Aucune ne pouvait se présenter comme victime de sa propre condition, à moins de s’effondrer ou de s’égarer dans une identité totalement disloquée. Toutes comptaient parmi les plus déshérités de la famille humaine, victimes, pour la plupart d’entre elles, de violences passées, en majorité sexuelles. Toutes affichaient un détachement de leur corps du reste de leur personne. Et c’est d’ailleurs bien le déni partagé qui permet à la prostitution de continuer à prospérer.
À ceux qui font la promotion du contraire, au prétexte qu’une poignée de prostituées s’épanouirait dans l’exercice de cette profession, je réponds, d’abord, que le législateur écrit la loi dans le souci de l’intérêt général et ensuite que son rôle est précisément de prévenir et responsabiliser, bien avant de punir. Le législateur ne peut vouloir pour une seule de nos concitoyennnes ce que nous ne voulons pas individuellement pour nous-mêmes. Or, lequel, laquelle d’entre nous encouragerait son enfant à suivre des cours de prostitution professionnelle – oui, cela existe, à l’université de Valence – ou à arrondir ses fins de mois à l’arrière d’une camionnette ?
Aucun d’entre nous ne peut souhaiter la prolifération de « mégabordels », comme il en existe tout près de chez moi, en Espagne, aux offres de services « fast sex », « todo incluido », « all included » : apéro, disco et « puticlub », juste pour quelques euros. Dans tous les pays qui ont légalisé la prostitution, elle explose : ce matin, en prenant l’avion, j’ai trouvé un journal basque espagnol qui diffuse des petites annonces de prestations sexuelles tarifées et bien détaillées, juste après des annonces de vente d’animaux de compagnie ! Est-ce bien le modèle de société que nous souhaitons ?
Aujourd’hui, il nous appartient de faire un grand pas, de dire le droit dans cet esprit d’égalité que nous avons tous évoqué ici, quitte à priver certains de certaines libertés – mais ces libertés-là ont assez duré. (Applaudissements.)