…puisque vous n’aviez même pas déposé le moindre amendement, préférant recourir à un artifice de procédure et demander un vote bloqué, afin de rejeter l’ensemble du texte lors d’une séance ultérieure.
Vous nous aviez alors expliqué que ce n’était pas grave, car le Gouvernement préparait quelque chose. Il prenait son temps : nous étions en décembre 2010, et cela faisait deux ans et demi que la réforme de la Constitution avait été votée. Il a en effet présenté un texte, en décembre 2011, soit un an après mon initiative et donc trois ans et demi après la réforme de la Constitution. Nous étions à quelques mois seulement de la fin de la législature, et ce qui devait arriver arriva : il n’y eut qu’une seule lecture à l’Assemblée – je crois que le texte n’a même pas été examiné au Sénat, alors que le Gouvernement avait tout à fait la possibilité de l’inscrire à son ordre du jour.
Cet épisode peu glorieux a été suivi d’un revirement, puisque vous avez décidé de vous saisir tout d’un coup de cette procédure, à laquelle vous avez trouvé tellement de vertus que vous l’avez « survendue ». Je reconnais, monsieur Geoffroy, qu’en la matière, vous avez fait preuve d’un peu plus de rigueur intellectuelle et législative que certains de vos collègues, qui ne sont d’ailleurs pas là cet après-midi. Je pense à M. Mariton, à M. Le Fur et à quelques autres, qui ont convoqué la presse pour annoncer que, foi de députés UMP, ils allaient réussir à obtenir un référendum sur la loi sur le mariage pour tous. Quand les observateurs les regardaient avec des yeux écarquillés, ils expliquaient qu’ils avaient trouvé le moyen d’y parvenir en inscrivant le projet de loi organique à l’ordre du jour de l’une des niches du groupe UMP.
C’est ce que vous avez fait, mais vous savez que cela ne vous permettra pas d’atteindre votre objectif. Si ces textes étaient définitivement adoptés – ce que nous souhaitons, car nous ne sommes pas pour la politique du pire –, il vous faudrait tout d’abord recueillir 4,5 millions de signatures car, avant la révision habituelle des listes électorales, plus de 44 millions d’électeurs étaient inscrits, ce qui est évidemment un objectif difficile à atteindre. Ensuite, il faudrait passer l’étape du Conseil constitutionnel, qui devra dire s’il considère comme recevable un texte visant à revenir sur le mariage pour tous, puis attendre que le délai d’un an pendant lequel on ne peut pas remettre en cause un texte voté par l’Assemblée et le Sénat soit expiré. Une fois toutes ces conditions réunies, ce texte serait sans doute rejeté à l’Assemblée sous cette législature – son adoption au Sénat paraît également peu probable. Selon la procédure de l’article 11, il n’y aurait alors pas de référendum possible puisqu’il suffit que les deux assemblées aient examiné la proposition, sans même être obligées de l’adopter ou de la rejeter, pour qu’elle soit définitivement abandonnée.
La démarche qui a été la vôtre n’a donc pas été très honnête du point de vue intellectuel et politique, et c’est dommage parce que cela participe à une décrédibilisation de la parole politique. Je ne mets pas en cause le travail législatif qui a été effectué avec nos collègues sénateurs : c’est un travail sérieux, concret, et nous l’approuvons. Nous voterons donc ces textes. Si cette procédure était utilisée un jour, ce dont on peut douter, on en tirerait une conclusion simple, c’est qu’il faudrait réformer la Constitution, l’article 11 comme d’autres articles d’ailleurs selon nous, pour aller vers une vraie procédure de référendum d’initiative populaire et citoyenne. Or, ultime contradiction de nos collègues de l’UMP, ils sont contre toute réforme de la Constitution.