Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons beaucoup de choses à apprendre de la Nouvelle-Calédonie et des outre-mer. J’en suis d’autant plus persuadé que, jusqu’à un passé proche, la France métropolitaine était persuadée d’avoir beaucoup à apprendre aux populations d’outre-mer. Je crois qu’il est temps de comprendre qu’il faut en grande partie inverser ce schéma.
Ce projet de loi considère nos outre-mer dans leur originalité. Ces territoires sont dynamiques, avec une richesse de vie et des spécificités locales qui sont des atouts majeurs pour diversifier leur économie, créer des emplois stables et de qualité, mais ils doivent encore trouver leur voie au sein ou en dehors de la République – c’est à eux d’en décider collectivement, dans le cadre d’un processus démocratique.
Ces territoires doivent également, à terme, constituer de véritables pôles d’excellence dans les domaines de la biodiversité et des énergies renouvelables. Il leur faut également conserver la perspective d’un changement de modèle de développement pour sortir d’un système linéaire et comportant trop de relents coloniaux. Ils doivent entrer dans une économie plus circulaire, recentrée sur la préservation de leurs ressources riches et abondantes. Le tourisme est aussi une réelle opportunité s’il s’appuie sur un véritable développement local. De ce point de vue, la loi relative à la régulation économique outre-mer allait dans le bon sens.
Cependant, les territoires d’outre-mer doivent bénéficier de marges de manoeuvre plus importantes pour continuer leur développement. Il faut casser certaines positions dominantes, hégémoniques, et permettre une régulation et un contrôle des marchés plus efficaces. Il est capital d’assurer la concurrence dans les outre-mer pour revenir à des prix raisonnables. De même, parler de contrôle, c’est aussi s’assurer que chaque opérateur économique n’exerce pas son activité de façon anarchique et nuisible pour l’environnement, pour le pacte social et pour la santé, ou en dehors de toute règle morale. Je pense plus particulièrement à l’orpaillage illégal, véritable fléau, notamment en Guyane.
L’un des amendements que nous avions défendus et fait adopter avec mon collègue François-Michel Lambert consistait notamment à lever une ambiguïté en précisant que l’interdiction de la détention de mercure est absolue et qu’aucun délai, ne serait-ce que d’un mois, ne peut être prévu. Nous regrettons le revirement de la commission mixte paritaire sur ce point, car on ne peut plus laisser le champ libre aux destructeurs de nos territoires, en Guyane en particulier, à savoir aux sociétés qui, dans le cadre de leurs activités minières, fournissent des études d’impact sur l’environnement falsifiées.
Nous nous félicitons toutefois du maintien de l’article 7 ter que nous avons introduit dans le texte afin que les associations agréées de protection de l’environnement soient associées à l’élaboration du schéma d’aménagement régional, lequel fixe les orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l’environnement.
En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, je note que la République a su faire preuve d’originalité, voire d’audace, pour prendre en compte les spécificités de ce territoire. Parmi elles, on peut citer l’insularité, un riche sous-sol, une position géographique dans l’hémisphère austral, à vingt heures d’avion de la métropole et, bien évidemment, sa culture, nourrie de nombreuses langues autochtones. Ainsi, la Nouvelle-Calédonie est un territoire en pleine expansion économique, grâce notamment aux ressources minières et au tourisme, ce qui lui permet de rivaliser avec son voisin, la Nouvelle-Zélande.
Mais la principale originalité de ce territoire est à mes yeux son organisation administrative et politique. Tout en maintenant la Nouvelle-Calédonie au sein de la République, l’accord de Nouméa repose sur la double légitimité reconnue, d’une part, à la population kanake – c’est la légitimité des premiers occupants – et, d’autre part, aux autres communautés, au titre de leur participation à la construction de la Nouvelle-Calédonie. On peut même dire qu’il existe une triple citoyenneté : calédonienne, française et européenne.
Ensuite, l’organisation territoriale mise en place en 1989 et confirmée par le statut de 1999 est totalement différente de ce que l’on trouve en métropole. Elle repose sur un fédéralisme dit asymétrique. Quel contraste saisissant avec notre discussion sur la loi créant les métropoles, aux termes de laquelle la notion d’organisation doit être la même partout sur le territoire métropolitain, excepté peut-être pour Lyon.
Il semblerait donc que ce qui est bon pour les collectivités d’outre-mer et la Corse ne le soit pas pour la France métropolitaine. Par exemple, en métropole, une expérimentation quelconque doit être généralisée au bout de cinq ans à tout le territoire – il s’agit d’une disposition constitutionnelle qui empêche toute décentralisation différenciée. Il est pourtant évident que les problèmes ne sont pas les mêmes d’une région à l’autre. Quand la Bretagne demande la gestion de l’eau, c’est évidemment pour juguler les algues vertes. Je pourrais également vous parler des langues régionales ou encore d’économie, au vu de la crise qui secoue notre région et du peu de moyens pour répondre dont dispose notre conseil régional. Si l’on peut se féliciter de la prise de conscience par le Premier ministre des difficultés de l’économie bretonne et de sa volonté d’action, notamment dans le domaine de l’agroalimentaire, il est assez paradoxal que ce soit le pouvoir central qui doive intervenir, même pour régler des problèmes de police. Les pouvoirs locaux sont faibles et ne peuvent agir eux-mêmes.
La prise en compte des différences, c’est tout simplement la prise en compte de la réalité. Loin d’affaiblir notre pays, cela le rend plus adaptable, plus efficace, plus démocratique. Cela nous permet de perdre moins de temps dans des procédures administratives complexes qui nécessitent parfois de réunir cinq ou six acteurs alors que deux suffiraient. Ce serait un véritable gain d’efficacité pour notre administration et, à mon sens, nous engagerions tout un pan, inexploré pour l’instant, du choc de simplification, par exemple en allégeant notre millefeuille institutionnel.
Vous l’aurez donc compris, tout comme celui sur les mesures relatives à l’outre-mer, nous voterons ce projet de loi, issu de la commission mixte paritaire, qui vise à parfaire les transferts de compétences déjà effectués ou qui le seront prochainement à la Nouvelle-Calédonie. Ainsi, cette collectivité aura le droit de créer des autorités administratives indépendantes dans les domaines qui relèvent de sa compétence, qui pourront déroger aux dispositions en vigueur. Le président de l’assemblée de province disposera de pouvoirs de police dans le domaine des infrastructures de circulation. Un ensemble de dispositions techniques, avec le renforcement du rôle du président et des différentes assemblées, vise des domaines variés, comme l’enseignement ou le droit commercial. Il sera également possible de voter des lois de pays.
Nous accompagnons de nos voeux cette dévolution au profit de la Nouvelle-Calédonie. Nous saluons cette ouverture que la République sait mettre en place pour le bien des populations d’outre-mer. La République sait être ouverte ; on ne peut que regretter qu’elle fasse parfois la sourde oreille aux demandes légitimes de ses peuples de France métropolitaine qui n’ont même pas le droit d’être reconnus comme des minorités.
La République ne s’affaiblit pas en écoutant les demandes légitimes des populations ; au contraire, elle fait ainsi oeuvre de cohésion politique et sociale. La Nouvelle-Calédonie et plus généralement l’ensemble des collectivités d’outre-mer sont pour nous une source d’inspiration et un laboratoire d’expérimentation. Comme elle, nous voulons vivre, travailler et décider au pays !