Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens ici, non parce que l’exemple calédonien m’inspirerait pour quelque raison d’ordre géographique ou liée à mes origines, mais parce que je suis le représentant de permanence pour mon groupe. Cela dit, il ne me déplaît pas d’intervenir dans ce débat, d’abord pour remarquer que, un quart de siècle après des événements violents et douloureux qui ont, en leur temps, interpellé l’opinion publique nationale et même, dans une certaine mesure, internationale, sans oublier les médias et le gouvernement de l’époque, nous mesurons cet après-midi, par la sérénité de nos débats – je n’ai pas dit le silence assourdi –, le chemin parcouru à propos de la Nouvelle-Calédonie.
Dix ans après les accords de Matignon qui ont fait suite aux événements douloureux de 1988, l’accord de Nouméa a donné un nouveau délai. Aujourd’hui, nous devons actualiser la loi organique rendue nécessaire par les révisions constitutionnelles opérées. Ce qui a été décidé il y a déjà vingt-cinq ans, c’est d’organiser sereinement les choix d’un territoire et de sa population sur la question de savoir s’il faut s’orienter vers l’accession à un statut de souveraineté pleine et entière ou maintenir un lien très fort, organique et institutionnel, entre ce territoire à la fois lointain et si proche et la République française, dont, jusqu’à choix contraire, il fait partie.
L’appartenance à une grande nation ne se réduit pas à un simple choix binaire, à savoir en être ou ne pas en être. Il faut bien admettre aujourd’hui, même si cela n’est pas tout à fait conforme à une certaine interprétation – d’ailleurs erronée – de la tradition française, qu’il n’y a pas qu’une seule manière d’être français. Notre pays est très vaste et pluriculturel ; il permet aux cultures, aux langues et aux civilisations de s’épanouir à égalité. Il apparaîtra peut-être, dans un avenir proche, qu’il ne faut pas, sauf à séparer à nouveau le peuple de ce territoire en deux parties nécessairement inégales, choisir complètement. Peut-être faut-il faire perdurer des consensus qui ne soient ni le statu quo ni l’obligation de choisir purement et simplement entre la France et l’indépendance. Dans cette attente, la loi organique est actualisée et amendée dans un sens qui paraît, au moins sur les bancs de cette assemblée, faire consensus, sur les sujets dont nous avons à traiter.
Je voudrais rappeler que l’affaire de la Nouvelle-Calédonie n’est pas seulement celle de son territoire ; elle est aussi l’occasion de s’interroger sur ce qu’est la France aujourd’hui. Qu’il me soit permis, à cet égard, de souligner que l’immense archipel français, qui s’étend à l’Amérique du Nord et du Sud, à l’océan Indien et au Pacifique, fait de la France, dans sa diversité, la seconde puissance maritime du monde. Si l’on pousse mécaniquement les travaux et les revendications que nous mettons en oeuvre dans le cadre du programme Extraplac sur les extensions du plateau continental, nous pourrions même, dans les années qui viennent, devenir la première, devant les États-Unis d’Amérique. Cet espace et la richesse potentielle qu’il représente font que notre pays trouvera peut-être pour partie son avenir dans les confins de l’archipel tout autant, voire plus, que dans la métropole. Une heureuse conjonction de circonstances fait d’ailleurs que nous avons reçu il y a quelques jours, à Marseille puis à Ajaccio, le troisième congrès international des aires marines protégées, avec des représentants des principales nations maritimes du monde, parmi lesquels figuraient ceux de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française.
L’avenir de la France, disais-je, se situe peut-être autant dans ce vaste espace maritime que dans le périmètre relativement étroit de la métropole hexagonale. Ne pensons donc pas que le choix qui sera fait en Nouvelle-Calédonie n’a d’intérêt que pour les citoyens de ce territoire ; il concerne l’ensemble de l’immense espace de la République et il va de soi que le groupe RRDP, au sein duquel l’outre-mer est très largement et fort bien représenté, soutiendra le projet présenté.