Intervention de Axelle Lemaire

Séance en hémicycle du 5 novembre 2013 à 21h30
Loi de finances pour 2014 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAxelle Lemaire :

…et qui est déjà intégrée à ce budget.

Le groupe SRC vous soutient également, madame la garde des sceaux, dans la manière dont vous changerez le fonctionnement de notre système pénitentiaire. Tout le monde le dit : la situation est aujourd’hui alarmante. Les programmes de construction lancés par le précédent gouvernement, systématiquement financés par des partenariats public-privé, dont on voit aujourd’hui clairement les limites, ont eu pour effet d’engager lourdement l’État, et ce sur plus de deux générations afin d’échapper aux créances d’aujourd’hui.

Pendant ce temps, l’état de nos prisons s’est dégradé. Depuis 2006, la France a été condamnée à sept reprises par la Cour européenne des droits de l’homme en raison des conditions de détention et de traitement de ses détenus. La Cour a conclu à la violation de l’interdiction des traitements dégradants du fait de la promiscuité et des manquements relevés aux règles minimales de l’hygiène, dans la prison de Nancy Charles III, par exemple, un établissement aujourd’hui fermé. Nous en sommes là : pas de place, pas de lumière, trop de saleté.

C’est un exemple parmi d’autres et le Gouvernement est parfaitement conscient de cette situation. C’est la raison pour laquelle vous avez annoncé, madame la garde des sceaux, la création de 6 500 places de prison d’ici à 2017, cette fois correctement financées et budgétisées.

Ce projet de loi de finances prévoit également l’ouverture de nouveaux emplois dans l’administration pénitentiaire, 432 exactement, en plus des trois programmes de rénovation devenus absolument nécessaires des prisons de Fleury-Mérogis, des Baumettes et de la Santé.

Il faut par ailleurs se réjouir de la modernisation de nos outils, en particulier de l’informatisation croissante de l’administration pénitentiaire et judiciaire. La rigueur dans le suivi des dossiers est ainsi source d’une plus grande accessibilité, d’une plus grande célérité, de simplifications et d’économies budgétaires permettant d’affecter au mieux les emplois publics. C’est par exemple le cas de l’utilisation du logiciel Cassiopée.

Au coeur de toutes ces orientations, on trouve la justice sociale. Nos débats dans cet hémicycle porteront essentiellement, j’imagine, sur l’unique article concernant la justice dans ce projet de loi de finances, l’article 69. Cette disposition consacre la suppression du droit de timbre de 35 euros, dont nous avons toujours dénoncé l’injustice criante. « Vous êtes victime d’un licenciement abusif ? payez pour aller aux prud’hommes !», nous disait la droite. Voilà une « TVA judiciaire » dont la gauche ne voulait pas, qui consacrait une justice à la charge du seul justiciable, de celui qui n’avait pas d’autre choix que de se retrouver face au juge, et non de la collectivité nationale par le truchement de la redistribution.

La promesse a donc été tenue et c’est en grande partie l’État qui prend à sa charge le manque à gagner, par une augmentation du budget consacré à l’aide juridictionnelle. Pour compenser la perte de recettes, il est désormais urgent de s’interroger sur la pérennisation de l’aide juridictionnelle, qui fait partie de l’ADN de notre groupe ; ou plutôt est-ce la gauche qui fait partie de l’ADN de l’aide juridictionnelle puisque c’est le ministre Henri Nallet qui l’avait introduite en 1991.

Vous avez annoncé, madame la garde des sceaux, la nomination d’Alain Carre-Pierrat, avocat général honoraire à la Cour de cassation, pour présider une mission sur l’aide juridictionnelle et ses sources de financement. Les députés du groupe SRC, très sensibilisés à l’importance de cette aide pour les plus démunis, à commencer par les femmes victimes de violences conjugales, se réjouissent de cette annonce et souhaiteraient que vous communiquiez à la représentation nationale quelques détails sur cette mission.

Vous avez entendu les inquiétudes légitimes exprimées sur le sujet de la rémunération des avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle, puisque l’amendement déposé par le Gouvernement consacre le report de la démodulation de l’unité de valeur. Voilà apportée une première réponse procédurale et budgétaire, dans un chantier plus large qui pourra être l’un des succès de ce gouvernement.

Au total, les évolutions portées par ce budget reflètent très clairement des valeurs : l’égalité dans l’accès au droit et devant la loi, la justice partout et pour tous, sans exclusive, ni géographique ni sociale. Au fond, c’est peut-être aussi la spécificité, non de la gauche, mais de la justice française qui est en jeu, celle d’une justice qui se veut universelle et qui, même si elle est mise à mal, face à l’augmentation et à la complexification des enjeux et des contentieux, doit rester universelle.

Au dix-septième siècle déjà, un dramaturge français faisait dire à l’un de ses personnages : « La justice est une si belle chose qu’on ne saurait trop cher l’acheter. » Nous savons, madame la garde des sceaux, que vous partagez cette préoccupation, et les députés du groupe SRC vous remercient pour votre action.

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