Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 19 novembre 2013 à 15h00
Application de l'article 11 de la constitution — Texte de la commission mixte paritaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, vice-président des commissions mixtes paritaires :

Je souhaite interroger le ministre sur les quelques ambiguïtés que j’ai repérées dans l’amendement du Gouvernement.

Monsieur le ministre, comme le rapporteur l’a excellemment dit, le texte issu de commission mixte paritaire résulte d’une négociation de dentelle puisque nous n’avons pas la même lecture que le Sénat du rôle du Conseil constitutionnel. Nous avions donc construit une rédaction qui nous paraissait assez conforme au point de vue des uns et des autres sans franchir les bornes fixées. Cependant, vous nous proposez un autre amendement.

Pourriez-vous nous dire s’il y a une formation ou des formations du Conseil constitutionnel ? À l’alinéa 14 que vous modifiez, vous évoquez en effet une seule formation alors qu’à l’alinéa 16, nous lisons « sur renvoi d’une formation, le Conseil constate […] ». Cela ne bouleverse pas le texte, mais une précision de votre part permettrait, dans le silence de la loi, d’avoir une interprétation qui sera conforme à l’intention du législateur.

Je veux aussi attirer l’attention de l’Assemblée nationale sur la double innovation que vous nous proposez.

D’une part, vous nous proposez de créer une formation du Conseil constitutionnel. Il existe bien des sections d’instruction, notamment en matière de contentieux électoral, mais celles-ci sont formées de membres du Conseil constitutionnel. Pour la première fois, une formation du Conseil sera composée de magistrats de l’ordre judiciaire et des juridictions administratives, comme vient de le dire Guy Geoffroy.

D’autre part, la formation du Conseil constitutionnel, telle que prévue dans votre amendement, sera dotée d’un pouvoir de décision, ce qui n’est pas le cas de la section chargée d’instruire les contentieux électoraux. Cette formation pourra statuer sur les recours.

Tous les orateurs l’ont dit, et j’imagine que cela est limpide pour tout le monde : nous construisons un dispositif dont la concrétisation ne sera pas immédiate, car il ne conduira pas immédiatement à l’organisation d’un référendum. J’attire d’ailleurs votre attention sur le fait que nous allons avoir un an de plus pour y réfléchir, puisque ces mesures ne sont applicables qu’en 2015. La maturation du processus aura donc en réalité duré six ans, et non pas cinq ans.

En revanche, la collecte de 4,5 millions de signatures sera possible, ce qui explique que nous passions du temps sur la manière dont seront traités les recours dont elle fera l’objet.

En résumé, monsieur le ministre, je regrette que la version de l’Assemblée nationale n’ait pas pu être reprise par la commission mixte paritaire, car elle était complète alors que votre proposition comporte des lacunes, même si elles ne sont pas infamantes et n’empêcheront pas le dispositif de fonctionner. Quel est le statut des membres de cette formation ? Y a-t-il ou non des incompatibilités ? Les réunions de cette formation seront-elles ou non publiques ? Nous l’avions prévu dans le texte adopté par l’Assemblée nationale ; il est dommage que cela n’ait pas pu être repris. Les sénateurs ont une lecture orthodoxe, une interprétation extrêmement restrictive de l’article 11 de la Constitution, et je le regrette.

Des précisions méritent d’être apportées. Tout cela est naturellement conforme à la Constitution et ces précisions vont lever les ambiguïtés. Nous sommes dans le cadre de l’application de l’article 11 mais aussi de l’article 63, qui prévoit une loi organique pour définir le fonctionnement du Conseil constitutionnel.

Je suis certain, monsieur le ministre, que vos réponses montreront qu’une fois de plus Giraudoux avait raison, lui qui disait que l’imagination est la première forme du talent juridique.

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