Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous appelle à ratifier un projet de transposition d’une directive : une ratification sans conditions, sans débat, sans consultation du Parlement français ; en somme, la conséquence prétendument inéluctable d’une décision européenne. Pour autant, la technicité apparente de ce texte ne nous empêchera pas de poser le débat en des termes clairs. Il est fortement dommageable que nous ne puissions débattre des élections européennes qu’à l’occasion de l’examen d’un texte technique, un texte qui, convenons-en, ne modifiera pas substantiellement l’état de notre droit.
Pourtant, l’enjeu est de taille : après trente-quatre ans, le Parlement européen reste une institution largement méconnue, trop peu puissante, trop peu politique. Dans ces conditions, comment peut-on raisonnablement espérer que les électeurs croient en l’importance de leur bulletin de vote, alors même que les élections européennes répondent encore à une logique strictement nationale, et à des enjeux, des thématiques et des discours nationaux ? Le scrutin de 2014 aurait pourtant été l’occasion de faire un grand pas. Le choc de simplification, en France comme en Europe, n’aura pas eu lieu et la compréhension des citoyens européens risque d’en pâtir. Au lieu de réfléchir aux pistes vers une clarification du système, nous faisons perdurer la complexité. Cette complexité contribuera inexorablement à une opacité délétère pour l’image des institutions européennes.
La faculté donnée aux citoyens européens de se porter candidats dans d’autres pays que le leur est, de ce point de vue, une innovation majeure. Cette innovation permet sans nul doute d’accroître les échanges transfrontaliers, de renforcer le dialogue interculturel et de favoriser la naissance d’une conscience européenne. Cette innovation, nous nous devons de l’encourager, de la perfectionner et de la faire fructifier. Beaucoup reste à faire. En 2009, en France, seuls 15 candidats parmi des centaines provenaient d’un pays autre que la France. À l’échelle de l’Union européenne tout entière, seuls 81 candidats sur des milliers ont pris l’initiative de dépasser les frontières. À la veille du huitième scrutin européen de l’histoire, il est désolant que les élections européennes ne soient, au final, que la superposition de vingt-huit élections nationales.
Il est aujourd’hui nécessaire d’agir. Nous pouvons d’ores et déjà nous réjouir d’une première avancée : cette fois-ci au moins, la France n’a pas tardé à transposer une directive et s’est exécutée dans les délais. Cette célérité était certes dictée par l’agenda électoral, mais nous espérons qu’elle sera renouvelée à l’avenir, et que nous ne battrons pas de nouveaux records de retard dans la transposition des textes européens en droit français.
Venons en maintenant au fond du texte : la directive de décembre 2012 qu’il nous est proposé d’adopter, si elle ne modifie pas fondamentalement l’état du droit, n’en constitue pas moins une avancée notable. C’est un allégement salutaire des procédures qu’elle institue. Jusqu’à présent, chaque citoyen européen qui franchissait les frontières pour aller faire campagne dans un autre pays devait fournir une attestation délivrée par l’État d’origine prouvant qu’il n’y était pas déchu de son éligibilité. Cette lourdeur administrative n’incitait en aucun cas les citoyens impliqués dans la vie politique à se porter candidats dans d’autres États membres.
Il reviendra désormais aux États de résidence des candidats de s’assurer que ces derniers sont effectivement éligibles dans leur État d’origine, afin que leur candidature soit validée. La charge de la preuve étant renversée, cette fois au bénéfice du candidat, les citoyens européens pourront être davantage incités – ou, en tout cas, moins dissuadés – de se porter candidats hors des frontières de leur propre pays. Aujourd’hui, les choses en resteront là.
Bien entendu, plusieurs enjeux restent sans réponse. Le premier d’entre eux est le besoin urgent de redonner aux citoyens européens la volonté de s’investir dans le débat politique européen et français. Nous avons, mes chers collègues, une lourde responsabilité dans cette tâche, et les problèmes d’une Europe qui nous semble lointaine ne sont en fait que le reflet des propres maux qui affectent notre vie politique. Le second est le déficit démocratique, tangible ou allégué, qui se fait entendre au sein de la population, en France et partout ailleurs. La revalorisation du Parlement européen participera du renouveau démocratique de l’Europe. La famille centriste s’est toujours battue pour que la France milite en faveur d’un renforcement des prérogatives du Parlement européen. Malgré la combativité et l’énergie de ses membres, celui-ci n’a que très peu de moyens face à la Commission et aux États. Le traité de Lisbonne a certes amélioré cette situation, mais au prix d’efforts incommensurables et d’une défiance sans précédent des Européens envers leurs dirigeants.
Mesdames et messieurs les députés, la situation est critique. Le taux de participation des premières élections européennes en Croatie – 20,74 %, un comble pour un nouvel arrivant ! – en est la preuve cinglante. Le système institutionnel de l’Union européenne reste un inénarrable labyrinthe, tout aussi incompréhensible pour les Européens que pour leurs hommes politiques : Conseil de l’Union, Conseil européen, Parlement européen, Médiateur européen, sans oublier les institutions rattachées au Conseil de l’Europe, et le fait que le Parlement européen a lui-même trois implantations dans trois pays différents ! Comment reprocher au citoyen européen d’être perplexe et découragé face à une telle architecture ?
Il serait temps que l’Europe des vingt-huit que nous avons bâtie jadis devienne une Europe à vingt-huit. Cependant, nous ne ferons pas preuve de mauvaise foi : chaque mesure qui rendra l’Europe plus simple et plus accessible pour ses citoyens sera une petite victoire pour plus de transparence, plus de clarté et, en définitive, plus de démocratie. Pour cette raison, le groupe UDI votera pour ce projet de loi.