Intervention de Sonia Lagarde

Séance en hémicycle du 31 octobre 2013 à 15h00
Actualisation de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie - diverses dispositions relatives aux outre-mer cmp — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSonia Lagarde :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, rares sont les occasions pour l’élue que je suis de pouvoir évoquer dans cet hémicycle l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Je le ferai sur le présent texte, qui constitue la dixième réforme de la loi organique statutaire du 19 mars 1999.

Au-delà de ses aspects purement techniques, ce texte revêt une importance symbolique en ce qu’il s’inscrit, quinze ans après la signature de l’accord de Nouméa et vingt-cinq ans après les accords de Matignon, dans le prolongement d’une histoire parfois douloureuse et difficile.

Chacun sait combien les prochaines élections provinciales de 2014 représentent une échéance majeure. Les élus qui seront désignés par ce scrutin auront la lourde responsabilité soit d’engager le premier référendum pour l’accession à la pleine souveraineté, soit de trouver ensemble un consensus de sortie de l’accord de Nouméa afin d’éviter ce fameux référendum couperet, qui laisserait immanquablement des vainqueurs et des vaincus.

En vingt-cinq ans de paix, depuis ce jour où deux hommes que tout opposait, Jacques Lafleur et Jean Marie Tjibaou, ont eu le courage de se tendre la main, un long chemin a été parcouru. Et là même où le sang a coulé, nous avons partagé des choses, nous avons avancé ensemble vers la construction d’une Nouvelle-Calédonie enfin réconciliée avec elle-même.

Ce chemin, c’est celui du rééquilibrage, c’est celui de la formation des hommes et des femmes, c’est celui du développement économique, c’est celui du destin partagé ; mais c’est d’abord et avant tout celui de l’avenir.

Si en vingt-cinq ans les hommes et les femmes ont changé, il y a toujours pour les uns la revendication indépendantiste et, pour les autres, un attachement profond à la République. C’est à ce dernier groupe que j’appartiens. J’en fais partie car les valeurs de la République, nos valeurs, sont le ferment de notre histoire si singulière. Comment la Nouvelle-Calédonie pourrait-elle se passer de ces valeurs, les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ? Comment construire la Nouvelle-Calédonie si nous tournons le dos à ce qui constitue la pierre angulaire de toute société démocratique ?

Et la France ? La France, mes chers collègues, est généreuse : elle n’oublie pas ses outre-mer, y compris dans les moments difficiles. Il faut le reconnaître et le dire ici comme là-bas. Que serait aujourd’hui la Nouvelle-Calédonie sans la France ? Nos anciens l’avaient parfaitement compris. Kanaks comme Européens n’ont pas hésité à s’engager en 14-18 et en 39-45, au prix parfois du sacrifice suprême, pour défendre un pays qui était le leur. C’est notre histoire, c’est notre passé, mais c’est aussi notre avenir : là est tout l’enjeu de la période qui s’ouvre à nous.

Quel avenir ? La question est posée, elle est dans toutes les têtes. Sommes-nous prêts pour accéder à la pleine souveraineté ? Sommes-nous prêts pour trouver le chemin du consensus, explorer les voies juridiques qui nous permettront de demeurer dans la République ? Il nous faut parier sur la sagesse et sur la volonté des hommes et des femmes, mais aussi sur l’État, à la fois partenaire et garant des accords. Rien ne sera simple, parce que le défi qui nous est lancé, celui de bâtir la société calédonienne de demain, impose de sortir d’une logique de revanche. Ce défi impose de s’élever au-dessus des querelles partisanes, de mettre de côté ce qui nous divise pour grandir, pour converger vers un même but : instaurer durablement un destin partagé.

Mes chers collègues, comme vous l’avez compris, l’avenir de la Nouvelle-Calédonie est en jeu, la responsabilité des uns comme des autres sera grande, et je forme ici le voeu que la sagesse l’emporte.

J’en viens maintenant au fond des deux textes qui nous sont soumis. Les débats en première lecture ont été relativement consensuels, je vous l’accorde, monsieur le rapporteur, et ont permis d’enrichir les textes de façon importante. Je me félicite de l’adoption d’un certain nombre d’amendements que Philippe Gomes et moi-même avions déposés avec nos collègues du groupe UDI. L’Assemblée a ainsi su accueillir favorablement des propositions qui avaient pour la plupart fait l’objet d’un avis unanime du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Le premier objectif du projet de loi organique est d’assurer un véritable accompagnement des autorités calédoniennes dans l’exercice de leurs nouvelles responsabilités. Il était en effet nécessaire, conformément à la demande du comité des signataires, de prendre en compte, concrètement, les derniers transferts de compétence effectués en Nouvelle-Calédonie. Le texte permet ainsi de clarifier les compétences des autorités calédoniennes et de leur reconnaître de nouvelles prérogatives. Il vise également à rénover le fonctionnement des institutions de la collectivité afin d’y renforcer la transparence et la sécurité juridique.

Le second objectif, qui constitue d’ailleurs à nos yeux le principal apport de ce texte, est le fait de permettre à la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes locales dotées de toutes les prérogatives afférentes dans les domaines qui relèvent de sa compétence. Cette disposition a d’ailleurs été utilement complétée par notre assemblée puisque l’indépendance des membres des autorités administratives indépendantes a été renforcée.

En l’espèce, il s’agit surtout de pouvoir créer une autorité de la concurrence disposant d’un véritable pouvoir d’enquête et de sanction. La Nouvelle-Calédonie pourra ainsi mettre en oeuvre la loi dite anti-trust afin d’éviter qu’une concentration excessive dans certains secteurs d’activité ne conduise à réduire le pouvoir d’achat des Calédoniens. Ces dispositifs permettront de lutter plus efficacement contre la vie chère.

Par ailleurs, le projet de loi relatif aux outre-mer, au-delà de la ratification des huit ordonnances qu’il prévoyait initialement, a été enrichi de nombreuses dispositions. Je pense au nouvel article 17, qui répond aux aspirations de nos collègues polynésiens concernant le mode de scrutin applicable en Polynésie aux communes associées. Nous nous félicitons également que notre assemblée ait pris l’initiative d’encadrer les tarifs bancaires en Nouvelle-Calédonie où, rappelons-le, ils sont deux à dix fois plus élevés qu’en métropole. Je veux enfin revenir sur l’engagement pris par le Gouvernement d’habiliter par ordonnance les policiers municipaux à verbaliser l’ivresse publique. Dans nos territoires où la délinquance progresse sur fond d’addiction à l’alcool et au cannabis, il y a une véritable urgence à agir pour conforter le pouvoir de police des maires.

À ce propos, monsieur le ministre, je compte sur vous pour que cette ordonnance spécifie de manière claire ce qu’est l’ivresse publique, afin qu’aucune confusion ne soit possible dans son interprétation.

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