Intervention de Christian Paul

Séance en hémicycle du 23 octobre 2012 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance maladie et les accidents du travail :

Demandez à M. Woerth, il est juste derrière vous !

Mais la nécessaire rigueur que nous devons avoir dans la gestion des comptes de la sécurité sociale ne constitue pas une réponse en soi aux interrogations des Français. Ces derniers sont inquiets : ils le sont pour l'avenir de l'hôpital public, ils le sont, car, sur de nombreux territoires ruraux et urbains, ils se trouvent de plus en plus souvent confrontés à la pénurie de médecins généralistes ou spécialistes, ils le sont aussi en raison du nombre de ceux qui doivent renoncer à des soins, notamment optiques et dentaires. Les inégalités d'accès aux soins se sont accrues ces dix dernières années : la prétendue « responsabilisation des patients » – pourquoi pas, la culpabilisation ? – s'est traduite par des baisses de prise en charge et la multiplication des renoncements aux soins.

Alors que le gouvernement précédent a failli à ses responsabilités en laissant les dépassements d'honoraires exploser, parallèlement, force est de constater que le rôle de proximité des professionnels libéraux a été insuffisamment valorisé. Les conditions de travail des médecins généralistes se sont dégradées, de même que celles des personnels hospitaliers, à tel point que nombre d'entre eux estimaient, encore récemment, ne plus pouvoir mener à bien leurs missions auprès des patients. C'est là le résultat de l'option mise en oeuvre pendant cinq ans – en fait pendant dix ans – d'une régulation financière aveugle, d'une mise en oeuvre biaisée de la tarification à l'activité dans le seul but de réaliser des économies, au mépris de la qualité des soins et des missions de service public assumées par les hôpitaux. Une négation de la réalité vécue sur nos territoires où l'on observe un accroissement des charges des hôpitaux, un rôle d'accueil social que ceux-ci assument de plus en plus fréquemment et un manque de coordination des prises en charge en amont et en aval, en particulier pour les personnes âgées poly-pathologiques. De même, on a trop longtemps différé l'exercice collectif de la médecine du travail au sein d'équipes pluridisciplinaires. Rien de sérieux n'a été fait pour enrayer la crise des vocations des médecins, alors même que le vieillissement de la population, le développement des pathologies chroniques et les progrès médicaux impliquent plus que jamais un partenariat renouvelé au service des patients. La désertification médicale s'est accélérée dans les zones rurales et les zones urbaines défavorisées.

L'ambition de ce quinquennat doit donc être de redonner confiance aux Français dans leur système de santé. Pour cela, tous nos efforts sont aujourd'hui conjugués autour de quatre priorités, définies par le Gouvernement et notre majorité, qui sont aussi les grands axes de ce projet de loi de financement et de la politique de santé qu'engage le Gouvernement. Je l'évoquerai, bien sûr, en évoquant les dépenses d'assurance maladie. L'urgence veut, tout d'abord, que nous rétablissions l'égal accès aux soins pour tous les Français. Cela passe par la lutte contre les inégalités financières en matière de santé. Nous avons ainsi fait le choix de mettre fin aux déremboursements systématiques et de mieux protéger les plus vulnérables, avec, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, la prise en charge à 100 % des interruptions volontaires de grossesse et de la contraception des mineures, avec la mise en place, pour la première fois, d'indemnités journalières maladie pour les non-salariés agricoles et leurs proches et avec l'amélioration de la protection sociale des personnes détenues.

Nous souhaitons également amorcer, dès aujourd'hui, l'extension du tiers payant, d'abord pour les étudiants, demain dans les centres et maisons de santé, afin que l'avance des frais ne soit plus un obstacle à l'accès aux soins. La commission des affaires sociales avait adopté un amendement en ce sens qui n'a pas été déclaré recevable pour des raisons techniques. J'espère néanmoins, madame la ministre, car je vous sais attentive à cette question, que vous pourrez nous permettre d'en débattre en séance.

Nous devons également oeuvrer en faveur de la limitation des dépassements d'honoraires, qui est un chantier emblématique de l'égalité d'accès aux soins, vous l'avez voulu ainsi. Le Gouvernement a souhaité, jusqu'à ces dernières minutes, privilégier la négociation, ce qui est à son honneur. Cet accord constitue une première étape qui marquera, j'en suis sûr, l'histoire des négociations conventionnelles et il y aura des conséquences très concrètes pour les malades dans les prochains mois.

La situation du secteur privé au sein des hôpitaux publics appelle également des mesures de principe, et je suis très favorable à une intervention immédiate du législateur pour encadrer et moraliser la pratique libérale à l'hôpital, dont les abus rejaillissent injustement sur le reste de la communauté médicale.

Je soumettrai à l'Assemblée un amendement en ce sens, auquel la commission des affaires sociales a donné un avis favorable. Il vise en particulier à donner aux directeurs d'hôpital et aux commissions de l'activité libérale les moyens de contrôler cette activité, en particulier en instaurant un paiement direct des patients à l'hôpital au lieu d'un paiement au médecin.

La lutte pour l'accès aux soins passe ensuite par la mobilisation générale contre les inégalités géographiques. Après dix ans de tentatives et de réflexion, est venu le temps de l'action, et d'une grande loi sur l'accès aux soins dès 2013. Les incitations à l'installation doivent être profondément repensées à partir des expériences infructueuses des dernières années. La formation des médecins doit être adaptée à l'objectif d'assurer une répartition homogène des professionnels sur notre territoire. L'exercice des professionnels doit correspondre davantage aux attentes des jeunes générations et aux besoins des patients.

Dans l'immédiat, le projet de loi permettra à 200 praticiens territoriaux de médecine générale d'aller assurer la relève générationnelle dans les zones sous-dotées, dans les campagnes comme dans les villes qui le réclament. Nous avons souhaité, en commission, élargir le champ de cet article pour donner toutes ses chances au dispositif. Enfin, nous voulons également donner toutes ses chances à la médecine salariée, en favorisant le détachement – à partir des hôpitaux de proximité, des structures mutualistes et des centres de santé – de professionnels de santé qui iront exercer dans les territoires déficitaires. La commission a adopté un amendement en ce sens. Il sera débattu dans l'hémicycle.

À l'hôpital, qui est souvent le seul recours dans les zones déficitaires, le seul à assurer un maillage efficace du territoire, le seul à proposer une offre de soins vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, nous souhaitons appuyer le pacte de confiance proposé par le Gouvernement, qui rassemble tous les acteurs du monde hospitalier autour des valeurs du service public. Ainsi, en dépit des efforts du précédent gouvernement pour effacer les différences entre le secteur public et le secteur privé non lucratif d'une part, le secteur privé lucratif, d'autre part, et aligner leurs règles d'organisation et de gestion, nous rétablirons la notion de service public hospitalier dans la loi.

Dès le présent projet de loi de financement, nous mettrons fin au mythe de la convergence, et nous tournerons la page des excès de la tarification à l'activité afin d'élaborer des règles de financement plus transparentes et plus équitables pour les établissements de santé.

Pour préparer l'avenir, nous continuerons à soutenir les hôpitaux dans leur politique d'investissement, en dépit des amendements de suppression sidérants de l'UMP, qui a pourtant laissé, en matière d'investissement hospitalier, des ardoises de plusieurs milliards. Oui, l'esprit et la méthode de travail sont en train de changer. Seul un dialogue renouvelé avec les usagers, les professionnels, les organismes complémentaires et les pouvoirs publics permettra de construire un système de santé plus protecteur et plus efficient.

Dans cette perspective, le présent projet de loi pose de nombreux jalons permettant de préparer les grandes mutations à venir.

D'abord, le passage d'une médecine curative à une médecine prédictive et préventive, permettant le suivi au long cours des patients, grâce au décloisonnement des prises en charge et aux parcours de soins pour les personnes âgées en risque de perte d'autonomie.

Ensuite, une meilleure consommation des soins et des médicaments, au meilleur prix, au plus près des besoins de chacun, c'est le combat que mène Catherine Lemorton.

Enfin, une démocratie sanitaire digne de ce nom. Cela passe par un financement indépendant des associations d'usagers. À cette fin, la commission des affaires sociales propose qu'une partie de l'augmentation de la contribution sur le chiffre d'affaires des industries pharmaceutiques soit consacrée au financement d'un fonds dédié à la démocratie sanitaire.

Les pessimistes et les cyniques diront sans doute qu'en période de contraintes budgétaires, il conviendrait de réduire les dépenses et la prise en charge des patients. Bien au contraire, nous répondons et démontrons en 2013 qu'il est possible à la fois de réduire les déficits et d'investir dans ce système de santé souhaité par les Français pour leur garantir le maintien de la protection sociale à laquelle ils ont droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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