Parce que le proxénétisme est l’une des formes d’esclavage qui subsiste dans notre société, parce que, quoi qu’on en dise et quelles que soient les circonstances, les prostitués ne sont jamais libres, parce que la prostitution nie le principe de l’indisponibilité du corps humain et qu’elle est, en cela, contraire à l’éthique, parce qu’elle pose des problèmes de santé publique, nous devons agir pour lutter contre cette forme de violence.
Cela, nous pouvons le faire en accompagnant les personnes qui souhaitent sortir de la prostitution à travers un contrat de réinsertion et en améliorant, grâce à une meilleure éducation au respect de l’autre et de son corps, la prévention de la prostitution en direction des jeunes. Nous pouvons et nous devons également le faire en responsabilisant le client, presque toujours un homme, celui dont on parle peu mais sans lequel la prostitution n’existerait pas.
Pénaliser le recours à la prostitution, c’est adresser un message à ces hommes, alors que les prostitués sont pour 90 % des femmes, lui rappelant qu’il contribue à entretenir et à développer le système prostitutionnel. C’est le dissuader de pérenniser les situations de violence que son comportement crée et entretient. Si la France a fait le choix d’une position abolitionniste, et ce dans l’immédiat après-guerre avec la loi Marthe Richard, c’est davantage pour refuser de voir la prostitution comme une fatalité, comme un phénomène inhérent à toute vie sociale, que dans l’optique de vivre un jour dans un monde sans prostitution. Ne soyons pas naïfs, nous ne pourrons jamais totalement éradiquer la prostitution dans notre société, mais nous pouvons agir pour la réduire.
Pour autant, tant sur la forme que sur le fond, cette proposition de loi comporte des imperfections. Des défauts techniques d’une part : les outils de lutte contre la prostitution sur internet méritent d’être améliorés. Le Gouvernement a d’ailleurs reconnu les limites du dispositif proposé puisqu’il a supprimé la mesure relative au blocage des sites internet par voie administrative. Nous avons rencontré le même problème en ce qui concerne les sites pédopornographiques, sur lesquels le décret est attendu depuis bientôt trois ans, alors que la loi avait été votée à l’unanimité.
Par ailleurs, ce texte doit également être amélioré s’agissant de la régularisation des prostituées en situation irrégulière, qui risquerait de favoriser une immigration clandestine. Il ne faut pas en conclure pour autant que ce dispositif pourrait entraîner une immigration irrégulière massive.
D’autre part, nous regrettons la méthode un peu précipitée. Un tel sujet aurait mérité de faire l’objet d’une réelle étude d’impact, en particulier budgétaire. Il aurait également mérité que l’on auditionne des acteurs essentiels de la lutte contre le proxénétisme, tels que le chef de la brigade de répression du proxénétisme.
S’agissant du fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, la ministre a indiqué au cours des débats qu’il serait doté annuellement de 20 millions d’euros, mais à partir de la loi de finances pour 2015 seulement. C’est regrettable. Nous aurionspu le doter au moins à hauteur de 10 millions d’euros dès 2014. Madame la ministre, le Gouvernement devrait amender en seconde lecture le projet de loi de finances pour 2014 pour créer un compte d’affectation spécial d’initiative gouvernementale qui serait doté de cette somme.
En dépit de ces réserves, je voterai en faveur de cette proposition, imparfaite certes, parce qu’elle va dans la bonne direction.