Intervention de Michel Piron

Séance en hémicycle du 15 janvier 2014 à 15h00
Accès au logement et urbanisme rénové — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron :

Je veux revenir sur l’exemple allemand que j’ai entendu citer à plusieurs reprises. C’est en effet un exemple remarquable de gestion des loyers, qui tournent autour d’une médiane, sachant que la question est gérée à l’échelle des Länder voire, par subsidiarité, des grandes villes. Pour m’être moi-même rendu dans trois villes allemandes, j’ai pu constater que, Berlin mis à part pour des raisons très particulières de reconstruction, il n’y a pas de problème d’insuffisance de logements. C’est vrai à Cologne ou à Düsseldorf, qui ne sont pas de petites villes, où existent, outre de bonnes relations entre locataires et propriétaires, un loyer médian et des observatoires décentralisés – j’insiste sur ce point – de même qu’un triptyque qui repose sur les élus locaux, sur les représentants des locataires et sur ceux des propriétaires.

Je me permets de rappeler, car n’est pas un détail, que dans ce pays, 56,7 % des habitants sont locataires, à l’inverse de la proportion française. Partant donc d’une situation qui n’a rien à voir avec la nôtre, on nous propose de créer des observatoires des loyers qui permettront de calculer des loyers médians pour encadrer les baux.

Première observation : cela ne créera pas un logement supplémentaire. Pire, ce peut même être un signe décourageant pour les investisseurs alors que ceux-ci manquent cruellement dans le domaine du logement, y compris dans les zones dites tendues. C’est donc une mesure qui risque économiquement d’être contre-productive.

Deuxième observation en matière économique : les bailleurs existants risquent, du fait de cet encadrement, de ne plus faire de travaux, du moins ceux dont ils ne pourraient pas répercuter suffisamment le coût dans le loyer. On peut même avoir en conséquence une dégradation du parc. C’est un autre élément négatif

Troisième observation en matière cette fois-ci sociale. Prenons la mécanique de l’encadrement des loyers, sachant que l’on va calculer des médianes sur des périmètres qui, selon M. Goldberg, seront suffisamment fins pour obtenir un maillage du territoire : supposons, même si j’en doute, que ce maillage puisse être réalisé de manière idéale dans les zones tendues au-dessus de 50 000 habitants. Il pourra toujours être contesté dans le cadre d’un contentieux. Ainsi, en Bretagne-Pays-de-Loire, il y a, dans l’agglomération nantaise, des différences de 8 % à 10 % entre Nantes et d’autres communes de la métropole. Dès lors quelle médiane allez-vous prendre ? Si c’est celle de la métropole, vous allez pénaliser Nantes, mais si vous optez pour des périmètres plus étroits, les moyennes seront très peu significatives car il y aura trop peu de loyers à observer.

Mais revenons à Paris, une zone particulièrement tendue. Loyer médian dans la capitale : 23 euros le mètre carré. On peut décider à 20 % au-dessus, soit 28 euros le mètre carré, de faire baisser les loyers, mais j’aimerais savoir combien de ménages peuvent payer ce niveau de loyer. Prenons les 3 % du dernier décile des locataires très aisés – des cadres supérieurs qui se baladent dans le monde entier – : on a des loyers à 40 euros le mètre carré. Ces gens auront les moyens, croyez-moi, de trouver des experts pour savoir si c’est le bon loyer par rapport à la médiane. Ce sont donc les ménages les plus aisés, les mieux informés, qui vont pouvoir alors demander qu’on aligne leur loyer vers la médiane et le feront ainsi baisser. En revanche, si je prends un loyer médian inférieur de 30 %, soit autour de 16 euros, le propriétaire pourra dire à son locataire dont le bail à prix fixe est de 7 euros à 8 euros le mètre carré qu’il est beaucoup trop loin de la médiane et qu’il faut remonter son loyer.

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