Intervention de Patrick Bloche

Séance en hémicycle du 31 octobre 2013 à 9h30
Indépendance de l'audiovisuel public — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, président des commissions mixtes paritaires :

De ce fait, le coup politique que le président Sarkozy a cru jouer à l’époque aura eu pour effet de fragiliser ce groupe dans un contexte marqué, pour les raisons que vous savez, par la baisse du marché de la publicité. C’est pour cela que la situation du groupe France Télévisions est une préoccupation constante pour le Gouvernement, mais aussi pour le Parlement et tous les membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, quelle que soit leur appartenance politique. Rappelons, si c’est encore nécessaire, qu’au moment du vote de la loi de 2009, les ressources publicitaires en journée s’élevaient à 350 millions d’euros. Par un effet d’aubaine, elles sont montées à 420 millions d’euros en 2011. Aujourd’hui, malheureusement, on note un retard sur les recettes prévues pour l’année 2013 : nous avoisinons les 320 millions d’euros.

De ce fait, le maintien – nous l’avons tous compris – de la publicité en journée et des ressources qu’elle procure était évidemment impératif. C’est l’une des dispositions les plus importantes de ce projet de loi, qui permet de donner une visibilité au groupe France Télévisions pour les années à venir. Comme Marcel Rogemont et Anne-Yvonne Le Dain l’ont rappelé, l’objectif initial de la loi était de tenir l’engagement no 51 du candidat François Hollande, devenu Président de la République. Il sera naturellement atteint après le vote de cette loi. Cela fait un engagement de plus de tenu !

Mais le texte issu de la CMP dont nous débattons aujourd’hui, en fin de processus législatif, va au-delà de cet objectif initial. Nous avons en effet abouti à un texte très complet, qui répond à une question essentielle, celle des moyens que nous souhaitons donner au régulateur de l’audiovisuel du XXIe siècle. En effet, grâce à cette loi, le CSA, devenu autorité publique indépendante, sera non seulement renouvelé dans sa composition même, par la modification du nombre de ses membres et de leur mode de nomination, mais sera, de surcroît, doté des moyens nécessaires pour jouer un rôle essentiel de régulation économique, rôle qu’il n’avait pas ou n’exerçait pas suffisamment jusqu’à présent.

Permettez-moi de revenir un instant sur le futur mode de nomination des membres du CSA. C’est une vraie novation législative : il faudra trois cinquièmes d’approbation dans les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cela signifie qu’à l’avenir, les membres du collège du CSA ne pourront être désignés que par un accord préalable entre la majorité et l’opposition. Cela représente un acquis démocratique essentiel. J’espère que nous pourrons étendre ultérieurement cette procédure à d’autres instances du même type.

Pour garantir le pluralisme et lutter contre la concentration – à laquelle, comme nous le savons, tend naturellement le paysage audiovisuel français – à l’heure de la télévision connectée et alors qu’il faut relever les nombreux défis de la révolution numérique, il fallait armer le CSA afin qu’il puisse jouer pleinement ce rôle. C’est dans cet esprit que les travaux des commissions mixtes paritaires que j’ai eu l’honneur de présider se sont déroulés. Nous sommes parvenus assez aisément, en fin de compte, à un texte dont la cohérence est réelle et qui préserve au mieux les apports de chaque assemblée. Ce faisant, nous avons toujours gardé en tête l’objectif initial, qui a été le fil rouge de l’examen de ce texte au Parlement : garantir l’indépendance de l’audiovisuel public et celle du régulateur de l’audiovisuel.

C’est en ce sens que nous avons donné un rôle accru au CSA dans l’organisation du marché de la télévision numérique terrestre, notamment en lui donnant la capacité d’autoriser les changements de modèle économique des chaînes, singulièrement le passage du payant au gratuit, dans des conditions bien encadrées, dont les modalités ont d’ailleurs été précisées en commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire est à cet égard parvenue à une rédaction optimale. Le texte donne aussi des pouvoirs de conciliation au CSA, entre les éditeurs de service et les éditeurs d’oeuvres ou de programmes audiovisuels ou leurs mandataires ou les organisations professionnelles qui les représentent. Corollaire du renforcement de son indépendance, le CSA sera désormais amené à rendre compte, dans son rapport annuel, des études ayant fondé ses décisions d’attribution de fréquences, afin que le sens de ses décisions et les arguments sur lesquels elles sont fondées soient mieux compris.

Je ne déclinerai pas toutes les dispositions de ce texte. Marcel Rogemont, notre rapporteur, s’en est fort opportunément chargé, ainsi qu’Anne-Yvonne Le Dain. Je tenais cependant, s’il le fallait encore, à montrer sa cohérence. Le champ de ce texte est bien plus large que certains ne le prétendent en le qualifiant improprement de « petite loi ». Monsieur le ministre, mes chers collègues, je pense que nous pouvons collectivement nous réjouir d’être parvenus, au terme de ce beau processus d’élaboration législative, et grâce à la qualité des débats en commission mixte paritaire, à un texte dont nous pouvons être fiers. Ce n’est en rien une petite loi, c’est une grande loi pour l’audiovisuel public et son indépendance.

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