que la question qui se pose est celle de l'organisation du fair-play au niveau européen. C'est ce que tente de faire le président de l'UEFA, Michel Platini. Aujourd'hui, quand bien même cette mesure n'existerait pas, un club seul peut s'inscrire dans le modèle de concurrence « libre et non faussée », qui est en réalité totalement faussée, du marché du football : c'est le Paris Saint-Germain parce que les Qataris peuvent aligner les chèques pour être au niveau des clubs anglais ou espagnols. Vous constaterez d'ailleurs que le Paris Saint-Germain parviendra à absorber le surcoût de cette mesure pour verser, par exemple, le salaire d'Ibrahimović. Si on veut vraiment réguler le marché du football, il faut le faire au niveau européen en instaurant des règles, voire un salary cap, comme il en existe pour certains sports aux États-Unis.
Je ne vois pas quelle est la raison politique ou philosophique qui justifierait que les footballeurs, qui sont très bien payés, échappent ontologiquement à cette disposition. C'est pourquoi je trouve tout à fait normal que l'on applique cette mesure aux footballeurs. Et c'est un amoureux du foot qui vous le dit ! (Sourires.)
Nous n'avons jamais dit cela ! Ceux qui sont concernés, les chanteurs, les acteurs, les chefs d'entreprise, donc tous ceux qui gagnent cet argent, doivent évidemment payer. C'est un principe d'équité.
Faut-il une telle mesure ? C'est la vraie question, et elle est légitime. La genèse de cette mesure montre clairement qu'elle est née sur un coin de table. Ce qui fait une bonne proposition au contenu démagogique assez fort ne fait pas nécessairement pas une bonne décision pour le pays. Le taux de 75 % est punitif. Cela signifie clairement que l'on considère que les sommes gagnées au-dessus de 1 million par an, même si cela représente, certes, beaucoup d'argent, ne sont pas légitimes. Il y a, je le pense, d'autres façons d'agir. La proposition de Xavier Bertrand en est une. L'employeur a le droit de payer, s'il considère que la valeur ajoutée de la personne le vaut, mais il ne peut y avoir de déduction. Cela me semblerait plus efficace, plus juste et plus libre.
Il est, de plus, très paradoxal de taxer énormément une petite catégorie de gens, puisque cela rapportera très peu. Il s'agit donc bien d'un impôt « sanction » et il est probable que cette « assiette » partira. Nous savons parfaitement que certains s'organisent. En effet, créer ce taux massacre, c'est afficher clairement que l'on ne veut pas que de tels salaires soient versés en France. Donc, les gens partiront et je ne sais pas si c'est une bonne solution que d'en arriver là.
Cela permettra effectivement aux membres du Gouvernement de passer à la télévision, le dimanche soir, pour dire : « Regardez, nous taxons les riches, car nous avons présenté un amendement tendant à imposer à 75 % les revenus de ceux qui gagnent plus d'un million d'euros ! » Tout le monde sait parfaitement que cela ne rapportera rien et que cela fera fuir une partie de ceux qui gagnent cet argent, mais le Gouvernement pourra dire, à la télévision, qu'il est pour la justice fiscale puisqu'il a créé cette taxe de 75 % ! Ce n'est pas, me semble-t-il, en utilisant ou en surutilisant la communication ou les symboles que l'on fait une bonne politique.
Vous posez une question légitime : celle des hauts revenus. Xavier Bertrand vient de nous faire une proposition qui nous paraît beaucoup plus saine, plus juste et plus efficace, et qui rapporterait probablement davantage d'argent !
Que ne l'avez-vous fait, monsieur Apparu ! Si c'était plus juste et plus efficace, il fallait agir quand vous étiez au gouvernement ! C'est la première des choses que j'avais envie de vous dire.
Les députés du Front de gauche sont évidemment favorables à la progressivité de l'impôt, mais ils auraient préféré que soit mis en place un barème d'imposition qui intègre les hauts revenus. En effet, ce ne sont pas les hauts revenus qui sont ici concernés, mais les très, très, très hauts revenus.
Reste que cela répond à un problème qu'il convient de poser. Voici trente ans, dans les entreprises, les écarts de salaires allaient grosso modo de 1 à 30, voire à 40 ; nous en sommes aujourd'hui, parfois, à des écarts allant de 1 à 300 ou 400. Et cela vaut aussi pour le football.
Cette inflation des rémunérations est inacceptable et incompréhensible. La présente disposition, à valeur symbolique, a au moins le mérite de poser la question, non de l'encadrement des salaires, mais de la limitation des très hauts revenus. Elle a, de ce fait, une valeur pédagogique intéressante, même si chacun sait que les personnes touchant de très hauts revenus se rémunéreront par des moyens autres que les salaires. Le Gouvernement doit, par conséquent, tout mettre en oeuvre pour taxer également le capital.
En 1933, après la crise de 1929, le président Roosevelt, constatant que l'un des facteurs ayant conduit à cette crise était l'explosion des inégalités dans des proportions inconnues à l'époque dans le monde, décide d'instaurer une taxe spéciale de 80 % au-delà du million de dollars. Cette taxe, qui a même dépassé les 85 %, a été en vigueur aux États-Unis jusqu'au début des années 1980, jusqu'à la présidence de Reagan. À ma connaissance, cela n'a pas fait disparaître le capitalisme américain, lequel a eu ses plus belles heures de gloire après-guerre, époque à laquelle la plupart des pays ont d'ailleurs pris des mesures comparables.
Nous avons connu une crise qui a les mêmes origines et qui a vu les inégalités exploser. Les rapports de salaires qui allaient de 1 à 20 dans les années 1960 sont, à nouveau, passés de 1 à 300. Nous retrouvons donc à peu près les écarts antérieurs à la crise de 1929. La mesure proposée est donc importante. Elle peut induire ce changement dans tous les pays, permettant ainsi d'avoir une vraie réponse à cette crise. En effet, l'explosion des inégalités, l'explosion des hautes rémunérations face à la stagnation des salaires, est aussi une des causes qui a conduit à la crise que nous avons connue.
Je suis saisie de plusieurs amendements tendant à supprimer l'article 8.
La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l'amendement n° 254 .
Ce dispositif est inopérant. Il ne répond pas au sujet. Il ne faut pas l'adopter, donc il convient de supprimer l'article.
Il est défendu.
Je tenais simplement à répondre à M. Muet que la France, contrairement à d'autres pays, n'est pas plus injuste, mais, au contraire, plus juste qu'auparavant. Les écarts de salaires sont, aujourd'hui, plus réduits en France qu'ils ne l'étaient à une époque et qu'ils ne le sont dans bien d'autres pays.
La parole est à M. Xavier Bertrand, pour présenter l'amendement n° 277 .
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 304 .
Je profiterai de la présentation de cet amendement tendant à supprimer l'article 8 pour répondre aux arguments de certains de nos collègues.
Il n'est pas choquant, monsieur Cherki, que les Qataris consacrent beaucoup d'argent au financement du PSG, car c'est de l'argent privé. Ce qui est choquant, c'est que la ville de Paris donne un million d'euros d'argent public pour financer le PSG quand il y a les Qataris !
Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue communiste : on peut se poser la question de la limitation des salaires. La France n'étant pas une île, il convient au moins de régler ce problème au niveau européen et, pour cela, proposer le salary cap en Europe. Nous ne devons pas nous limiter à faire du mal en France pour que les Anglais, les Espagnols, les Italiens ou les Allemands en profitent !
Par ailleurs, monsieur le ministre, il n'est pas équitable de traiter de la même façon les sportifs, notamment les footballeurs, et les artistes. Les artistes pourront se domicilier à l'étranger, en Suisse notamment, alors que les footballeurs sont obligés d'habiter là où ils jouent au football. Ils quitteront donc la France s'ils ne veulent pas payer 75 % et si le club ne peut pas compenser cette diminution de leur revenu, car ce sont bien les clubs qui la compenseront, et donc en partie l'argent public.
Monsieur Baert, je vous le dis très amicalement – même si vous vocifériez pendant que je parlais –, vous êtes tout de même très schizophrène. Vous votez un endettement de plus de trente ans de la Communauté urbaine de Lille pour faire un très beau stade, où il y aura du spectacle avec des millionnaires au milieu, et vous votez une mesure qui va faire partir les artistes qui vont y venir. Voilà qui est très cohérent !
La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l'amendement n° 654 .
Selon l'étude d'impact, 1 500 familles seront concernées par cette contribution exceptionnelle, la recette attendue étant de 210 millions. Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, combien parmi elles bénéficieront du plafonnement à 75 % et pour quel montant ? Vos services ont certainement fait des simulations sur l'article 8.
Défavorable, bien sûr.
Je voudrais juste revenir sur une ambiguïté dans laquelle vous essayez de nous entraîner. Selon vous, ce serait une tranche d'impôt supplémentaire. Non, et nous avons déjà eu ce débat. Ce n'est pas du tout le même fonctionnement en termes de familiarisation ou de contribution individuelle, et ce ne sont pas les mêmes assiettes. Vous trouverez dans le rapport un détail de l'assiette, qui est assez complexe, je vous en épargne l'énumération. Bref, la contribution exceptionnelle n'est pas une tranche d'impôt supplémentaire. Si vous raisonnez ainsi, nous n'allons évidemment pas nous comprendre.
Pour nous, une telle contribution a un caractère dissuasif. Il s'agit de décourager le versement de salaires extravagants, et j'assume le mot, qui choquent nos concitoyens. Je ne sais pas si l'on vous en parle. Moi, très régulièrement, dans ma bonne Lorraine, des gens me disent que ce n'est pas possible, qu'ils n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois, même en travaillant, alors que d'autres gagnent soixante-seize fois le SMIC. On pourra toujours discuter de tout ce qu'on veut, de l'harmonisation, des cas particuliers, etc. Mais l'objectif de cette mesure, c'est d'être dissuasif.
Est-ce que l'assiette va diminuer parce que certains partiront ? Je ne sais pas. Mais ce que nous voulons, c'est que de telles pratiques cessent.
On a fait allusion aux écarts de salaires. Selon la dernière étude de l'INSEE réalisée en 2011, les revenus du dernier dix millième des contribuables ont augmenté de 39 % entre 2004 et 2007 alors que ceux des autres ont augmenté de 11 %. Vous rendez-vous compte que nos concitoyens ne peuvent plus accepter ce genre de situation ?
Bref, ce n'est pas une tranche d'impôt, et c'est dissuasif. Nous ne souhaitons pas, bien entendu, que les personnes concernées s'en aillent, mais nous voulons que cessent ce genre de pratiques. C'est la raison pour laquelle il est bien sûr incohérent de supprimer l'article 8.
Il y a eu plusieurs questions sur ce sujet, le rapporteur général y a très bien répondu.
On sait quelle a été l'indignation, assez unanime, quand le montant de certaines rémunérations a été porté à la connaissance de nos concitoyens, presque en pleine crise. Je me souviens de Mme Lagarde ici même expliquant le plan d'aide aux banques françaises alors que l'on prenait connaissance de plans d'attribution de stock-options invraisemblables à des dirigeants de la Société générale, de la BNP ou de je ne sais quelle autre banque.
Cette indignation, il faut l'entendre. Certains l'ont entendue, d'autres un peu moins, manifestement. Le Gouvernement propose au Parlement d'y répondre avec un taux de taxation non pas confiscatoire mais incontestablement élevé. C'est un effort exceptionnel qu'il est légitime, je crois, de demander à une très petite minorité de nos concitoyens qui gagnent remarquablement leur vie, ce qui, naturellement, n'est pas un crime.
Je n'ai pas les éléments que vous souhaitiez, monsieur de Courson, je suis désolé. Je vous les communiquerai dès que je les aurai, cela va de soi.
La représentation nationale va se prononcer sur cette contribution. Certains voteront contre, d'autres pour. Chacun en rendra compte devant l'opinion.
C'est une taxation exceptionnelle. Pourquoi deux ans ? Parce que c'est le temps du redressement.
C'est dommage, monsieur le ministre, que nous n'ayons pas ce chiffre. Vous nous avez indiqué en commission que 6 662 personnes seraient concernées par le plafonnement à 75 %, pour 665 millions. Selon l'étude d'impact, 1 500 personnes seulement seraient concernées par la contribution. Je suis à peu près persuadé qu'il y en a au moins 1000, voire 1 300 parmi elles qui bénéficieront du plafonnement. Les 210 millions, c'est le produit brut de la mesure. Le produit net ne sera peut-être que de quelques dizaines de millions.
Votre argument, monsieur le rapporteur général, c'est que c'est dissuasif. Mais non, cher collègue ! Prenez l'exemple des footballeurs. Le président Thiriez l'a bien expliqué, les clubs augmenteront leurs salaires ou les domicilieront à l'étranger et ils viendront jouer de temps en temps dans leur club.
Autre exemple, les patrons des banques. Tout le monde connaît leurs rémunérations, indépendamment des stock-options, entre 2,5 et 3,5 millions. Ils seront donc frappés. Pensez-vous un seul instant que cela va modérer les demandes de ces dirigeants à leurs conseils d'administration ? En fait, il y a un vrai risque qu'ils demandent encore plus pour compenser la contribution.
Tout cela est donc surréaliste. Nous ne sommes pas dans une économie socialisée. Ce sont les entreprises privées qui fixent les salaires. Si vous ne voulez pas l'accepter, nationalisez les entreprises, et vous fixerez les salaires.
Nous pouvons objectivement nous poser la question de ces niveaux de rémunération, mais la France n'est pas entourée d'une sorte de ligne Maginot qui empêcherait ces salariés de sortir du territoire.
Dès maintenant, un certain nombre de groupes ont pris des mesures. Un des plus importants groupes français de distribution, dont le vecteur de développement, paradoxalement, est plutôt au Brésil qu'en Europe, est en train de délocaliser quasiment les deux tiers de son management et, pire, pas simplement ceux qui ont de très hauts salaires, qui dépassent le seuil défini par l'article 8, mais aussi l'ensemble des collaborateurs dont les salaires sont un peu inférieurs. Une bonne partie des centres de décision de grandes entreprises françaises mais également européennes sont en train de prendre des mesures pour quitter le territoire français. Au-delà de la symbolique, qui vous regarde, est-ce vraiment ce que vous recherchez ?
Mesurez la conséquence de cet article 8, qui n'a pas beaucoup de sens – en dehors de la symbolique –, sur les entreprises qui travaillent sur le sol français.
Je suis d'accord avec le constat du ministre, du rapporteur général et de mon collègue communiste, certains salaires peuvent être choquants. Il y a eu un débat ici il n'y a pas si longtemps sur le traité européen, et un grand nombre d'eurosceptiques se demandaient pourquoi l'Europe n'était pas concrète. Les salaires, c'est une question européenne, notamment ceux des grands dirigeants mais aussi ceux des footballeurs. Parce qu'ils vont aller ailleurs.
Vous devriez réfléchir avant de prendre ce genre de mesure, qui fera perdre des recettes fiscales à l'État. Deux ans, monsieur le ministre, vous qui êtes amateur de sport, vous savez que, pour le football, c'est considérable. En deux ans, il y aura quatre Mercato. Pour une mesure symbolique, on va perdre des recettes fiscales.
Monsieur Sansu, je suis tout à fait favorable à une résolution européenne pour imposer un salary cap, pour limiter les salaires au niveau européen. Ainsi, nous pourrons à la fois moraliser les salaires des footballeurs et assurer une concurrence normale dans notre championnat.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, appelez un chat un chat. Pour vous, c'est une contribution. C'est la même chose que votre taxe de 0,30 % sur les retraités : vous avez appelé cela une « taxe » parce que vous n'avez pas voulu dire que vous augmentiez la CSG. Là, c'est bel et bien une tranche supplémentaire que vous mettez en place. Assumez vos choix.
Monsieur le ministre, je salue votre constance. Depuis le début, vous n'étiez pas convaincu par cette disposition, voilà pourquoi on vous a déjà connu beaucoup plus convaincant.
Le ton est aujourd'hui apaisé mais ce qui me déplaît foncièrement dans ces 75 %, c'est que, pour certains membres de votre majorité, c'est une façon de chercher un bouc émissaire et de stigmatiser ceux qui ont le plus dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
On ne réussit pas, même en temps de crise, en montrant du doigt ceux que vous appelez les plus riches, parce que l'on a besoin, dans un pays, d'avoir une échelle de salaires. Ceux qui sont plus riches que vous et moi dépensent plus d'argent et font travailler plus de monde. Voilà ce qu'il faut aussi assumer.
Sur les estrades, vous aurez quelque chose à mettre en avant, mais je préfère que ceux qui gagnent beaucoup d'argent le dépensent en France plutôt qu'à l'étranger. Ce n'est pas une règle de droite ou de gauche, c'est une règle de bon sens. Certains d'entre vous le savent pertinemment au fond, et savent exactement quel est le danger de cette mesure.
(Les amendements identiques nos 254 , 274 , 277 , 304 et 654 ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 656 .
Cet amendement pose le problème de la compatibilité de l'article 8 avec le principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt. Je vous propose donc, dans la logique gouvernementale, de supprimer les mots « d'activité », c'est-à-dire de soumettre tous les revenus dépassant 1 million par part au prélèvement de 75 %. Sinon, cette disposition sera annulée par le Conseil constitutionnel, que l'opposition saisira sur cet article.
En plus, vous êtes dans une contradiction idéologique totale. Vous nous expliquez qu'il faut barémiser, c'est-à-dire traiter de la même façon les revenus du travail et ceux du patrimoine – ce qui est d'ailleurs la position traditionnelle de l'UDI et ne nous choque pas, à l'exception des plus-values qui devraient être traitées différemment –, mais là, vous faites l'inverse. Des revenus d'un tel niveau sont en grande partie des revenus du patrimoine. Plus on s'approche du dernier centile, du dernier dix millième, et plus la part venant du patrimoine est majoritaire, de l'ordre de 80 ou 90 %. Expliquez-moi donc comment vous allez justifier une telle contribution au regard du principe d'égalité.
Nous avons déjà répondu qu'il s'agissait non pas d'un impôt mais d'une contribution exceptionnelle, pour deux ans, à but dissuasif, et nous avons purgé le débat sur son opportunité.
J'ai un peu de mal à vous suivre, monsieur de Courson. Lorsque nous voulons imposer les plus-values des valeurs mobilières au même titre que les revenus des salaires et du travail, vous nous dites que ce n'est pas possible, et, là, vous prônez une espèce d'égalité dans la taxation de l'ensemble des revenus en expliquant que ceux issus de l'immobilier doivent être traités comme les autres types de revenus.
La commission est évidemment défavorable à cet amendement.
C'est un prélèvement exceptionnel, qui n'est pas confiscatoire. C'est un effort pendant deux ans, le temps du redressement.
Monsieur Bertrand, ne voyez pas dans le ton que je prends une quelconque opposition de ma part. J'adhère totalement à cette mesure. En revanche, le ton que je prends traduit une forme de lassitude à répéter toujours les mêmes arguments, notamment sur cette taxation à 75 % qui, selon moi, tombe sous le sens commun tant il est vrai que chacun doit contribuer, à raison de ses moyens. Je devine que je vous ai convaincu. (Sourires.)
Pourquoi pas ? Mais si cette contribution est dissuasive, c'est donc que son objet principal n'est pas de rapporter des recettes à l'État, ce qui correspond d'ailleurs à la réalité.
Dès lors, qu'est-ce qui vous empêche de la maintenir dans la durée ? S'il ne s'agit pas d'alourdir la contribution des Français et si, comme vous le pensez, la mesure est intelligemment dissuasive, pourquoi la prévoir seulement pour deux ans ?
(L'amendement n° 656 n'est pas adopté.)
C'est toujours le même problème que nous posons, mais on ne nous répond jamais. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Avez-vous consulté les constitutionnalistes ? Monsieur le rapporteur général, je vous signale qu'il n'y a pas de différence à faire entre « impôts » et « taxes » : le principe d'égalité s'applique aux « impositions de toutes natures ». Cette contribution en est une. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, comment vous expliquerez au Conseil constitutionnel qu'il n'y a pas rupture d'égalité entre les contribuables dont 90 % des revenus proviennent du patrimoine et ceux dont les revenus proviennent du travail ? Nos amendements posent la même question, à laquelle vous ne répondez pas. Le principe constitutionnel de l'égalité des citoyens devant l'impôt est-il respecté ?
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 820 .
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 56 .
Il est rédactionnel.
(L'amendement n° 56 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 606 .
Il s'agit d'un amendement de repli, dès lors que n'a pas été entendue ma démonstration pour tenter de vous faire comprendre qu'il y aura moins de recettes fiscales pour l'État, que les droits télévisés seront moins élevés puisque le spectacle sera moins important. Il se pose un problème de financement du sport, notamment du Centre national pour le développement du sport. Je propose donc que le produit de la contribution exceptionnelle due par les sportifs de haut niveau – les 150 footballeurs professionnels et les autres sportifs restant éventuellement en France après cette mesure – soit directement versé au CNDS.
Défavorable. Nous ne savons pas quels seront le produit et l'évolution de cette contribution exceptionnelle, alors qu'il convient d'assurer au CNDS des ressources durables.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 83 portant article additionnel après l'article 10.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 629 rectifié .
C'est, comme dirait le rapporteur général, un marronnier. Vous savez que les métaux précieux, d'une part, les bijoux, objets d'art, de collection ou d'antiquité, d'autre part, font l'objet d'une taxation forfaitaire sur les plus-values très avantageuse, puisque le vendeur acquitte une taxation forfaitaire de 8 % pour les premiers et de 5 % pour les seconds, sauf à bénéficier de l'article 150 UA du code général des impôts. Cette situation est incompréhensible. Ces objets sont devenus des actifs comme les autres, voire des objets de spéculation. Il est donc proposé de soumettre l'ensemble des revenus tirés des cessions de métaux précieux, de bijoux, d'objets d'art, de collection ou d'antiquité au régime sur les plus-values.
Hier soir, l'assujettissement des oeuvres d'art à l'ISF a été légitimement repoussé. À l'UDI, nous avons expliqué qu'il fallait modifier le régime dérogatoire de la taxation des plus-values sur les objets d'art, la vente d'or, etc., pour créer quelque chose de cohérent. C'est donc dans la cohérence de notre vote contre la fiscalisation à l'ISF des objets d'art que nous proposons cet aménagement de la fiscalité sur les plus-values.
On peut d'ailleurs discuter du seuil de 5 000 euros. Le rapporteur général avait voulu porter ce seuil à 50 000 euros. Pourquoi pas ? L'important, c'est que le système soit cohérent.
On pourrait savoir pourquoi ?
(L'amendement n° 629 rectifié n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 730 .
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l'amendement n° 496 rectifié .
Madame la présidente, je défendrai ensemble les amendements nos 496 rectifié et 775 , ainsi que l'amendement que nous avons déposé à l'article 27, car ils traitent du même sujet.
Créée par la majorité précédente, la taxe sur les transactions financières est entrée en vigueur le 1er août dernier. Relevée au taux de 0,2 %, elle porte sur les achats d'actions des entreprises ayant leur siège social en France et une capitalisation boursière supérieure à 1 milliard d'euros. La liste des 109 entreprises répondant à cette définition a été publiée au Journal officiel en juillet.
Le champ de cette taxe est d'autant plus restreint que la taxe est loin de s'appliquer à toutes les opérations, car, si les entreprises concernées concentrent un volume de transactions important au sein de ces titres, toutes les transactions ne seront pas taxées. Parmi les situations échappant à la taxation : l'achat d'actions dans le cadre d'une augmentation de capital, le rachat d'actions par l'entreprise lorsqu'elles sont destinées à un plan d'épargne entreprise, ou encore l'acquisition d'obligations convertibles en actions.
Nos amendements, dont celui-ci, visent à élargir le taux et l'assiette de cette taxe : l'élargir aux entreprises dont la capitalisation boursière dépasse 500 millions d'euros – j'ai vu que certains de nos collègues socialistes avaient déposé le même amendement – et fixer le taux à 0,5 %, plutôt qu'à 0,2 %, par analogie avec le taux de la taxe sur les transactions financières britannique.
L'enjeu est notamment d'abonder le fonds de solidarité pour le développement : c'est l'objet de notre amendement n° 506 à l'article 27. Vous n'ignorez pas, en effet, que, dans un communiqué en date du 3 octobre dernier, plusieurs organisations non gouvernementales se sont émues à juste titre de la faiblesse du produit de la TTS affecté à l'aide au développement, alors que le budget pour 2013 prévoit par ailleurs une baisse des crédits de l'aide publique au développement à hauteur de 200 millions d'euros.
Outre l'exigence de porter de 10 à 30 % la fraction du produit de la taxe affectée au fonds de solidarité, nous jugeons utile d'augmenter de façon substantielle le rendement de la taxe elle-même. Tel est l'objet de nos trois amendements.
Le budget que nous examinons doit traduire en actes les engagements internationaux de la France, exprimés notamment lors des sommets du G8, du G20, du Sommet de Rio + 20 et lors du discours du Président de la République à la tribune des Nations unies le 25 septembre dernier. Afin de financer ces engagements de solidarité, nous proposons de rapprocher le taux de la taxe sur les transactions financières française de celui de la TTF britannique, qui est de 0,5 %, et ce en le doublant, c'est-à-dire en le portant de 0,2 à 0,4 %, et surtout de réserver la moitié des recettes de cette taxe à la contribution de solidarité internationale, puisqu'elle n'est aujourd'hui affectée qu'à hauteur de 10 % au développement, alors même que la taxe sur les transactions financières a été conçue à l'origine comme un financement innovant de la solidarité internationale. Cette mesure est donc à la fois neutre pour le déficit public et bonne pour le développement.
Pardonnez-moi, je suis allée un peu vite. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 496 rectifié ?
C'est un sujet que nous avons déjà abordé en juillet. La taxe a été alors doublée. Les choses, je crois, progressent au niveau européen ; c'est ce que nous avons entendu ces tout derniers jours. L'avis est donc défavorable, même si, sur le principe, j'espère que ces amendements seront bientôt satisfaits par le dispositif en gestation à Bruxelles.
(L'amendement n° 496 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(Les amendements nos 775 et 454 , repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Nous en venons à l'examen de l'article 11.
La parole est à M. Benoist Apparu, inscrit sur l'article.
J'ai deux interrogations au sujet de l'augmentation et de l'élargissement de l'assiette de la taxe sur les logements vacants proposés à l'article 11.
Tout d'abord, dès lors que vous fixez un taux de la TLV en deuxième année à 25 %, et que cette TLV pourra être, dans certains cas de figure, supérieure à la taxe d'habitation, vous prenez le risque de susciter une évasion de la TLV vers la taxe d'habitation, les contribuables ayant la possibilité de transformer leurs logements vacants en résidences secondaires. Comment gérez-vous ce risque de fuite ?
Ensuite, et c'est plus important encore, alors que la TLV existait déjà, nous n'avons pas souhaité l'élargir, nous avons choisi de créer une taxe d'habitation sur les logements vacants, la THLV, pour permettre aux collectivités locales de lutter contre le phénomène des logements vacants. Le produit de la THLV était reversé aux collectivités locales. Votre élargissement d'assiette de la TLV écrase cette ancienne fiscalité, et le produit de la taxe en question va au budget de l'ANAH. Autrement dit, vous ôtez une vingtaine de millions d'euros, si j'en crois le rapport général, du budget des collectivités locales, pour le transférer à celui de l'ANAH.
J'aurais souhaité, monsieur le ministre, connaître votre analyse sur ces deux points.
Nous en venons aux amendements à l'article 11.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l'amendement n° 490 .
Il est défendu.
(L'amendement n° 490 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
L'amendement évoque la question de la THLV et de la TLV. Vous avez quelque peu raison sur le fond, monsieur Apparu, mais uniquement pour 4 millions sur les 27 millions que vous proposez de restituer aux communes. Car on pourrait imaginer que les communes ayant instauré une THLV qui se verrait « écrasée », ainsi que vous l'avez dit, par l'instauration de la TLV, conservent le produit de la THLV, en récompense de leur courage et des bonnes pratiques qu'elles visaient. Mais ce que vous proposez, vous, c'est que la TLV soit restituée partout aux collectivités, y compris dans les zones où la THLV n'avait pas été instituée, et cela nous paraît largement excessif. D'où l'avis défavorable de la commission.
Monsieur le rapporteur général, il me semble que vous avez mal lu l'amendement. Il propose bien que les collectivités locales qui avaient mis en place la THLV en gardent le produit. Nous sommes bien dans le champ d'application des 4 millions d'euros que vous évoquez. Il ne s'agit pas de reverser aux communes tout le produit de la TLV nouvelle mais bien la partie qu'elles avaient elles-mêmes instituée.
Il faut bien comprendre que l'objectif n'est pas un objectif de rendement mais d'occupation des logements vacants. Ce que vous proposez, monsieur Apparu, ne contrevient absolument pas à ce que souhaite faire le Gouvernement. L'explication qu'a donnée le rapporteur général me paraît la bonne. Certes, votre interprétation de la situation est correcte. Mais, je le répète, l'objectif n'est pas le rendement mais, par la dissuasion, de parvenir à ce que les logements concernés cessent d'être vacants.
Monsieur le ministre, j'ai bien compris votre objectif, mais ce n'est pas le sujet de l'amendement. Je ne remets pas en cause la TLV telle que vous la présentez. Je fais simplement un constat : aujourd'hui, il y a des communes qui disposent du rendement de cette taxe, elles ont intégré x millions d'euros dans leur budget. Et vous les leur enlevez pour les transférer à l'ANAH. Je demande seulement la neutralité de cette nouvelle mesure pour les communes qui avaient mis en place la THLV afin qu'elles récupèrent les x millions d'euros qu'elles ont inscrits dans leur budget. Pas plus.
Je suis saisie de deux amendements portant article additionnel après l'article 11.
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n° 732 rectifié .
Cet amendement, présenté par l'ensemble des membres du groupe SRC, vise à instituer une taxe annuelle sur les locaux à usage professionnel vacants en Île-de-France. En effet, la pénurie bien connue de logements dans cette région invite chacun à se mobiliser pour accroître l'offre de logements disponibles. Or le nombre de bureaux vacants empêche cela. C'est pourquoi nous proposons, à titre incitatif, de taxer les bureaux volontairement vacants, à un taux différencié selon les zones et la nature des locaux.
La taxe proposée, qui serait applicable aux locaux vacants depuis plus d'un an, s'ajouterait à celle sur les friches commerciales déjà en vigueur, qui est spécifique à l'Ile-de-France.
Deuxièmement, un amendement adopté après l'article 10 exonère les plus-values dégagées par la vente de bureaux reconvertis en logements.
Troisièmement, dans votre définition de la vacance, mon cher collègue, vous mentionnez les locaux situés à une même adresse ayant une consommation énergétique inférieure à la consommation moyenne des locaux équivalents. Une telle définition ne me paraît vraiment pas opérationnelle. L'avis est donc défavorable.
Même avis.
Je rappelle qu'en deuxième partie, nous débattrons de la taxe sur les friches commerciales. C'est à cette occasion qu'il faudra étudier le sujet des logements vacants, à la fois général et très francilien. En conséquence, monsieur le député, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
J'entends bien les arguments et du rapporteur général, et du ministre. L'article 59 du projet de loi de finances porte en effet sur le renforcement de la taxe sur les friches commerciales. Je reviendrai avec les mêmes arguments à ce stade de la discussion. Je retire donc l'amendement.
(L'amendement n° 732 rectifié est retiré.)
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n° 7 rectifié .
Non, cher collègue de Courson, cette fois-ci, c'est « Goldberg & Caresche ». (Sourires.)
C'est toujours une taxe, oui. Vous savez, dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il y a un article 1er qui dit : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »
En l'espèce, il y a des distinctions sociales liées aux bureaux non occupés. Cet amendement est la généralisation à l'ensemble du territoire de l'amendement précédent.
(L'amendement n° 7 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 12.
La parole est à M. Denis Baupin.
Cet article porte sur le bonus-malus en ce qui concerne les véhicules automobiles. Je dis d'emblée que mon groupe a toujours été favorable à ce dispositif, même quand il était porté par une autre majorité. Nous pensons que c'est une bonne façon de procéder que de récompenser les comportements vertueux et donc d'y inciter, et, par contre, de dissuader les comportements polluants.
Ce dispositif a souvent fait l'objet de critiques : on a dit qu'il n'était pas forcément équilibré d'un point de vue budgétaire, ce qui a pu être vrai à certains moments. Mais cela ne nous choque pas outre mesure au regard de l'ampleur du décalage entre, d'un côté, quelques dizaines de millions d'euros,…
…et, de l'autre, l'ensemble des niches fiscales anti-écologiques, notamment pour soutenir le véhicule diesel, qui, elles, se chiffrent à plusieurs milliards. Une politique fiscale incitative en faveur des véhicules les moins polluants est donc une bonne chose.
Mais nous, nous avons deux préoccupations par rapport à ce dispositif de bonus-malus.
La première, c'est qu'il soit suffisamment incitatif. Évidemment, au fur et à mesure qu'évolue le parc automobile, il faut que les planchers et les plafonds du dispositif évoluent progressivement pour qu'il demeure réellement incitatif. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement. Je rappelle qu'il a été initialement adopté par la commission et, par la suite, évincé par un autre qui, lui, est venu déséquilibrer le dispositif alors que notre amendement le fait progresser.
Notre seconde préoccupation, c'est que le bonus-malus a un effet pervers : il ne prend en compte que la pollution au CO2. – qui est certes un problème majeur – mais pas la pollution locale. Un certain nombre de nos concitoyens peuvent ainsi penser que le véhicule diesel est un véhicule écologique, alors qu'il ne l'est pas. Nous y reviendrons lorsque nous défendrons nos amendements.
Bien sûr que tout dispositif est perfectible, monsieur Baupin, mais reconnaissez que ce dispositif, imaginé par Jean-Louis Borloo, a déjà beaucoup fait progresser les habitudes de consommation françaises.
Certains membres de l'actuel gouvernement, par exemple M. Montebourg, avaient dit à l'époque qu'ils allaient révolutionner le marché automobile à travers de nouvelles mesures. Or, il n'y a pas, dans le présent article, de révolution, mais un renforcement de ce qu'avait mis en place M. Borloo quand il était ministre de l'écologie. Nous sommes favorables à un tel renforcement, mais nous pourrions aussi travailler sur les années suivantes pour voir s'il n'y a pas lieu de moduler en fonction d'autres problématiques que le carbone.
Le Gouvernement a la main particulièrement lourde, mais il y a au moins une certaine cohérence financière dans cet article. Monsieur Baupin, pour avoir été rapporteur spécial sur ce sujet pendant le mandat précédent, je suis bien placé pour vous dire que le déficit du bonus-malus n'était pas de quelques dizaines de millions, mais chaque année de plusieurs centaines de millions. Sur l'ensemble de la dernière législature, il aura atteint plusieurs milliards d'euros.
Il y a une certaine cohérence, disais-je, à trouver un meilleur équilibre. J'avais proposé qu'il y ait un malus, qu'on ne le fasse peut-être pas monter jusqu'au ciel, et qu'il n'y ait pas de bonus.
Il y a un vrai problème d'opportunité, monsieur le ministre. Voici ce que je lis dans Les Échos d'aujourd'hui : « Les constructeurs auto français ne seront pas épargnés par l'alourdissement du malus 2013 ». Dans la situation actuelle de l'industrie automobile, le Gouvernement a la main excessivement lourde.
C'est pourquoi nous demandons – et mon amendement aura ainsi été défendu, madame la présidente – la suppression de cet article. Nous ne sommes pas contre le malus dans son principe, mais il faut faire attention car en toutes choses l'excès nuit, et en l'occurrence il nuit à l'industrie et à l'emploi en France.
Je suis saisie d'un amendement n° 205 tendant à la suppression de l'article 12.
Cet amendement vient d'être défendu par M. Mariton.
Quel est l'avis de la commission ?
Je me pose deux questions. D'abord, notre politique fiscale en termes de bonus-malus doit-elle être uniquement dictée par des critères économiques ? La réponse est à l'évidence non,…
…même si je conçois qu'il faille un certain temps à l'industrie automobile pour s'adapter à des recommandations et à des technologies nouvelles. Il serait excessif d'inciter les Français à acheter tel ou tel type de véhicules parce que ce sont ceux-là que la France produit. Or on entend tout de même beaucoup cet argument.
À l'inverse, notre politique fiscale en termes de comportement ne doit-elle être dictée que par des critères environnementaux ?
Non plus, à l'évidence, et pour les mêmes raisons.
Je pense donc qu'il faut rechercher des critères qui visent à modifier les comportements, qui ne coûtent pas trop cher à la collectivité, et qui permettent aussi à l'économie de se donner le temps de s'adapter en termes de production, parce qu'on ne change pas de modèles de véhicules en huit jours. J'analyse l'ensemble de ces amendements à l'aune de ces trois critères.
Monsieur Mariton, vous nous proposez purement et simplement de supprimer l'article alors que vous venez de nous dire qu'étant rapporteur spécial, vous aviez remarqué que le déficit du dispositif était de plusieurs centaines de millions d'euros. Mais si nous supprimons l'article, ce déséquilibre s'aggravera. D'où mon avis défavorable.
Ensuite, il y a deux amendements contradictoires, l'un de certains députés du groupe SRC, qui propose d'alléger le malus du projet de loi – après un parcours difficile, la commission en a accueilli favorablement le principe –, l'autre du groupe écologiste, qui, lui, alourdit le malus.
Il me semble, et j'émets là un avis très personnel, que le Gouvernement, dans la préparation du PLF, a pris en compte les deux principes que j'évoquais. Il a pris attache avec des constructeurs, comme nombre d'entre nous l'ont fait – soit spontanément, soit à leur demande. Ils nous ont signalé les difficultés que pouvaient poser ce type d'amendements.
Vous pouvez l'interpréter comme cela si vous y tenez, monsieur le député.
Je le prends aussi avec le sourire, mon cher collègue.
Cela pourrait poser des problèmes économiques si nous adoptions l'un ou l'autre de ces deux amendements, ainsi que des problèmes environnementaux si nous adoptions le second.
Même si la commission s'est prononcée dans un sens favorable pour l'un de ces deux amendements, il me semble quand même que le projet de loi trouve un certain équilibre entre des objectifs et des intérêts un peu divergents, qui constituent malheureusement la réalité du sujet.
Monsieur le rapporteur général, pour la clarté du débat, nous allons nous en tenir, pour l'instant, à l'amendement de suppression. Confirmez-vous que l'avis de la commission sur l'amendement n° 205 est défavorable ?
Comme l'a rappelé M. Lagarde, le dispositif préexistait. J'ajoute qu'il a été particulièrement coûteux car il a été déficitaire de plus de 1,5 milliard d'euros alors qu'il devait être à l'équilibre.
Le Gouvernement a lancé un nouveau plan de soutien à l'industrie automobile, notamment aux véhicules électriques. Il faut donc tenter d'instaurer des mécanismes incitatifs. Personne ne conteste que la fiscalité peut être un puissant levier pour modifier les comportements. Le débat peut tourner autour du taux qui a été retenu par le Gouvernement, c'est-à-dire 135 grammes de CO2 par kilomètre. Certains souhaiteraient davantage – 140 grammes de CO2 par kilomètre – tandis que d'autres préféreraient que ce soit un peu moins. Je précise que l'objectif fixé en Europe est de 135 grammes de CO2 par kilomètre. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a annoncé ce taux en conclusion de la Conférence environnementale qui s'était tenue au Conseil économique, social et environnemental.
Je souhaite que la représentation nationale conserve le barème proposé par le Gouvernement, qu'on ne le baisse ni ne l'augmente ni n'en modifie la progressivité. Voilà pourquoi il est hostile à cet amendement de suppression, mais aussi aux amendements qui tendent à modifier le barème, soit parce que son taux marginal serait modifié, soit parce que sa progressivité serait altérée.
Je souhaite reprendre l'argumentation de M. Mariton.
On voit qu'il est quasiment impossible aux constructeurs français de réaliser des modèles très haut de gamme à cause de ce dispositif de malus automobile. Or souvenons-nous des discussions que nous avons eues à plusieurs reprises sur la compétitivité de nos entreprises. On a souvent fait la comparaison entre le coût du travail en France et en Allemagne. Vous disiez, très justement, qu'il était à peu près équivalent. Sauf que dans le domaine automobile, l'Allemagne produit des véhicules très haut de gamme, donc à très forte valeur ajoutée. Voilà pourquoi ce pays peut supporter, paradoxalement, un coût du travail équivalent, voire légèrement supérieur au nôtre.
En durcissant le malus automobile, nous mettons notre industrie automobile dans l'incapacité de concurrencer ce type de production.
Monsieur le ministre, vous pensez qu'il nous faut percer dans le domaine des véhicules hybrides ou électriques. Mais êtes-vous vraiment sûr que nous allons réussir, non seulement à percer, mais à ne pas subir la concurrence asiatique, comme c'est déjà le cas pour les petites cylindrées ?
Je comprends bien qu'il faut protéger l'environnement, mais je crains qu'avec la disposition que vous proposez nous soyons dans l'incapacité, quasi définitive, de nous positionner sur la production de véhicules haut de gamme.
(L'amendement n° 205 n'est pas adopté.)
Je suis saisie de trois amendements, nos 86 rectifié , 432 et 747 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 86 rectifié de la commission a été défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Depuis le début de la législature, c'est la première fois que nous avons ici un débat sur l'industrie automobile. Nous n'avons pas, les uns et les autres, la même perception de la situation difficile dans laquelle se trouve cette industrie.
Certains de nos collègues nous proposent de poursuivre dans la logique qui consiste à aller vers le haut de gamme, c'est-à-dire vers un marché de plus en plus étroit,…
…alors qu'il faut savoir que l'âge moyen d'un acheteur d'un véhicule neuf est de cinquante-quatre ans.
Les constructeurs automobiles nous disent que la situation est difficile. Mais ils l'ont toujours dit. Doit-on continuer à les écouter alors qu'ils ont conduit ce secteur d'activité dans le marasme que l'on connaît ? Aujourd'hui, les victimes se comptent par dizaines de milliers : ce sont les ouvriers qui, lorsqu'ils ne sont pas licenciés, sont menacés. Elles se comptent aussi par centaines de milliers : ce sont les usagers, qui achètent des véhicules surdimensionnés qui coûtent très cher à l'usage car le prix du pétrole ne cesse d'augmenter.
Je comprends que certains pensent qu'il faut trouver un juste équilibre. Sauf que les émissions moyennes de gaz à effet de serre des véhicules neufs vendus en France sont de 127,5 grammes de CO2 par kilomètre. Si l'on fixe le seuil à 135 grammes, c'est-à-dire au-dessus de la moyenne actuelle, le dispositif ne sera pas du tout incitatif. Nous proposons donc de fixer le seuil à 125 grammes, afin de donner un signal fort aux constructeurs et aux consommateurs : il est nécessaire que l'ensemble de la production automobile évolue dans le sens de véhicules plus sobres. Si les constructeurs français n'entendent pas ce message, ce sont les usagers et les salariés qui paieront la facture.
La commission et le Gouvernement ont donné un avis défavorable sur cet amendement.
La parole est à M. Thomas Thévenoud, pour soutenir l'amendement n° 747 .
Je tiens à défendre cet amendement dont M. Bachelay est le premier signataire. Il vous prie de bien vouloir l'excuser de ne pas pouvoir être présent parmi nous car il accompagne une délégation de Pétroplus à l'Élysée.
Le présent amendement vise à adapter le dispositif bonus-malus au plan de soutien à la filière automobile française annoncé par le Gouvernement au mois de juillet dernier. Et il faut soutenir la construction de petites cylindrées dans notre pays. Voilà pourquoi nous proposons de limiter le durcissement du malus en le maintenant à 155 grammes de CO2 par kilomètre.
L'adoption de cet amendement permettrait d'éviter les effets pervers d'un alourdissement trop brusque : le prolongement de l'usage de vieilles voitures polluantes, l'achat de petites cylindrées d'entrée de gamme fabriquées à l'étranger et la fragilisation, dans un marché automobile difficile, des constructeurs français.
Je vous signale, mes chers collèges, que dans les tranches concernées par notre amendement, on trouve notamment les voitures Citroën produites à Poissy, à Aulnay, à Mulhouse, à Rennes, la 308 produite à Mulhouse et Sochaux et la Clio produite à Flins.
Au total, ce sont plus de 90 000 véhicules qui sortent chaque année de ces usines. C'est donc un amendement de soutien à nos entreprises françaises que nous présentons. C'est donc, finalement, un amendement « made in France ».
Défavorable.
Tout à l'heure, un amendement de la commission, de même inspiration, n'a pas été adopté. Aussi, je souhaiterais que vous retiriez cet amendement, monsieur le député. À défaut, le Gouvernement appelle à voter contre.
Il s'agit de respecter les engagements que la France a pu prendre en Europe et les annonces que le Premier ministre a faites il y a quelques semaines lors de la Conférence environnementale. Je demande donc à la majorité parlementaire d'accepter les choix qui ont été faits et qui calent le barème sur des normes européennes tout en ménageant des hypothèses de recettes pour l'État dont nous avons besoin.
Il s'agit donc non seulement de faire oeuvre utile en matière de transition écologique mais également, et ce n'est pas incompatible, d'obtenir des recettes supplémentaires.
Monsieur Thévenoud, si vous pouviez accepter de retirer cet amendement, je ne vous cache pas que je vous en saurais gré.
J'ai bien entendu les propos du ministre et j'accepte de le retirer.
(L'amendement n° 747 est retiré.)
Contrairement à ce que vient de dire le ministre, nous n'avons pas encore voté sur l'amendement n° 86 rectifié .
Je trouve que la commission fait preuve d'une grande sagesse en présentant cet amendement qui permet de soutenir la filière automobile.
(L'amendement n° 86 rectifié est adopté et l'amendement n° 432 tombe.)
C'est assez bizarre, ce qui vient de se passer. Mais enfin, bon. Poursuivons ce débat.
Je veux dire à nos collègues socialistes que nous sommes tous favorables au « made in France » mais que les gaz à effet de serre « made in France » ou les particules fines « made in France » ne sont pas moins dangereux que ceux qui sont émis ailleurs. Si nous voulons que l'industrie automobile française soit compétitive, il est évident qu'elle doit prendre en compte les enjeux internationaux. La question du diesel est un enjeu majeur. La France a aujourd'hui le parc le plus dieselisé du monde. Les constructeurs français ne peuvent pas vendre à l'étranger leurs véhicules diesel parce que nos voisins n'en veulent pas et qu'ils ont des normes bien plus sévères.
Plusieurs milliards d'euros sont dépensés en niches fiscales favorables au diesel. C'est un coût faramineux. Et les coûts sanitaires sont très importants, parce que les conséquences de l'utilisation de moteurs diesel sont extrêmement graves pour la santé. L'Organisation mondiale de la santé vient de classer les particules fines émises par les moteurs diesel comme cancérigènes. Enfin, le fait de fabriquer trop de véhicules diesel a des conséquences économiques graves. Par exemple, Pétroplus ferme parce qu'on a, en France, plus besoin de diesel que d'essence – on fabrique trop de véhicules diesel et pas assez de véhicules à essence. Du coup, on doit importer du gazole. C'est ce que vous diront tous les pétroliers.
Avec cet amendement, nous souhaitons ne pas envoyer un mauvais signal aux consommateurs. Nous ne voulons pas donner de bonus aux véhicules diesel s'ils ne satisfont pas à la norme Euro 6.
Les constructeurs estiment que c'est grâce à la norme Euro 6 que le problème des particules fines sera résolu. Nous proposons donc un bonus sur les véhicules qui sont réellement écologiques.
Il est sain qu'un tel débat puisse avoir lieu. Cela dit, je suis défavorable à cet amendement.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Madame la présidente, j'indique à l'Assemblée que le Gouvernement demandera une seconde délibération sur l'amendement n° 86 rectifié qui vient d'être adopté, je le pense, à la suite d'un malentendu (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), car je n'imagine pas que la majorité ait, en conscience, décidé d'adopter une disposition qui va coûter quand même 40 millions d'euros au budget de l'État.
Il va falloir que la majorité se ressaisisse !
(L'amendement n° 455 n'est pas adopté.)
(L'article 12, amendé, est adopté.)
L'article 13 ne fait l'objet d'aucun amendement.
(L'article 13 est adopté.)
Nous en venons à l'examen des amendements portant article additionnel après l'article 13.
La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l'amendement n°443 .
Nous sommes toujours sur la question du diesel et de la perversité du système fiscal français, unique au monde, qui incite à acheter les véhicules reconnus comme les plus polluants par l'OMS. Nous en France, nous continuons de les subventionner : c'est un peu comme si, quand vous achetez un paquet de cigarettes, la sécurité sociale vous le remboursait, ou en tout cas le subventionnait.
Ce que nous proposons, c'est de faire évoluer progressivement la fiscalité des carburants, pour arrêter d'apporter un avantage fiscal aux véhicules diesel. Nous nous conformons d'ailleurs à ce que préconisait dès 2005 Philippe Séguin, alors premier président de la Cour des comptes : la suppression de ces avantages fiscaux indus au diesel, qui coûtent à la collectivité, coûtent en matière de santé publique et coûtent en matière d'importations. Nous sommes au-delà de la dizaine de milliards d'euros dus à cette politique insensée qui fait qu'on incite les consommateurs français à penser que ces véhicules sont propres.
Ce que nous souhaitons, c'est que nous adressions un signal aux constructeurs, que nous travaillions avec eux pour faire évoluer la gamme, pour qu'enfin ils fabriquent des véhicules moins polluants, moins nocifs pour la santé. Dans nos agglomérations, nous avons un problème majeur. Je me permets de rappeler, puisque le budget de la France est ici notre préoccupation commune, que la France va être prochainement condamnée par la Cour de justice européenne à payer des amendes extrêmement lourdes du fait de cette pollution aux particules fines. Il est plus que temps d'amorcer le virage. Ce sera un virage compliqué, difficile, parce que nous avons un taux de dieselisation unique au monde et qu'il sera compliqué d'inverser la courbe. C'est pourquoi nous proposons une évolution sur trois ans de la fiscalité : un rattrapage sur trois années de la fiscalité du diesel par rapport à la fiscalité de l'essence et donc une légère augmentation de la fiscalité sur le diesel.
Nous venons de prendre une mesure, certes temporaire, pour rendre le coût des carburants plus supportable à nos concitoyens. Cela a coûté assez cher au budget de l'État. S'il faut que nous remettions une hausse pour ensuite se remettre à la faire baisser parce qu'on se rend compte que cela crée une situation sociale difficile, cela me paraît compliqué.
Cela dit, j'ai bien entendu que vous souhaitiez travailler avec les constructeurs pour réorienter la production vers des véhicules moins polluants et moins dieselisés. Je peux y souscrire, mais en l'état, avis défavorable.
L'avis du Gouvernement est défavorable, monsieur le député. Je comprends parfaitement vos intentions, qui sont les meilleures intentions, mais nous avons un problème de pouvoir d'achat et nous savons quels sont les publics qui utilisent ce type de véhicule. Accepter cet amendement serait, certes pour sacrifier à une cause noble, amputer le pouvoir d'achat de cette catégorie de nos concitoyens. La consommation des ménages est un élément important sur lequel nous espérons pouvoir compter l'année prochaine pour avoir un peu de croissance. Je ne crois pas que cette mesure s'inscrive dans la politique économique voulue par le Gouvernement.
M. Baupin soulève un très vieux problème : pourquoi en France y a-t-il une taxation de l'essence et du gazole qui n'est pas à la parité énergétique – au PCI, pour être précis ? C'est pour une raison historique : on a voulu aider le développement de notre filière automobile dans ses différentes composantes.
L'erreur que fait M. Baupin, c'est de ne voir qu'une partie du problème. S'il faut faire un réajustement à l'anglaise, car en Angleterre la tarification est à la parité énergétique, il faut au moins se donner dix ans et avoir une stabilité dans le temps du rapprochement, pour laisser à la filière automobile le temps de s'adapter.
Le deuxième volet du problème est de savoir à quel niveau faire la péréquation entre les deux, monsieur Baupin, parce que ce n'est pas le moment de perdre des recettes. Cela permettrait de résoudre une partie du problème de l'industrie du raffinage, qui est complètement déstabilisée depuis quinze ans.
Reste un dernier problème : la FNTR et l'UNOSTRA, c'est-à-dire le transport routier. Dans l'état actuel du secteur, où presque le tiers des entreprises est déficitaire, il faut trouver un système de compensation. Sinon, vous allez mettre des milliers d'entreprises dans une situation très difficile.
C'est l'ensemble qui permettra de faire évoluer notre tarification dans un sens plus intelligent. Nous sommes contre votre amendement, parce qu'il est trop isolé.
Je connais ces arguments qu'on répète en boucle depuis quinze ans, si bien qu'on n'a rien fait et qu'on a laissé la situation empirer. Si nous continuons, nous allons encore laisser la situation empirer, c'est-à-dire que dans un an, quand nous rediscuterons de ce sujet, nous aurons un parc automobile encore plus dieselisé, puisqu'on aura tout fait pour laisser penser aux automobilistes que le véhicule diesel est le bon véhicule, celui qu'il faut acheter. Et après, on va dire aux collectivités locales d'organiser des ZAPA, des zones d'actions prioritaires pour l'air. Je connais le sujet : en tant qu'élu parisien, j'ai été chargé de mettre en place un dispositif dissuadant l'utilisation de véhicules diesel qui, dans le même temps, sont favorisés fiscalement par l'État.
J'entends bien l'argument du pouvoir d'achat, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre. Mais la question qui peut se poser est de savoir pourquoi les utilisateurs de véhicules à essence doivent payer pour les utilisateurs de véhicules diesel. Si vous pensez réellement que la question du pouvoir d'achat est importante – point de vue que l'on peut partager –, faisons un rééquilibrage : abaissons la fiscalité de l'essence et augmentons celle du gazole pour qu'elles se rapprochent. Votre argument sera ainsi totalement pris en compte et on aura évité d'inciter les consommateurs à aller vers les mauvais véhicules. Je pense que c'est notre responsabilité et que la politique de l'autruche ne pourra pas fonctionner.
Je voudrais juste ajouter un mot. M. de Courson rappelait que nous étions invités à déjeuner par M. Carlos Ghosn et que nous avions eu une discussion fort intéressante avec lui. J'ai l'impression, monsieur le ministre, que vous êtes plus royaliste que le roi. Car je lui ai posé la question de savoir comment il réagirait à une augmentation de la fiscalité sur le diesel et il nous a répondu très simplement, tout le monde pourra en être témoin, qu'il pourrait s'adapter : il suffit simplement qu'il ait une visibilité sur l'évolution de la fiscalité. Il peut s'adapter à n'importe quelle évolution de la fiscalité du moment qu'il a un horizon assez large. Je pense qu'il est temps de mettre fin à une aberration et d'opérer le rattrapage sur le diesel.
Cette discussion est intéressante, mais il me semble quand même que le problème du diesel se pose surtout s'agissant des véhicules anciens et non des nouveaux, car on ne peut pas nier que des efforts considérables aient été faits.
La vraie question, c'est comment retirer du marché un certain nombre de véhicules extrêmement polluants – notamment dans les centres urbains. Il faudrait trouver des incitations, pour faire en sorte que les gens qui détiennent ces véhicules puissent en acheter de nouveaux. Je pense que c'est là que se situe l'essentiel du problème. L'amendement ne répond pas fondamentalement à cette question.
(L'amendement n° 443 n'est pas adopté.)
L'autoconsommation des produits pétroliers dans les raffineries est aujourd'hui défiscalisée, ce qui favorise la surconsommation. Ce fait semble aberrant, dans la situation actuelle de raréfaction des matières premières et d'un prix de l'essence élevé pour nos concitoyens. Ainsi, les grands groupes pétroliers comme Total bénéficient d'une niche fiscale qui coûte à l'État 105 millions d'euros par an. Cette niche n'a pas d'utilité sociale : elle est anti-écologique et ne fait qu'accroître les bénéfices de quelques entreprises qui en font déjà beaucoup.
C'est là un amendement de bon sens, qui a d'ailleurs été également déposé par notre collègue SRC Arnaud Leroy.
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n° 598 .
C'est le célèbre amendement sur le kérosène.
Le kérosène est le seul carburant qui échappe à toute taxe. Les autres carburants sont tous taxés, à des degrés divers. Cette exception est surprenante, quand on sait que le transport aérien est aujourd'hui le mode de transport qui émet le plus de CO2 par passager transporté. Nous connaissons néanmoins les impératifs de la concurrence internationale et les difficultés d'Air France, dont il est impératif de ne pas fragiliser encore la situation.
C'est pourquoi nous proposons un dispositif très progressif, qui laisse le temps aux acteurs de s'adapter. Nous proposons d'effectuer un rattrapage de la fiscalité sur quatre ans et d'en exclure les DOM-TOM et toutes les lignes sous obligation de service public.
C'est donc un amendement qui corrige une aberration écologique de notre fiscalité et qui est extrêmement progressif et raisonnable. Je ne doute pas qu'il rencontre un avis favorable de notre rapporteur général et du ministre délégué au budget, puisque sous la mandature précédente, ils avaient signé, je crois, un amendement qui visait à l'arrêt total de cette exonération.
Avis défavorable, même si je comprends votre intention, chère collègue. La Conférence environnementale a traité d'un certain nombre de questions sur la fiscalité environnementale. Un certain nombre de travaux ont été lancés à cette occasion, avec une feuille de route qui a été résumée par le Premier ministre à la fin de cette conférence et qui a été dessinée par le Président de la République à l'ouverture. Je pense qu'il faut laisser les choses se faire.
C'est un sujet qui revient régulièrement. Il y a quand même une question économique qui se pose. Il ne faut pas se cacher derrière notre petit doigt : l'incidence de votre amendement pour un certain nombre de compagnies aériennes pourrait être à peu près aussi fatal qu'un vol de pigeons dans un réacteur.
La Conférence environnementale a eu lieu, un programme de travail est arrêté : il faut respecter le processus engagé à cette occasion. Il s'est fait sous l'égide du Premier ministre. Décider maintenant serait préjuger des choix qui sont à faire. Peut-être y a-t-il d'autres choses à faire avant. Je vous engage donc à retirer cet amendement, madame la députée. À défaut, le Gouvernement appellera à voter contre. Si certains n'étaient pas convaincus, il m'a semblé entendre un claquement de doigts caractéristique indiquant la demande de parole de Charles de Courson, qui va vous faire le numéro habituel sur la convention de Chicago, la directive, etc. J'en suis à peu près certain. Nous le connaissons tous par coeur, mais ce numéro est assez rodé, vous allez voir. (Sourires.)
Je vais décevoir le ministre, je ne parlerai pas de la convention de Chicago parce que j'essaie d'être honnête et que cet amendement est compatible avec elle : je vous rappelle que la convention de Chicago ne s'applique pas sur les lignes intérieures.
La bonne idée n'est pas de faire cela dans un cadre national. Ce serait de le faire dans un cadre européen. Là, cela aurait un sens. Car j'attire l'attention des collègues sur les conséquences qu'aurait l'adoption de cet amendement : ceux qui font du cabotage à partir de bases extérieures à la France seraient toujours exonérés. Vous allez complètement planter les compagnies nationales. Il ne faut surtout pas voter cet amendement en l'état.
Je suis un peu surpris de l'état d'esprit dans lequel sont abordées les questions de fiscalité écologique cet après-midi : finalement, on laisse la parole à la droite pour défendre les positions de la gauche, cela me paraît un peu surprenant.
Je parle de ce qu'a dit le ministre, qui renvoyait à M. de Courson pour que celui-ci explique l'avis défavorable du Gouvernement.
Je pense que nous sommes en face de problèmes importants. J'ai bien compris que la démarche du Gouvernement va être de travailler sur une politique globale de fiscalité écologique. Mais de la même façon, le Gouvernement va travailler sur une réforme fiscale en profondeur, ce qui ne nous empêche pas aujourd'hui de travailler sur une loi de finances, qui prévoit des évolutions de la fiscalité, sans attendre le grand soir.
Ces mesures que nous proposons sont sur la table depuis des années. Elles auraient un impact environnemental, mais aussi économique, positif pour le budget de la France. Il pourrait y avoir des politiques qui coûtent en matière d'écologie, mais là ce sont des mesures telles que l'on y gagne et d'un point de vue économique et d'un point de vue environnemental. Je suis un peu marri que ce débat se passe dans les ricanements, sans prise en compte de l'impact de ces propositions.
Je ferai observer, comme Charles de Courson, que si ce dispositif était envisageable, ce pourrait être que dans un cadre européen. Mais l'amendement tel qu'il est rédigé conduirait tout simplement à la disparition de la plupart des compagnies françaises, dont l'équilibre est déjà fragile, puisqu'il serait assez simple pour d'autres opérateurs d'aller se fournir ailleurs.
En outre, quid du problème connexe – qui n'est pas mince – concernant les liaisons intérieures aux DOM ou les liaisons entre la métropole et les DOM ? Aujourd'hui, les liaisons entre la France métropolitaine et la France ultramarine sont déjà excessivement onéreuses et donc souvent très pénalisantes pour nos compatriotes d'outre-mer.
Il s'agit manifestement d'un amendement d'appel, qui peut ouvrir un débat politique, mais qui n'a certainement pas vocation à être adopté.
Il me semble que les compagnies aériennes ont vocation à appliquer dès 2013 le dispositif du marché européen des quotas d'émission. Cette perspective a suscité une forte opposition, notamment de pays extérieurs à l'Europe. Vous auriez là une partie de la réponse à votre question. Il est vrai que si, demain, les compagnies aériennes sont astreintes au dispositif prévu par le marché européen des quotas d'émission, il en résultera une forme de taxation du kérosène. Il faudrait donc vérifier si ce processus est en cours et examiner la façon dont le dispositif en question devrait s'appliquer.
Comme d'habitude, on entend aujourd'hui beaucoup d'arguments pour ne rien faire.
Il s'agit de ne pas faire n'importe quoi, ce qui n'est pas la même chose !
Cela fait malheureusement bien longtemps qu'en matière de fiscalité écologique, on entend toujours les mêmes arguments, toujours destinés à surtout ne rien bouger.
Je précise que les liaisons DOM-TOM sont exclues du dispositif que nous proposons – il faut lire les amendements, avant de les contester – et qu'aux Pays-Bas une taxation sur les vols intérieurs est en vigueur. C'est donc possible. (Rires sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Il y a un moment où il faut faire un pas en avant et nous vous demandons de donner un signal en faveur de la fiscalité écologique dans le cadre d'un budget où cette dimension est absente.
(L'amendement n° 448 n'est pas adopté.)
Cet amendement concerne les agro-carburants et leur compétition avec les terres agricoles. Pendant la période de sécheresse, les États-Unis ont payé cher la politique de fabrication d'agro-carburants, présentée à tort pendant des années comme écologique. En effet, à cause de la part des terres agricoles consacrée aux agro-carburants, les prix alimentaires n'ont cessé d'augmenter.
Dans un monde où nous comptons à peu près 870 millions de personnes mal nourries, il est important que les terres agricoles soient consacrées prioritairement à l'alimentation. C'est d'ailleurs ce raisonnement qui a conduit le Gouvernement et la Commission européenne à décider de réduire les objectifs en matière d'agro-carburants de première génération.
J'en profite pour préciser que nous ne sommes pas défavorables aux agro-carburants de deuxième ou troisième génération qui, eux, n'entreraient pas en compétition avec les terres agricoles. Ils permettraient l'utilisation d'un certain potentiel agricole pour fabriquer des carburants, pour peu, bien sûr, que l'on démontre leurs bienfaits énergétiques et leur innocuité en termes d'émission en gaz à effet de serre. Des recherches sont en cours et nous restons ouverts à cette réflexion. Par contre, on a pu constater la nocivité des agro-carburants de première génération.
En outre, le présent amendement permettrait d'économiser 400 millions d'euros par an. On évoquait tout à l'heure les surcoûts de plusieurs centaines de millions d'euros que le dispositif du bonus-malus en matière automobile aurait entraîné ; voilà une occasion d'économiser, je le répète, 400 millions d'euros sur une politique néfaste puisque ces agro-carburants de première génération, en plus d'être en concurrence avec l'alimentation, émettent davantage de gaz à effet de serre sur l'ensemble du cycle de vie que les carburants fossiles.
Je ne doute pas que le Premier ministre, qui a annoncé une extinction progressive, d'ici à 2015, des exonérations de TIC pour les bio-carburants de première génération, ne suive vos propositions dès que le contexte budgétaire et économique le permettra. En l'état, le Gouvernement n'a pas proposé un tel dispositif, estimant que l'extinction évoquée devait être quelque peu différée. J'imagine qu'à l'occasion de la Conférence environnementale, le sujet ne manquera pas d'être abordé. En cas d'oubli, toutefois, je pense que vous saurez rappeler votre proposition. Avis défavorable.
Comme vous le savez peut-être, mes chers collègues, le Gouvernement a annoncé la suppression progressive de la défiscalisation – 14 et 8 euros – pour le diesel et le bioéthanol jusqu'en 2016 où elle sera totale. Reste à savoir comment on raccordera la situation de 2013 avec celle, prévue, de 2016.
Je souhaite redresser un certain nombre d'erreurs qui se trouvent dans l'exposé sommaire de l'amendement. D'abord, vous évoquez la faible efficacité énergétique des agro-carburants. Or tout dépend des filières et des sous-filières. Si je vous interrogeais sur l'efficacité énergétique des produits pétroliers, elle est par définition très inférieure puisqu'elle est de l'ordre de 0,7 ou 0,8 – et encore… Le problème est donc celui d'une amélioration relative.
Ensuite, vous soulevez un vrai problème : celui du changement d'affectation des sols, directe et indirecte. En l'état actuel des études, ce problème est inextricable. En effet, quelle hypothèse de référence prenez-vous ?
Sur ce deuxième point, vous ne pouvez donc affirmer ce qu'on peut lire dans l'exposé sommaire.
Vous ne parviendrez de toute façon pas à les convaincre.
Vous savez bien qu'elle n'est pas du tout due aux agro-carburants européens mais à la sécheresse aux États-Unis et à l'utilisation du maïs dans des proportions excessives.
Enfin, chers collègues verts, pourquoi votre position est-elle totalement inverse à celle des Verts allemands puisque ces derniers ont obtenu l'exonération totale de TIPP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
Juste un mot, madame la présidente, même si je vois le ministre s'impatienter pendant ce débat sur les biocarburants.
Je suis impatient de vous entendre !
Monsieur Baupin, ne confondez pas la situation en France et la situation aux États-Unis ou encore en Indonésie. Quand vous notez dans ces deux derniers pays une concurrence entre l'alimentaire et le non-alimentaire, vous avez raison. Mais en France on utilise à peine 1 % des sols aux fins que vous dénoncez, sachant que les co-produits représentent 0,5 %.
Deuxième argument,…
…vous vous montrez favorable à la deuxième génération de biocarburants ; seulement, si vous tuez la première, jamais les agriculteurs qui ont investi dans cette dernière ne poursuivront leurs recherches pour développer une nouvelle génération. Je suis donc évidemment défavorable à votre amendement.
(L'amendement n° 464 n'est pas adopté.)
Cet amendement étant un peu technique, je vous demanderai un peu d'attention sur tous les bancs.
Les régions ont la possibilité de rehausser annuellement le tarif de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques qui leur est allouée au titre du gazole consommé sur leur territoire. Dans la pratique, la plupart des régions ont opté pour une augmentation jusqu'au maximum autorisé. L'État rembourse ensuite cette hausse de taxe aux entreprises de transport routier. C'était, à l'origine, pour éviter les distorsions entre régions. Or il n'y a plus de distorsion puisque toutes les régions sont au maximum.
Nous proposons d'augmenter le plancher sur lequel se base cette augmentation, de sorte que l'État ne rembourse plus que la moitié de ce qu'il rembourse actuellement au transport routier. Cela permettrait à l'État de réaliser des économies sans supprimer entièrement l'avantage concédé aux transporteurs routiers, ainsi que d'engager une transition progressive vers des modes alternatifs de transport, moins producteurs d'énergie fossile.
Nous avons longuement débattu de votre amendement en commission, ma chère collègue. Nous pouvons recommencer le débat mais il me semble que la commission, après avoir longuement écouté les arguments des uns et des autres, a fini par rejeter votre amendement. Avis défavorable.
Avis défavorable. Cet amendement conduirait à un prélèvement de 260 millions d'euros sur le secteur du transport et je ne suis pas sûr que ce soit opportun aujourd'hui, quitte à encourir le reproche déjà formulé par M. Baupin sur la difficulté de faire avancer les choses en la matière, j'en suis désolé. Aussi, si vous ne retirez pas votre amendement, le Gouvernement appellera l'Assemblée à le rejeter.
(L'amendement n° 453 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 661 .
Il est défendu.
(L'amendement n° 661 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
C'est moi qui vais le défendre, madame la présidente. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Nous respectons la parité, nous, dans notre groupe, et, ayant autant de députés hommes que femmes, nous défendons alternativement nos amendements.
Il porte sur les déchets non-recyclables. Aujourd'hui, les producteurs de déchets recyclables sont soumis à des dispositifs de responsabilité élargie du producteur – REP – et contribuent à des éco-organismes chargés du traitement des déchets. Les metteurs sur le marché des produits générateurs de déchets non-recyclables ne sont pas mis à contribution. Ce sont donc le plus souvent les collectivités territoriales et les usagers qui paient pour le traitement de ces déchets et qui sont sanctionnés par une TGAP sur la mise en décharge et l'incinération des déchets ultimes non évitables.
Ainsi, pour des raisons environnementales – limiter la production des déchets – et afin de responsabiliser les metteurs sur le marché de produits générateurs de déchets, cet amendement vise à soumettre à la TGAP les dits metteurs sur le marché non soumis à un dispositif de REP.
Veuillez m'excuser pour la complexité de mon propos mais l'idée est de généraliser le dispositif fiscal en vigueur à l'ensemble des produits mis sur le marché, de ne pas défavoriser les produits recyclables par rapport à ceux qui ne le sont pas, ce qui est évidemment une aberration.
L'extension des dispositifs de REP est un bon principe. Dans le cadre de la feuille de route environnementale, à laquelle nous faisions allusion tout à l'heure, il est prévu un travail sur les REP. La généralisation que vous proposez doit attendre l'issue des réflexions de ces groupes de travail et de concertation puisque, à défaut de REP, on mettra en place une sorte de TGAP sur tout. Il est déjà très difficile de mettre en oeuvre la REP ameublement, par exemple ; la généralisation me paraît donc techniquement assez difficile à appliquer en l'état et, indépendamment de ses conséquences financières relativement importantes, la commission vous propose de rejeter cet amendement.
Même avis.
(L'amendement n° 442 n'est pas adopté.)
Monsieur de Courson, j'allais lever la séance, mais je vous vois me faire des signes.
Vous avez la parole.
Madame la présidente, puis-je vous demander une faveur ? J'ai là trois amendements, et je dois rentrer cette nuit dans ma circonscription : seriez-vous d'accord pour que je les défende très rapidement, pour ne pas être obligé de rester ce soir ? Je serai très rapide, mes chers collègues.
Madame la présidente, nous savons très bien que de toute façon, M. de Courson rentrera dans sa circonscription ce soir, mais, par correction pour un parlementaire d'une assiduité remarquable, mettant un coeur incontestable à défendre ses amendements, sans rien nous épargner de tout ce qu'il peut penser (Sourires),…
…le seul parlementaire qui, à cette heure tardive et alors que nous sommes tous fatigués, fait l'effort de s'adresser à nos collègues écologistes pour tenter de les faire changer d'avis, tentative que je ne qualifierai peut-être pas d'héroïque, mais du moins d'inconcevable (Rires)…
Bref, au nom de tout cela, madame la présidente, et si M. de Courson veut bien défend ses trois amendements en deux minutes, je pense que tout le monde sera d'accord. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Mais les trois amendements en deux minutes, j'insiste ! (Sourires.)
Je suis saisie de trois amendements, nos 189 , 193 rectifié et 206 deuxième rectification, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.
La parole est à M. Charles de Courson.
Je serai très rapide sur le premier amendement, n° 189 . Vous vous souvenez qu'avec Benoist Apparu, nous avons mis deux ou trois ans pour faire passer un premier amendement, qui tendait à l'élimination des sacs de caisse. Nous avons réussi, puisqu'il n'y en a plus qu'un milliard, contre dix auparavant. Nos collègues de l'actuelle majorité, qui étaient alors dans l'opposition, avaient appuyé notre démarche. L'amendement n° 189 constitue le deuxième volet de ce dispositif, appliqué cette fois aux sacs pour fruits et légumes. Vous vous souvenez que nous avions rencontré un problème technique, parce que les sacs de caisse pour fruits et légumes sont plus épais.
Je proposerai, dans deux ou trois ans, un troisième amendement pour les sacs de déchets, mais il n'est pas encore prêt techniquement.
Le deuxième amendement, n° 193 rectifié , concerne les installations soumises à la TGAP, et tend à exonérer celles de ces installations qui satisfont aux seuils d'efficacité énergétique définis dans des textes communautaires.
Le troisième et dernier amendement, n° 206 , deuxième rectification, a pour objet d'apporter une précision sur un point assez technique. C'est une histoire de fous. Je vous explique. Une circulaire des douanes du 26 juin 2012 a provoqué un changement de doctrine significatif sur le plan de la fiscalité, qui génère une rupture d'égalité devant les charges publiques entre les installations de stockage de déchets non dangereux, les ISDND. En effet, d'après cette circulaire, les ISDND exclusivement affectés à la réception de ces déchets ne sont pas assujetties, alors que les ISDND stockant des déchets d'amiante dans des alvéoles spécifiques doivent payer la TGAP.
Monsieur le ministre, si vous vous engagez à remédier à cela par voie de circulaire, je suis prêt à retirer mon amendement, mais nous pouvons aussi le voter, si vous préférez, pour que tout soit clair.
Chers collègues, tout le monde a compris que nous abordons là des sujets extrêmement importants, puisqu'il s'agit de prévenir la production des déchets, de préparer ces déchets en vue de leur réemploi, de développer leur recyclage et leur valorisation, et enfin, de les éliminer de manière sûre et dans des conditions respectueuses de l'environnement.
Cela étant dit, s'agissant de votre amendement n° 193 rectifié , comme d'ailleurs de l'amendement n° 661 de M. Le Fur, l'analyse que j'en fais me conduit à penser – peut-être faudrait-il rechercher les textes précis, voire suspendre la séance pour les consulter… – qu'ils ne sont pas conformes au droit communautaire, parce que l'exonération totale de TGAP pour des installations d'incinération ne respecte pas la hiérarchie prévue par la directive sur les déchets de 2008. Sur cet amendement, la commission émet donc un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 206 , deuxième rectification, j'ai presque envie de vous demander de le défendre à nouveau…
… car, quoique j'aie été très attentif, je ne l'ai pas très bien compris. Jusqu'en juin 2012, ces déchets étaient exonérés de TGAP, afin d'alléger le coût de traitement de ces déchets dangereux et de faciliter leur élimination. L'exonération était totale dans les installations réceptionnant exclusivement ces déchets et, dans les autres installations, elle était limitée à 20 % de la quantité annuelle totale de déchets reçus par installation.
Là encore, une décision de la Cour de justice européenne de décembre 2011 a obligé la France à modifier la nomenclature des déchets amiantés, privant les déchets contenant de l'amiante liée à des matériaux de construction inerte, de l'exonération partielle de TGAP dont ils bénéficiaient dans les centres de stockage non spécialisés. L'amendement propose une exonération totale, ce qui va au-delà de la situation qu'il prétend rétablir.
Je pense que nous pouvons prendre encore quelques minutes, et tout le temps qu'il faudra, pour expliquer que l'avis de la commission est défavorable.
Prenons encore le temps, mes chers collègues, d'examiner le troisième amendement. (Murmures). Mais oui, à malin, malin et demi. Moi je m'en fous, je suis là jusqu'à perpète.
Cet amendement prévoit l'institution d'une TGAP sur les sacs plastiques pour les fruits et légumes. Je pense que le prochain concernera les sacs pour les poissons, le suivant ceux pour la viande…
Après l'assureur et le conflit d'intérêt, ça suffit ! Ce n'est pas parce que vous êtes en difficulté qu'il faut agresser les autres.
Je pense qu'on peut effectivement décliner toute une série d'amendements sur le même thème, qui pourront nous occuper toute la soirée.
Qu'est ce qu'il y a, monsieur Lagarde ? C'est après moi que vous en avez ?
Pardonnez-moi : nous avons décidé d'être agréables à M. de Courson, qui avait assisté à la totalité du débat. J'ai donné la parole à M. le rapporteur général et à lui seul.
J'avais demandé qu'on lève la séance avant vingt heures, mais j'ai tout mon temps. Pas de problème.
Vous demandez, donc, l'instauration d'une TGAP sur les sacs plastiques pour les fruits et légumes à compter du 1er janvier 2014. Cette TGAP est déjà prévue, sur l'ensemble des sacs de caisse en plastique, à compter de 2014, au taux de dix euros par kilogramme. Était-il utile, alors que nous nous apprêtons à taxer l'ensemble des sacs de caisse à compter du 1er janvier 2014, de prévoir, aujourd'hui, la taxation des sacs plastiques pour les fruits et légumes à compter de la même date ?
Cet amendement, qui prévoit, avec le même calendrier, et au même taux, la taxation des sacs plastiques pour les fruits et légumes était important : il était donc utile, nécessaire, voire indispensable de prendre le temps nécessaire à son examen. Mais, compte tenu du fait que l'ensemble des sacs de caisse va être taxé à la même date, je propose de rejeter votre amendement.
Je pense avoir été suffisamment clair : je rejette les trois amendements.
S'agissant de l'amendement n° 193 rectifié , des dispositions existent déjà concernant les installations en question. Par conséquent, il ne paraît pas indispensable de prendre d'autres mesures d'allègement de la TGAP. Le Gouvernement est donc opposé à cet amendement.
Sur ce qu'on appelle les sacs de caisse, et que vous appelez, vous, les sacs pour fruits et légumes, je voudrais vous faire remarquer que le mécanisme que vous suggérez est différent de celui que vous avez précédemment fait adopter et qui a, objectivement, produit des résultats satisfaisants. Mais, si nous sommes passés de 10 milliards à 1 milliard de sacs, c'est parce que la taxe adoptée était d'un niveau supportable, et qu'elle était assortie d'un délai d'adaptation, qui a permis aux commerçants de proposer autre chose.
Le dispositif que vous proposez aujourd'hui est beaucoup plus brutal : je ne pense pas qu'il soit raisonnable, ainsi que votre amendement le propose, de multiplier la taxe par dix, surtout dans le délai que vous proposez. J'appelle donc au rejet de l'article n° 189.
Quant à l'amendement n° 206 , deuxième rectification, il est, lui aussi, inspiré par les meilleures intentions, puisqu'il s'agit d'alléger la TGAP pour les centres de stockage de déchets, dès lors que ceux-ci recueilleraient des déchets amiantés. Je crois néanmoins que le rapporteur général a raison lorsqu'il fait remarquer que votre amendement va au-delà de cette intention. Je ne suis pas en mesure, monsieur le député, et j'en suis navré, de donner un avis favorable à votre amendement, car je voudrais être en mesurer les conséquences.
Nous aurons le temps, dans le marathon budgétaire et financier qui sera le nôtre jusqu'à la fin de l'année, de regarder tout cela dans le détail. Le cas échéant, je vous donne rendez-vous pour le projet de loi de finances rectificative, où il sera toujours temps de regarder ce qu'il en est.
Dès lors que le rapporteur général et le Gouvernement ont donné un avis défavorable, il vaudrait mieux, monsieur de Courson, que vous retiriez ces trois amendements. Cela permettrait peut-être, si elle en décide ainsi, à Mme la présidente de lever la séance.
Nous avons bien travaillé aujourd'hui, mais il nous reste encore près de trois cent cinquante amendements à examiner. La plupart d'entre nous en ont déjà l'expérience et savent qu'une loi de finances est toujours fatigante, pour les parlementaires, pour les services, pour toutes celles et tous ceux qui y travaillent. Elle est fatigante, aussi, pour le rapporteur général.
Plusieurs députés du groupe SRC. Et pour le ministre !
Comme chacun est fatigué, comme chacun sait que les autres sont au moins aussi fatigués que lui-même, je suggère de faire preuve d'indulgence, mais aussi, pour une fois, monsieur Lagarde, de charité publique. Vous m'avez dit « jamais », mais je vous suggère, pour une fois, d'en faire preuve, à l'égard de tous ceux qui siègent en permanence, et dont on peut comprendre qu'ils aient, de temps à autre, des mouvements d'humeur, en réponse à d'autres mouvements d'humeur.
Sachons relativiser tout cela, et souvenons-nous que tout ce qui est excessif n'a pas d'importance. L'essentiel demeure : la qualité des travaux que nous menons ici, je l'espère, dans le meilleur des esprits.
Je retire les amendements nos 193 rectifié et 206 , deuxième rectification. Il serait bon, monsieur le ministre, que vos services travaillent à ces amendements, afin qu'ils soient à nouveau déposés en loi de finances rectificative, si vous en êtes d'accord.
S'agissant de l'amendement n° 189 , s'il s'agit seulement d'en différer la date, j'y suis tout à fait prêt, et je pensais d'ailleurs que vous auriez sous-amendé cet amendement, pour en décaler l'application de deux ans.
Comme je ne veux pas continuer à faire ronchonner le rapporteur général, je vais également retirer cet amendement, et je le déposerai à nouveau en loi de finances rectificative. Voilà. Merci, monsieur le ministre.
(Les amendements nos 189 , 193 rectifié et 206 deuxième rectification sont retirés.)
Afin de contribuer à la bonne ambiance générale, je vous annonce qu'il nous reste deux cent quatre-vingt-quatorze amendements à examiner.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi de finances pour 2013.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron