Intervention de Étienne Blanc

Séance en hémicycle du 5 novembre 2013 à 21h30
Loi de finances pour 2014 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉtienne Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Deuxième problème : le délai de traitement des affaires. Les Français se plaignent de la lenteur de leur justice. Là encore, les indicateurs pour 2012 sont mauvais, et le ralentissement de l’augmentation des moyens que vous allez consacrer à cette question créera des difficultés en 2014. Rappelons qu’en 2012, les délais moyens de traitement des procédures civiles se sont considérablement dégradés. J’observe d’ailleurs que les questionnaires que nous vous avons adressés n’ont pas permis de recueillir des renseignements sur les crimes et délits, domaine pour lequel il conviendrait que nous disposions d’informations plus complètes pour 2014.

Troisième sujet d’inquiétude : les frais de justice. Une fois apportées les corrections liées aux frais postaux et aux frais médicaux, qui sont réaffectés dans d’autres parties du budget, on constate une diminution des frais de justice de 4 % environ. Pour avoir rencontré plusieurs présidents de cour d’appel, j’ai observé qu’aux mois de novembre et décembre, c’est sur leurs crédits généraux de fonctionnement qu’ils puisent pour faire face aux frais de justice. Je n’imagine pas que ces frais puissent diminuer encore davantage l’an prochain ! Les affectations de crédits sur ce poste sont donc insuffisantes et, là encore, nous connaîtrons des difficultés en 2014. Je rappelle qu’en fin d’année, le montant des restes à payer, qui s’élève à 390 millions d’euros, est en augmentation par rapport à 2012.

Quatrième point sur lequel la commission des finances a souhaité appeler l’attention du Gouvernement porte sur la question de la surpopulation carcérale, car les chiffres, là encore, ne s’améliorent pas. Entre 2012 et 2013, vous n’aurez créé que 89 places de prison. Pourtant, le nombre de détenus n’a cessé d’augmenter – soit 36,1 % entre 2000 et 2013 tandis que le nombre de places n’augmentait que de 16,8 % dans le même temps. Vous annoncez la création de 6 500 places entre 2014 et 2016, mais, une fois de plus, la commission est sceptique, compte tenu des inscriptions budgétaires.

Concernant, cinquièmement, la protection judiciaire de la jeunesse, vous aviez indiqué l’an dernier que vous estimiez prioritaire de juger rapidement les crimes et délits commis par des mineurs et de faire en sorte que la réaction de l’institution judiciaire soit la plus rapide possible. Or, en 2013, s’il n’y a pas dégradation, nous n’avons constaté aucune amélioration sensible du rythme des décisions rendues en la matière. De surcroît, le budget pour 2014 affiche curieusement une baisse de 0,6 % des crédits, notamment une baisse des dépenses d’investissement et d’intervention de 5,2 % alors que chacun sait que la justice des mineurs devrait être une priorité.

Je connais déjà la réponse que vous nous ferez concernant, sixièmement, la question du nombre de magistrats : c’est le fruit de politiques antérieures, nous direz-vous, né du fait que la création d’un certain nombre de postes de magistrats n’aurait pas été anticipée. Toujours est-il que là comme ailleurs, le rythme se dégrade et l’écart s’accroît entre les effectifs réels et les plafonds d’emploi, puisqu’il est passé de 373 en 2009 à 1 043 en 2013, preuve que la situation s’aggrave.

Enfin, la septième et dernière observation de la commission porte sur l’accès au droit. Vous avez décidé de supprimer la contribution pour l’aide juridique, ou CPAJ, soit un manque à gagner de l’ordre de 60 millions pour le budget, que vous avez certes compensé. En revanche, vous avez renoncé à la modulation, ce qui représente un manque à gagner de 11,2 millions d’euros. Cette décision a suscité une vive émotion chez toutes celles et ceux qui s’attachent à faire en sorte que l’accessibilité au droit soit améliorée, notamment les avocats. Plusieurs amendements ont été déposés sur ce sujet, dont certains n’ont pas été examinés par la commission et sur lesquels je me prononcerai donc à titre personnel.

Telles sont les observations que souhaitait faire la commission sur ce budget. Elle constate une diminution des moyens et des crédits d’intervention qui suscite de profondes inquiétudes dans les sept domaines susmentionnés, qui en seront affectés.

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