Madame la présidente, madame la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, chers collègues, trois propositions de loi identiques visant à mettre en place un dispositif de réduction de l’activité des moniteurs de ski ayant atteint l’âge de la retraite au bénéfice des jeunes diplômés de la profession ont été déposées par les groupes SRC, RRDP et UMP : deux d’entre elles ont été inscrites à l’ordre du jour et nous sont soumises aujourd’hui, après avoir été adoptées par la commission des affaires sociales la semaine dernière.
Cette convergence de vues, qui transcende les groupes politiques, est l’expression d’une préoccupation largement partagée par les élus, notamment les élus de montagne qui, les premiers, ont été alertés sur la question du renouvellement des générations et de l’insertion des jeunes dans la profession de moniteur de ski.
Le ski est, en effet, une activité essentielle, parfois même vitale, pour l’équilibre économique de certains territoires de montagne, où il constitue une source de revenus, d’emploi et d’activité majeure pour la population locale. Avec plus de 55 millions de journées skiées, la France est redevenue, en 2011, la première destination mondiale du ski, devant les États-Unis et l’Autriche.
Cette prépondérance, nous la devons non seulement aux nombreux massifs présents sur notre territoire, à la qualité de l’enneigement hivernal, aux infrastructures performantes des domaines skiables, à nos capacités d’hébergement, mais aussi aux hommes et aux femmes pour qui la montagne est à la fois un métier et une passion qu’ils s’efforcent de faire partager au plus grand nombre.
Les moniteurs de ski font partie de ces passionnés, dont la réputation d’excellence a dépassé nos frontières. Les exigences requises pour l’obtention du diplôme d’État de moniteur de ski alpin, ainsi que la renommée des grands noms du ski français ont façonné cette image, que les principaux intéressés ont à coeur d’entretenir, qu’ils travaillent seuls ou dans le cadre de structures associatives, comme les écoles du ski français, les ESF – créées en 1937 et rassemblant aujourd’hui 90 % de la profession –, ou les écoles de ski internationales.
En effet, si la profession de moniteur de ski est une profession libérale, elle n’en est pas moins organisée, l’écrasante majorité des moniteurs adhérant à des syndicats professionnels et se regroupant au sein de structures, les écoles de ski, chargées de répartir entre eux l’activité en fonction des compétences demandées, des diplômes et de l’ancienneté de chacun.
Cette organisation permet à la profession d’être collectivement mieux armée face aux aléas de l’activité. Elle s’est par ailleurs traduite, au sein des ESF, par la mise en place de dispositifs de solidarité, dont un dispositif de solidarité intergénérationnelle reposant sur la réduction d’activité des moniteurs les plus anciens et visant à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs diplômés.
Ce dispositif a permis à tous les nouveaux diplômés de l’École nationale de ski alpin, de l’ordre de quatre cents par an, de se retrouver rapidement en activité après l’obtention de leur diplôme, selon les enquêtes menées par la direction de l’École. Cette situation unique dans le paysage économique français, a fortiori en période de crise, nous paraît être un argument suffisant pour que la pérennité de ce dispositif soit assurée.
Or, bien que celui-ci ait été reconduit pendant près de cinquante ans par les représentants des moniteurs de ski, appelés à voter les statuts et règles internes applicables aux ESF, il est aujourd’hui contesté par quelques moniteurs peu désireux de se voir appliquer les règles dont ils ont eux-mêmes bénéficié lors de leur intégration dans les écoles du ski français.
En effet, le dispositif de réduction d’activité que la présente proposition de loi vise à encadrer existe depuis 1963 et n’a été modifié qu’à quatre reprises, afin de repousser l’âge auquel la réduction d’activité est censée s’appliquer.
Ainsi, lors de sa création, en 1963, c’est à cinquante-cinq ans que les moniteurs quittaient leur statut de permanent pour ne plus être appelés par les ESF qu’en renforts pendant les vacances scolaires. En 1996, l’âge limite est passé à cinquante-huit ans. En 2007, un décalage progressif à soixante et un ans a été instauré, avant que ne soit adopté, en 2012, un pacte intergénérationnel applicable à compter de soixante-deux ans et garantissant aux moniteurs âgés de soixante-deux à soixante-sept ans de valider deux trimestres d’assurance vieillesse par an, soit l’équivalent d’un bénéfice minimum de 3 800 euros par saison.
Toutefois, après la transposition par la loi du 27 mai 2008 de la directive européenne 200078CE sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, certains moniteurs de ski ont commencé à contester le dispositif de solidarité intergénérationnelle, au motif qu’il introduirait une discrimination en fonction de l’âge.
Si, à la suite d’un avis de la HALDE du 29 novembre 2010, deux tribunaux d’instance ont donné raison aux plaignants, la cour d’appel de Grenoble a confirmé, quant à elle, la validité du pacte intergénérationnel, se fondant à la fois sur un nouvel avis émis par le Défenseur des droits et sur l’analyse des données économiques et démographiques du secteur. Un pourvoi en cassation a néanmoins été introduit, dont l’issue ne devrait pas être connue avant l’année prochaine.
Ainsi, dans l’attente de cette décision, le pacte intergénérationnel reste-t-il applicable dans les ESF, sous réserve des recours individuels susceptibles d’être introduits contre ses déclinaisons locales, école par école.
La présente proposition de loi poursuit donc un double objectif. D’une part, elle vise à garantir la licéité du dispositif de solidarité intergénérationnelle mis en place dans la profession qui a permis, jusqu’à présent, d’insérer dans l’activité l’ensemble des jeunes moniteurs de ski diplômés, alors même que les taux d’activité des moniteurs de ski de plus de soixante ans sont particulièrement élevés par rapport aux moyennes nationales. À titre d’exemple, le taux d’activité est de 82 % à soixante ans et de 56 % à soixante-dix ans.
D’autre part, le texte vise à mieux encadrer la mise en oeuvre de ce dispositif, afin d’écarter tout risque d’application discriminatoire et de protéger les seniors, de façon à ce que la réduction d’activité ne se traduise pas par une précarisation de leur situation.
La proposition de loi vise donc à garantir que, si une différence de traitement liée à l’âge est opérée dans les écoles de ski, elle ne constitue pas une discrimination, dans la mesure où celle-ci poursuit bien un objectif légitime et où sa mise en oeuvre est proportionnée et nécessaire à l’objectif ainsi poursuivi, conformément aux critères prévus par la directive 200078CE.
La mise en oeuvre de ce dispositif n’est pas obligatoire : dans certaines stations, la démographie des moniteurs de ski ou l’absence de jeunes moniteurs ne le justifiera sans doute pas. Mais chaque école de ski désireuse d’appliquer une réduction d’activité aux moniteurs seniors devra désormais s’inscrire dans le cadre défini par la loi.
Celui-ci précise ainsi un certain nombre de points qui ne figuraient pas dans les textes adoptés par le syndicat national des moniteurs du ski français. Tout d’abord, il est clairement indiqué que la réduction d’activité des seniors doit bénéficier directement aux jeunes diplômés, c’est-à-dire aux moniteurs de moins de trente ans disponibles pour travailler sur la saison, et non à l’ensemble des moniteurs de l’école ayant moins de soixante-deux ans, comme cela pouvait être le cas auparavant.
Ensuite, la réduction d’activité doit être organisée de manière progressive et garantir un certain niveau d’activité, et donc de bénéfice, aux moniteurs ayant l’âge de liquider leur retraite mais désireux de poursuivre leur activité. Entre soixante-deux et soixante-cinq ans, la réduction ne pourra dépasser 30 % du volume d’activité auquel le moniteur aurait pu prétendre, eu égard à ses compétences, ses diplômes et son ancienneté, en l’absence du dispositif. Entre soixante-cinq et soixante-sept ans, cette réduction pourra atteindre 50 %. C’est seulement après soixante-sept ans que les moniteurs passeront au statut de simples renforts en périodes de vacances scolaires.
Enfin, la réduction d’activité ne s’applique qu’aux cours distribués par l’intermédiaire de l’école de ski, pour lesquels le moniteur n’a pas été demandé personnellement par la clientèle. Il reste en revanche entièrement libre d’exercer avec sa clientèle propre. Ainsi, pour la plupart des moniteurs seniors, la diminution de leur activité au titre des cours collectifs devrait être partiellement compensée par le maintien des cours individuels, pour lesquels ils sont personnellement demandés et dont le volume peut être important pour les moniteurs en fin de carrière s’étant constitué une clientèle d’habitués.
En conclusion, ces dispositions sont beaucoup plus favorables aux moniteurs seniors que ne l’étaient les versions successives du dispositif mis en place dans les ESF par le Syndicat national des moniteurs du ski français.
Le texte conserve, en outre, la disposition figurant dans la dernière version du pacte intergénérationnel et garantissant que le volume d’activité octroyé permette tant aux seniors entre soixante-deux et soixante-sept ans qu’aux jeunes moniteurs de valider deux trimestres d’assurance vieillesse par saison. On garantit ainsi aux moniteurs seniors que, même avec une activité réduite, ils continuent d’acquérir des droits à la retraite, en validant au minimum deux trimestres, ce qui correspond à un bénéfice approximatif de 3 800 euros minimum.
Si elle n’a pas modifié l’équilibre du texte, la commission des affaires sociales a néanmoins contribué à l’améliorer en adoptant plusieurs amendements de clarification rédactionnelle. Par ailleurs, je vous proposerai aujourd’hui deux nouveaux amendements. Le premier vise à faire référence aux écoles de ski en lieu et place des « associations ou syndicats professionnels », dans la mesure où les statuts des écoles de ski sont beaucoup plus divers que cela, un grand nombre d’entre elles n’étant par exemple que des groupements de fait. Le second vise à ce que le dispositif de réduction d’activité s’applique à compter de soixante-deux ans, y compris pour les générations de 1953 et 1954, pour lesquelles l’âge de la retraite est encore aujourd’hui légèrement inférieur.
Ainsi amendé, le texte proposé devrait à la fois assurer la pérennité et garantir la sécurité juridique d’un dispositif qui a fait ses preuves en matière d’insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski, tout en assouplissant les dispositions en vigueur, qui étaient très défavorables à l’activité des seniors.
C’est pourquoi, je vous demande, chers collègues, de bien vouloir apporter votre soutien aux deux propositions de loi qui vous sont soumises aujourd’hui.