Au coeur du grand combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes se situe la lutte prioritaire contre toutes les violences faites aux femmes. Une société libre et juste, que la France est toujours aussi attachée à bâtir, dont les principes fondamentaux sont scellés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne peut plus tolérer que des violences à [’encontre des femmes soient commises et qu’elles demeurent impunies. Parmi elles figure la prostitution.
Dans ce cadre, la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, que nous examinons aujourd’hui, doit servir l’objectif suprême d’égalité entre les femmes et les hommes. Oui, la prostitution est une grave violence pour les personnes prostituées, qui sont à 85% des femmes, et qui se considèrent, pour 80% d’entre elles, victimes d’une prostitution subie.
À ce titre, l’argument qui se décline par analogie et qui consiste à dire qu’il nous faut distinguer prostitution subie et prostitution choisie n’est pas recevable. Comment imaginer une seule seconde que la prostitution, qui n’est autre que la répétition d’actes sexuels non souhaités et imposés par la contrainte financière, puisse être un choix ?
Si certaines formes de prostitution sont encore plus violentes – je pense évidemment à celles qui dépendent de réseaux de proxénétisme exploitant la précarité et la vulnérabilité des femmes –, les autres ne sont pas libres pour autant. Le penser est un mensonge assumé pour dédramatiser l’achat d’actes sexuels, nier l’adhésion aux conditions de la prostitution qu’il implique et déculpabiliser les personnes qui y ont recours. Derrière chaque cas de prostitution s’exercent des enjeux économiques, des inégalités sociales, des problématiques d’emploi, de précarité, de logement ou encore d’éducation.
En dépit des arguments exposés par les opposants au renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel, nul ne peut contester ces vérités : la prostitution n’est pas un métier ; la prostitution n’est jamais libre ; la violence est forcément inhérente au système prostitutionnel.
D’un point de vue législatif, la prostitution constitue la dernière des violences faites aux femmes dont les victimes peuvent encore être pénalisées au titre du délit de racolage, alors même qu’aucun recours juridique n’existe pour condamner les auteurs, clients de la prostitution. II était évidemment du devoir du législateur de corriger cette incohérence, face aux dérives dramatiques qu’elle permet.
C’est dans cette prise de conscience que cette proposition de loi est née, se positionnant très clairement et dès le début en faveur de la protection des personnes prostituées, une mesure phare fermement défendue par les parlementaires qui portent cette loi. Ce changement de point de vue sur la question est capital : la prostitution ne peut plus être considérée sous l’unique angle des clients.
Cette lecture du sujet demeure pourtant prédominante et donne des raisonnements aberrants qui conduisent à penser que le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel rendrait les conditions de l’exercice de la prostitution encore plus difficiles.
Au contraire, du point de vue des personnes prostituées, justement, ce texte constitue l’unique moyen de lutter contre les violences qu’elles subissent et de les reconnaître comme des victimes du système prostitutionnel.
Bien que sanctionner le client soit nécessaire dans un souci de cohérence et au nom d’une justice équitable, il n’y a pas de volonté affichée de répression systématique, encore moins de stigmatisation.
Ce texte a été vigilant sur cette question et associe à l’instauration du recours à la sanction des mesures fortes d’accompagnement, à la fois des personnes prostituées et des clients. La sensibilisation aux conditions de l’exercice de la prostitution doit conduire le client à faire preuve de plus de clairvoyance et de discernement quant aux impacts de son implication dans le système prostitutionnel. Ainsi, des actions d’éducation et de responsabilisation dans la pratique d’achat d’actes sexuels seront encouragées.
Le simple fait de sanctionner le client est déjà le marqueur fort d’une approche pédagogique et dissuasive du recours à l’achat d’actes sexuels, sans pour autant rendre la sanction automatique. En effet, c’est précisément en considérant les clients comme parties prenantes des conditions d’exercice de la prostitution, qu’ils deviendront les cibles d’une prévention et d’une sensibilisation particulièrement renforcées.
Cette proposition de loi ne dresse pas les acteurs du système prostitutionnel les uns contre les autres, elle ne stigmatise pas, d’un côté, les victimes et, de l’autre, les auteurs. Elle vise simplement, par une lecture plurielle et pleine de la question, à trouver la façon la plus juste de lutter efficacement contre le système prostitutionnel au nom de l’éradication de toutes les violences faites aux femmes et plus généralement au nom de l’établissement d’une véritable égalité entre les femmes et les hommes. Ce texte constitue une avancée majeure en matière de progrès social et de respect des valeurs d’égalité et de liberté qui fondent l’identité et l’essence de la France.