Merci pour avoir sorti ce sujet de l’hypocrisie, pour avoir rappelé la réalité de la prostitution, à savoir que 80 à 90 % des femmes et des hommes prostitués sont soumis à des réseaux, là où certains s’abritent derrière l’image fantasmée d’une prostituée libre de son activité, pour surtout ne rien faire.
Merci pour avoir rappelé que, d’abord et avant tout, la prostitution est une violence, une violence sur laquelle notre société ne peut plus fermer les yeux. Cela a été dit à plusieurs reprises : 85 % des personnes prostituées sont des femmes et 99 % des acheteurs sont des hommes. Ces chiffres montrent, s’il le fallait encore, à quel point cette question est « genrée ». Faut-il penser que c’est parce que cette violence concerne principalement des femmes qu’elle a été si longtemps tolérée ? Permettez-moi de dire que tout le laisse à penser.
Merci pour avoir proposé dans cette loi des mesures d’accompagnement. La protection des prostituées est une priorité, et l’on ne peut que constater le fait que les dispositifs mis en place jusque-là ne donnent pas satisfaction. L’identité d’emprunt, la possibilité de bénéficier d’un suivi au long cours, d’un système de protection et d’assistance, la simplification de l’autorisation de séjour, le soutien financier et l’accès aux places en CHRS – en centre d’hébergement et de réinsertion sociale – sont autant de dispositions offrant de réelles alternatives aux victimes de la traite et leur permettant d’échapper à leur réseau.
L’inscription de la lutte contre la marchandisation des corps, parmi les sujets devant faire l’objet d’une information durant la scolarité, est aussi une avancée nécessaire. Avec l’éducation à la sexualité, cet enseignement sur la réalité de la prostitution, au-delà des clichés, ne pourra que faciliter le changement de regard de la société sur cette pratique.
Merci aussi d’avoir proposé dans cette loi des mesures de responsabilisation des clients, dont il faut rappeler le caractère très mesuré, tant il s’agit plus de faire évoluer les mentalités que de punir. La sanction n’est constituée que d’une amende et d’un stage de sensibilisation, qui permettra aux clients de prendre conscience de leur rôle dans le système prostitutionnel.
Merci d’avoir rappelé, en abolissant le racolage passif, que les prostitués ne sont pas des coupables, mais des victimes. Nous avons, depuis qu’elle a été introduite dans le droit français, toujours fortement critiqué cette disposition aboutissant à considérer les prostituées comme des délinquantes. Ce délit favorise de façon dramatique la clandestinité des prostitués. Et cette mesure accentue la pression policière, non pas contre la prostitution, mais contre les prostituées, sans contribuer à la lutte contre le proxénétisme et les réseaux.
Merci pour avoir battu en brèche le principal, voire le seul argument contre la responsabilisation du client, à savoir l’augmentation supposée de la clandestinité des prostituées. Vous nous l’avez rappelé à plusieurs occasions, les rapports d’évaluation en Suède, où la pénalisation du client a été mise en place, montrent que cette mesure a permis le recul de la prostitution de rue, sans développer la prostitution sur internet ou d’autres supports. Le rapport d’évaluation de la loi suédoise de novembre 2010 est clair : selon les estimations du ministère de la justice suédois, et grâce à la responsabilisation du client, le phénomène de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle connaît un développement considérablement moindre en Suède que dans des pays comparables.
Merci pour votre combat, merci pour votre courage. Pour avoir moi-même pris position clairement dans ce débat en faveur de cette proposition de loi, je sais la dureté des mots qui doivent vous être adressés. Vous avez dû être accusées d’être moralisatrices, bien-pensantes, voire pire, par tous ceux qui par ailleurs ne proposent aucune alternative, et ne veulent au final rien changer à la tolérance hypocrite de notre société pour cette exploitation.