Intervention de Marc Dolez

Séance en hémicycle du 19 novembre 2013 à 15h00
Application de l'article 11 de la constitution — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Dolez :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à ce qui est affirmé dans l’exposé des motifs du projet de loi organique, tout le monde reconnaît désormais que la procédure prévue à l’article 11 ne s’apparente pas à un référendum d’initiative populaire, mais repose plutôt sur un système d’initiative partagée pouvant éventuellement déboucher sur un référendum.

Si, en théorie, cette procédure offre au peuple une nouvelle possibilité d’exprimer directement sa volonté par la voie référendaire, les obstacles à sa mise en oeuvre sont tels qu’ils entravent, en pratique, cette faculté. En effet, l’encadrement de cette procédure par l’article 11 de la Constitution et par les textes que nous examinons aujourd’hui est excessivement restrictif.

Tout d’abord, cela a été rappelé, l’initiative appartient aux parlementaires, tant pour la rédaction de la proposition que pour les conditions matérielles de recevabilité. Un cinquième des membres du Parlement, soit 185 parlementaires, peuvent prendre l’initiative de déposer une proposition de loi. Ce nombre élevé signifie que le recours à cette procédure sera en pratique réservé aux grands groupes parlementaires, seuls en mesure de recueillir ces 185 signatures. L’exclusion ab initio des minorités politiques, donc d’une partie du peuple, rend cette procédure insignifiante, bien loin de la grande avancée démocratique promise.

Ensuite, ce n’est que dans un second temps, après le dépôt de la proposition et après un contrôle de constitutionnalité a priori, que le peuple a la possibilité de soutenir le texte parlementaire. Le soutien d’un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit près de 4,5 millions d’électeurs, est requis. Cette exigence réduit encore l’effectivité de la procédure. Comme le souligne l’Institut européen sur l’initiative et le référendum, un pourcentage de signatures de l’ordre de 5 % rend l’exercice du droit d’initiative extrêmement difficile, un pourcentage de l’ordre de 10 % le rend pratiquement impossible.

Ainsi que l’a souligné à l’instant notre collègue Roger-Gérard Schwartzenberg, à titre de comparaison, en Italie, c’est-à-dire dans un pays dont la population est du même ordre de grandeur que celle de la France, le nombre de signatures exigées pour valider une demande de référendum abrogatif n’est que de 500 000, c’est-à-dire environ neuf fois moins que ce qui est prévu ici.

Après une nouvelle validation du Conseil constitutionnel portant sur le nombre de signatures obtenues, chacune des deux assemblées devra examiner au moins une fois la proposition de loi dans un délai de six mois. Cela signifie que, jusqu’à l’expiration du délai fixé par la loi organique, le Gouvernement et la majorité parlementaire peuvent éviter le référendum sans rien céder sur le fond aux auteurs de la proposition.

Surtout, le seul fait que celle-ci ait été « examinée » par les deux assemblées, même si c’était seulement pour la rejeter, suffit à interrompre la procédure. Une simple lecture permet donc d’écarter le référendum. Rappelons qu’au contraire, le Comité consultatif pour la révision de la Constitution, le comité Vedel, prévoyait en 1993 que seule l’adoption du texte permettrait l’abandon du processus référendaire.

Bref, l’initiative est tellement encadrée qu’elle n’a que peu de chance, pour ne pas dire aucune, d’être mise en oeuvre,…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion