Madame la ministre, contrairement à vos habitudes, vous avez semblé insinuer que certains de nos arguments confinaient à l’absurdité, ce qui me gêne un peu tout de même. Je revendique le droit de ne pas être encore considéré comme complètement indigent d’un point de vue intellectuel – cela me ferait plaisir que vous le concédiez.
Comment la fixation d’un loyer médian inférieur de 30 % pourrait-elle, demandez-vous, contribuer à faire monter les loyers ? Vous trouvez le raisonnement absurde, vous le présentez au mieux comme une facétie, au pire comme une stupidité que je n’ai pas envie d’assumer. Pardonnez-moi, mais j’ai pris la peine de réfléchir, de me renseigner, d’en discuter avec des experts.
Que va-t-il se passer ? Cette médiane inférieure va évidemment être affichée comme une moyenne de référence et elle va être perçue comme telle. Ce n’est qu’une médiane inférieure mais, puisque vous avez pris rendez-vous, nous verrons ses effets. Vous verrez que dans certains cas, j’en suis convaincu, elle sera affichée et revendiquée comme un loyer de référence par certains propriétaires. Je maintiens donc mon objection ou plutôt mes craintes sur ce point.
Ma deuxième remarque, technique et très rapide, concerne la finesse du maillage dont vous avez parlé. J’avais d’ailleurs pris la précaution de dire que mon approche était volontairement synthétique pour Paris, tout en sachant que vous aviez prévu un maillage plus fin. J’ai pris la peine de prendre l’exemple de la métropole de Nantes-Saint-Herblain pour bien m’en expliquer.
Cependant, un maillage très fin, qui allie des critères géographiques et typologiques, produira des moyennes calculées sur des données de moins en moins nombreuses. Cela me rappelle de très vieilles études en logique, lorsque je faisais un peu de philosophie : chacun sait que, lorsqu’elles sont calculées sur des masses insuffisantes ou trop étroites, les moyennes risquent d’être de moins en moins signifiantes. Vous rencontrerez un problème technique de calcul si vous ne voulez pas que les loyers médians soient contestés et contestables.
Enfin, l’idée selon laquelle les riches seraient systématiquement – ou presque – propriétaires demande à être expertisée. En zones tendues, à Paris ou dans le Genevois français, vit tout une clientèle de cadres supérieurs extraordinairement mobiles à l’échelle mondiale qui sont très souvent locataires. C’est à ce point vrai qu’un pays comme la Suisse, qui n’est pas dans les plus pauvres d’Europe, affiche l’un des plus forts taux de locataires.
L’assimilation « riche donc propriétaire » ne va pas de soi. Elle correspond peut-être à une réalité provinciale française mais elle n’est pas forcément juste si l’on se place d’un point de vue hexagonal. Il serait intéressant de regarder les choses d’un peu plus près en ce qui concerne les zones les plus tendues de notre pays.
Voilà les quelques remarques que je voulais faire. Pour le reste, je vous ai bien entendue et nous aurons des occasions de nous rejoindre sur la garantie universelle des loyers et sur le prêt locatif aidé d’intégration. Mais je vous demande d’accepter l’idée que nous ayons pu réfléchir un peu avant d’avancer certains arguments, et que nous ne les avons pas lancés comme cela, n’importe comment.