Intervention de Patrick Devedjian

Réunion du 27 novembre 2013 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Devedjian :

D'autant moins que, après le vote du Sénat en première lecture, le Gouvernement a proposé, par voie d'amendement, un dispositif très différent du texte initial. Le lundi 3 juillet, Mme Lebranchu était interpellée sur les intentions du Gouvernement s'agissant de l'article 12 : elle a répondu qu'elle ne pourrait pas le dire avant le mercredi. Pour la concertation, vous repasserez !

Le dispositif n'a fait l'objet d'aucune étude d'évaluation, ni juridique ni financière, non plus que de faisabilité ou d'organisation.

Cette loi n'est en rien le « troisième acte de la décentralisation ». En réalité, c'est une loi de recentralisation puisqu'on nous propose d'arracher du niveau territorial de proximité, pour les faire remonter à l'échelon d'une métropole qui va gérer 6,5 millions d'habitants, des dispositifs qui étaient gérés à l'échelle communale ou à celle des EPCI.

En fait, on réintroduit l'État à tous les niveaux de décision – ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le préfet de région est chargé de préfigurer ce que sera le nouvel établissement.

En outre, le dispositif proposé tend à casser en deux la région Île-de-France, tant pour la gestion des compétences que pour l'administration. Il va faire de la région un territoire à deux vitesses.

Il tend de surcroît à dévitaliser les libertés communales, en ôtant aux communes les compétences que leur avait octroyées Gaston Defferre en matière d'urbanisme. Ce sont pourtant ces compétences qui ont permis de transformer en villes à part entière des territoires de banlieue auparavant assimilés aux dépotoirs de Paris. Mes amis ont eu tort, en 1982, de voter contre cette loi, j'en conviens. Mais aujourd'hui, c'est vous qui en remettez en cause les dispositions.

L'amendement proposé tend par ailleurs à casser les EPCI, auxquels les communes adhèrent librement et dont le fonctionnement est démocratique, pour les remplacer par une structure autoritaire.

Et comme si cela ne suffisait pas, alors que la gauche s'est toujours dite opposée à cette procédure, voilà qu'elle propose, par voie d'amendement, une habilitation à prendre par ordonnances des mesures budgétaires, financières et fiscales, sans qu'aucun débat ait eu lieu sur ce que serait leur contenu. Circulez, il n'y a rien à voir ! Je ne suis pas très favorable aux ordonnances, mais les lois d'habilitation prévues par l'article 38 ont au moins le mérite de donner lieu à un débat et de permettre à la représentation nationale d'être éclairée sur les intentions du Gouvernement. Rien de tel ici.

Le texte proposé pour l'article 12 prévoit la création d'un « établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à statut particulier ». Mais en quoi la métropole du Grand Paris sera-t-elle un EPCI ? Les contours d'un ECPI sont définis par la loi, et sa création est d'essence démocratique, tandis que cette métropole relève de l'acte d'autorité. Je peux comprendre qu'on la qualifie d'établissement public à statut particulier, mais pas d'EPCI.

Quant à ce statut particulier, quel est-il exactement ? Nous le savons d'autant moins que les dispositions destinées à permettre son fonctionnement seront prises par ordonnances.

Je soutiens sans réserve la création d'une métropole à Paris, mais pas dans ces conditions, et pas au prix d'une recentralisation aussi forte. Vous voulez résoudre la crise du logement, mais cette crise étant due avant tout à l'excès de centralisme, vous allez en fait l'amplifier. La Région parisienne est extrêmement dense : on ne peut même plus y circuler ou y être transporté, malgré les efforts des gouvernements successifs. Or, vous allez aggraver cette situation.

Les Français, et en particulier les habitants de la Région parisienne, ont très mal supporté la politique menée dans les années 1960 et 1970 en matière d'urbanisme, qui a dévasté la banlieue en construisant ces cités dont les problèmes, notamment sociaux, nous conduisent aujourd'hui à rénover et à reconstruire à coups de milliards distribués par l'ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine). Ils vivront tout aussi mal la recentralisation et l'uniformisation de la construction qui résulteront de ce texte.

Certes, monsieur Le Bouillonnec, des élus siégeront au conseil de la métropole. Mais ils seront très éloignés du terrain.

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