Intervention de Marylise Lebranchu

Séance en hémicycle du 11 décembre 2013 à 15h00
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Article 2

Marylise Lebranchu, ministre :

Il est vrai que, depuis quelques jours, nous parviennent moult sms et mails annonçant les conséquences dramatiques de la délégation de compétences en matière culturelle, qui se traduirait par la fermeture des DRAC. Non : il n’a jamais été question de cela et la ministre de la culture, responsable de ces administrations, y veille ; vous pouvez d’ailleurs vérifier le budget de son ministère. Tout reste donc au niveau de l’État.

À la suite du dépôt de la proposition de loi du président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, trois régions françaises souhaitent assurer au nom de l’État, et par délégation —et ce ne sera possible que par délégation, à moins de modifier la Constitution ou que sais-je encore —une politique permettant de valoriser la langue régionale. C’est effectivement, aujourd’hui, une politique relevant de l’État, que l’on peut déléguer. Faut-il renoncer à déléguer une politique culturelle de ce type ? Je réponds : sûrement pas ! Voilà un exemple possible. On ira sans doute au-delà : si un certain nombre de parlementaires UMP et de personnes défendant, au Sénat, la Charte des langues et cultures régionales, l’acceptent, l’on aura enfin cette majorité nécessaire pour une ratification que l’on attend depuis longtemps. Dans ce cas, ce sera à l’État, dans telle ou telle région, de la mettre en application. On peut alors s’interroger : est-ce raisonnable ? Est-ce efficace ? Est-ce même souhaitable ?

Il faut donc faire attention : comme l’a très bien dit le rapporteur, la disposition en discussion ne consiste pas en un transfert de compétences. A Paris, dans les grandes villes et les métropoles, il n’y a pas de difficulté : les grandes scènes y sont nombreuses, la création y est facilement soutenue. Mais dans les zones où l’on parle souvent de l’accès à la culture sans pouvoir lui donner de contenu, on doit pouvoir déléguer cette dimension de la culture à une collectivité territoriale qui souhaite permettre à des créateurs de sortir de leur scène conventionnée ou subventionnée et de se rendre dans des villages, en résidence. Il s’agit bien d’une délégation de compétences, et il n’est en effet pas nécessaire qu’une direction centrale du ministère règle ce type de question.

La culture embrasse un champ extrêmement vaste. On a assisté par le passé à un transfert, celui de la compétence relative aux patrimoines. On l’a parfois beaucoup regretté, car il n’a pas été accompagné de suffisamment de moyens. Il est vrai que, dans certaines régions qui disposent d’un patrimoine considérable et de peu de moyens, les difficultés sont encore plus grandes qu’autrefois. Mais il s’agissait d’un transfert de compétences, avec transfert de personnel. Dans le présent texte, je le répète, on délègue une partie de la compétence : je ne comprends donc pas la crainte qui se manifeste. Aujourd’hui, il y a une inégalité flagrante entre les territoires, en termes d’accueil, de résidence, d’accès à la création, aux musées, au théâtre, au spectacle vivant, à la culture. C’est une compétence de l’État, oui, mais elle est partagée avec les collectivités, et nous ne sommes pas parvenus, loin s’en faut, à l’égalité des citoyens devant cette clé de l’émancipation que nous voulons tous. On peut donc monter des marches.

Je me trouvais tout à l’heure dans une toute petite commune qui a conclu une convention de délégation pour porter le spectacle vivant. Est-ce dangereux ? Je ne le crois pas. S’abrite-t-on derrière une crainte ? Oui, je le crois. Ce qu’il faut, à un moment donné, c’est avoir une vraie discussion, comme je l’ai eue avec les syndicats, et rappeler que le transfert des personnels n’est pas à l’ordre du jour ; je ne vois pas, d’ailleurs, dans quels domaines on les transférerait. Il y aura possibilité de délégation, sur tel ou tel sujet, et qui plus est après avis du représentant de l’État, ce qui fâche d’ailleurs beaucoup de présidents de régions, de métropoles et de grands maires, qui ne sont pas toujours enclins à demander une autorisation. Voilà qui pourrait être de nature à faire progresser notre discussion sur les territoires. Comme les personnels restent ceux du ministère de la culture, je ne vois pas où est le problème.

J’ai rencontré un certain nombre de créateurs qui ne sont effectivement pas tous d’accord sur le principe de la délégation, mais je pense qu’il y a un problème en droit.

J’ai choisi l’exemple des langues et cultures régionales parce que je pense qu’il s’agit d’un fait majeur pour certaines régions —pas pour toutes, même si Paris, par exemple, porte très bien les écoles Diwan. Il y a des sujets qui intéressent plus une région qu’une autre. Pourquoi ne pas offrit la possibilité d’une délégation sous le contrôle d’un État garant et protecteur ?

Au moment où nous discuterons, dans le deuxième texte, de la décentralisation et de l’exercice des compétences, il apparaîtra peut-être de manière plus évidente que les fondamentaux de notre République ne se sont jamais opposés à ce qu’une collectivité territoriale puisse recevoir délégation, à condition que l’État en demeure le garant.

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