C’est très clair. Je m’étais engagée à le supprimer. Contrairement à ce que prétend M. le député Darmanin, je n’ai jamais dit, à aucun moment, que j’allais le faire en 2013 pour une raison simple : au moment où nous sommes arrivés, nous avons dû faire très vite le budget et nous n’avions pas le temps de trouver une ressource de compensation. J’ai dit que j’en étais profondément désolée et que je prenais l’engagement de supprimer cette taxe injuste pour l’exercice suivant.
Nous l’avons supprimée dans des conditions qui honorent le Gouvernement puisque nous avons compensé les 60 millions d’euros de recettes que produisait le timbre de 35 euros avec des fonds publics. C’était un engagement politique, au sens noble du terme, pris par le Gouvernement, afin de mettre un terme à une injustice sociale que nous avions dénoncée.
Vous qui connaissez bien aussi bien les dossiers, vous n’avez pas le droit de lier cette suppression du timbre de 35 euros à la question de la démodulation. Ce sont deux sujets totalement différents : alors que le timbre de 35 euros concerne les justiciables, la démodulation concerne les avocats.
Il faut arrêter de semer la confusion. Le Gouvernement n’ayant modifié aucun des critères d’accès à l’aide juridictionnelle, il faut arrêter de faire croire que les justiciables sont pénalisés. Ce sont les avocats qui sont concernés par la démodulation.
Qu’est-ce que la démodulation ? Sur le territoire, l’unité de valeur qui sert de base à la rémunération des avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle, varie en fonction des lieux. Personne n’arrive à expliquer la raison de cette disparité. Même les avocats qui siègent au Conseil national de l’aide juridictionnelle estiment, comme les autres membres du CNAJ, qu’aucun élément économique ne justifie cette modulation. Il n’y a donc aucune raison de la maintenir : la démodulation doit avoir lieu.
Dans le cadre de cette démodulation, nous avons aussi procédé à une harmonisation sur l’ensemble du territoire : l’unité de valeur de référence a été légèrement augmentée, ce qui a entraîné une baisse sur d’autres unités de valeur.
La démodulation doit donc avoir lieu puisque la disparité géographique n’a aucune justification. Une disparité d’un autre type peut-elle se justifier ? Nous y réfléchissons, en passant en revue différents critères : économique, professionnelle, part de l’aide juridictionnelle dans le revenu d’un avocat, d’un cabinet ou d’un barreau. Nous travaillons sur ces questions.
Sachez que pendant huit mois nous avons essayé de construire, avec la profession d’avocat, un dispositif de consolidation et de pérennisation du financement de l’aide juridictionnelle. Vous l’avez dit tout à l’heure à la tribune : nous savons depuis douze ans que l’aide juridictionnelle est fragile. Lorsque l’on sait qu’un dispositif de solidarité vis-à-vis des plus vulnérables est fragile, il est irresponsable de ne pas prendre des dispositions pour le consolider. C’est ce que nous avons essayé de faire.
Nous avons essayé de le construire avec la profession et nous n’y sommes pas parvenus dans le calendrier d’élaboration du budget. Les discussions ont duré huit mois et nous les avons reprises lorsque le nouveau bureau du Conseil national des barreaux a été installé.
Cependant, je n’ai pas voulu repartir pour huit mois de discussions qui n’aboutiraient peut-être pas, car je souhaite que nous ayons une solution sérieuse pour le prochain budget. Or nous allons commencer à discuter du prochain budget en mars 2014, c’est-à-dire très vite.
C’est pourquoi j’ai décidé de nommer en mission M. Carre-Pierrat, avocat général honoraire à la Cour de cassation, qui me remettra une partie de son rapport en mars et l’autre en avril. La première partie portant sur l’aide juridictionnelle et son financement, nous disposerons donc de matériau pour préparer le budget.
Cela fait douze ans que nous connaissons la fragilité de ce système. Vous l’avez répété tout à l’heure, madame la députée Nieson, et le rapport sénatorial de 2007 parlait de réformer un système à bout de souffle.
L’ancienne majorité a choisi l’hyper-facilité en taxant les justiciables. Il est vrai que c’est plus simple que de chercher à consolider l’aide juridictionnelle en tenant compte de son évolution et en créant les moyens d’amplification de son financement de façon à améliorer la rétribution de la profession d’avocat. Pour la plupart des avocats, l’aide juridictionnelle correspond à un engagement en faveur de ce qui est un dispositif de solidarité de l’État vis-à-vis des citoyens les plus vulnérables.
La plupart des avocats qui pratiquent l’aide juridictionnelle le font comme un acte de solidarité. Il y a lieu de considérer que cette aide juridictionnelle qui n’a pas été revalorisée depuis plusieurs années mérite une rétribution plus conforme à la qualité de la prestation que l’on attend des avocats et qu’ils apportent à ces clients.
Nous cherchons donc à consolider, pérenniser et à amplifier ce système. Parmi les pistes, il y a effectivement celle de l’aide juridique que nous continuons à explorer avec des compagnies d’assurances. Elles ne sont pas toutes sur la même ligne, ce qui complique les choses, mais j’espère que nous aboutirons. En tout cas, j’ai pleine confiance dans la mission de M. Carre-Pierrat.
Nous allons relever le défi de la grande responsabilité qui incombe à l’État : faire en sorte que l’aide juridictionnelle soit sécurisée dans son montant et dans sa capacité. D’ailleurs, je ne désespère pas d’être capable de remonter le niveau de ressources ouvrant droit à l’aide juridictionnelle car il est actuellement inférieur au seuil de pauvreté.
J’espère que nos efforts nous permettront non seulement de consolider l’aide juridictionnelle mais aussi de relever le niveau de ressources et d’améliorer la rétribution des avocats tout en faisant face à des dépenses nouvelles : une directive de l’Union européenne prévoit la présence de l’avocat en audition libre, ce qui devrait représenter 39 millions d’euros supplémentaires, selon une étude d’impact que nous avons réalisée. Pour que nous ne soyons pris de court, je veux anticiper et faire en sorte que nous puissions disposer de cette ressource.
Ce sont deux sujets différents. Il n’est pas sérieux ni honnête de les confondre. Je pense que vous l’avez fait par inadvertance. Je vous remercie de considérer que j’ai réussi à éclaircir les choses. Avis défavorable.