Avec Guy Geoffroy et notre ancienne collègue Danielle Bousquet, nous avions proposé, dans notre rapport de 2011 – qui avait d’ailleurs fait l’unanimité –, la pénalisation du client, mais à travers la création d’un délit. Si je m’oppose au présent article, c’est parce que je suis favorable à ce que la pénalisation du client se traduise par un délit et non par une contravention. Vous observerez d’ailleurs que je fais preuve d’une certaine cohérence : selon moi, le racolage public comme la fréquentation par le client doivent être considérés comme des délits.
En privilégiant l’établissement d’une contravention de cinquième classe, on envoie aux clients et aux réseaux un message d’impunité, et cela d’autant plus que le délit de racolage public est supprimé : les moyens de lutter contre le proxénétisme et les réseaux – puisque, je le répète une fois de plus, il ne s’agit pas de s’attaquer aux prostituées – sont quasiment nuls. Au final, l’achat d’actes sexuels sera moins sévèrement puni que l’occupation de halls d’immeubles ou la vente à la sauvette qui sont aujourd’hui des délits. Je crains que l’ensemble du dispositif soit inefficace.
Citons une nouvelle fois – il est souvent évoqué ce soir – le ministre de l’intérieur, qui disait lors de son audition que la pénalisation de l’achat de services sexuels, censée se substituer à celle du racolage, doit être suffisamment dissuasive pour donner aux forces de l’ordre les moyens de prévenir les troubles sur la voie publique. Cela veut bien dire que ce n’est pas ce que prévoit le dispositif. Une contravention de cinquième classe ne permettra évidemment pas aux services enquêteurs de placer les clients en garde à vue – encore une fois, je ne vise pas les prostituées – pour procéder au recueil d’informations utiles au démantèlement des réseaux criminels. De surcroît, il serait impossible, avec une contravention de cinquième classe, de prévoir une application extraterritoriale et, dès lors, d’apporter une réponse aux difficultés des territoires transfrontaliers tels que la zone de la Jonquera que nous avons, les uns et les autres, citée tout à l’heure.
Enfin, il y va de la solennité du jugement : la contravention relève du simple tribunal de police, le délit du tribunal correctionnel. Le message donné au client n’est donc pas le même.