Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’est pas question ici de remettre en cause la culture spécifiquement française de la représentation politique. On sait que le référendum est encore considéré par certains comme un mode de contournement de la représentation nationale. On lui arrache sa légitimité intrinsèque pour faire valoir ses effets négatifs : surreprésentation de la majorité, approche démagogique ou absence de nuance dans la question posée à laquelle on doit répondre par l’affirmative ou la négative. Ses effets positifs sont rarement mis en exergue, alors qu’ils sont tout aussi nombreux : recours à la voix populaire pour trancher un litige, expression démocratique du peuple et donc construction d’un projet commun pour des enjeux importants. L’utilisation du référendum comme plébiscite, par Napoléon puis par le général de Gaulle, nous a fait beaucoup de mal en transformant cette pratique démocratique en un instrument de renforcement de la légitimité politique. On a donc encore aujourd’hui des réticences à reconnaître le référendum comme un instrument de démocratie. Mais rassurez-vous, celui-ci n’est pas de nature à inquiéter les farouches défenseurs de la représentation démocratique !
Jusqu’à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, c’est le Président de la République qui pouvait initier le référendum sur proposition des membres du Gouvernement. Ce référendum existe toujours, mais il est désormais combiné à un référendum d’initiative partagé – et non d’initiative populaire, comme la précédente majorité a voulu le faire croire aux Français. En effet, ce référendum est un référendum « verrouillé », comme cela a déjà été dit, puisqu’il ne peut être impulsé que par un cinquième des membres du Parlement soutenu par un dixième du corps électoral. C’est, disons-le, un référendum d’initiative parlementaire soutenu par les citoyens français. Mais soyons clairs, peu de textes trouveront le soutien de 184 députés ou sénateurs et de plus de 4,5 millions d’électeurs. Présenté lors de la révision constitutionnelle de 2008 comme une grande avancée démocratique, ce référendum a été le seul dispositif à ne pas être appliqué sous le précédent quinquennat, faute des textes d’application nécessaires. C’est donc à nous, la majorité du changement, que la Ve République devra la mise en place de ce dispositif.
Les projets de loi, organique et ordinaire, soumis à votre vote sont présentés dans le cadre contraignant de l’article 11 de la Constitution, lequel limite le champ et l’objet desdites lois. Il s’agit de définir par ces lois les conditions de présentation par les parlementaires de la proposition ; les délais de collecte des pétitions citoyennes ; les modalités pratiques de collecte et de contrôle ; le délai imparti aux assemblées pour examiner la proposition ; enfin, les conditions d’organisation du référendum. C’est ainsi que le projet de loi organique prévoit que le Conseil constitutionnel aura un mois pour contrôler la constitutionnalité de la proposition de loi soumise à référendum, en examinant par exemple le nombre des soutiens ou l’objet de cette proposition. Il est également proposé que le délai pour collecter les pétitions citoyennes soit de neuf mois, ce que justifient les 4,5 millions de signatures à réunir, et que les soutiens soient recueillis par voie électronique ainsi que sous forme papier pour tenir compte de la fracture numérique.
On peut regretter que la révision constitutionnelle n’ait pas élargi le champ du référendum partagé. En effet, celui-ci est réservé aux mêmes objets que le référendum d’initiative présidentielle. Or, parmi les objets prévus, il en manque un qui n’est pas des moindres : les libertés publiques, ou libertés fondamentales, que le Président Mitterrand et Robert Badinter avaient voulu imposer, ce qui a toujours été rejeté par le Sénat au nom de la représentation nationale. Malgré ces réserves, députés et sénateurs ont fait au mieux pour que ces textes soient un premier pas vers ce qui reste à faire, à savoir l’instauration d’un véritable référendum d’initiative populaire, à l’instar de ce qui existe en Italie, en Suisse, aux États-Unis et dans bien d’autres États du monde. Votons ce texte pour ce qu’il est : une étape vers un projet démocratique plus ambitieux pour la France de demain !