Madame la présidente, madame la ministre, mesdames les présidentes, madame la rapporteure, mes chers collègues, les écoles du ski français ont mis en place un système de réduction progressive d’activité des moniteurs seniors afin de favoriser l’intégration des plus jeunes, et ce depuis plus de cinquante ans. Cette solidarité intergénérationnelle qui anime les écoles du ski français a pour objectif d’assurer l’avenir de notre profession. J’ai bien dit « notre profession », madame la ministre, car j’appartiens à cette famille de passionnés de la montagne et du ski.
Je fais partie de ces 19 000 moniteurs qui exercent au sein des 260 écoles de ski français, réparties dans tous les massifs français et dans toutes les communes françaises de montagne. L’exercice de mon mandat de députée ne me donne pas l’occasion, aujourd’hui, de revêtir le nouveau pull rouge made in France. Ce pull rouge était déjà porté par notre premier moniteur de ski, Émile Allais, né à Megève, l’un de nos plus prestigieux ambassadeurs de la montagne française. Je vous remercie, madame la ministre, de l’avoir cité.
Je partage, pour autant, les valeurs de ces hommes et de ces femmes qui ont été remarquablement formés par l’École nationale de ski et d’alpinisme de Chamonix, dont la renommée est internationale. Dans la famille des « pulls rouges » nous avons tous à coeur de transmettre, de partager nos valeurs et nos connaissances de la montagne, notre savoir-faire avec les plus jeunes qui arrivent au sein de cette profession, laquelle est l’un des plus beaux marqueurs de notre tourisme d’hiver, connue et reconnue dans le monde entier. C’est en quelque sorte « pulls rouges sur neige blanche ».
Comme vous le savez, les moniteurs de ski sont des travailleurs indépendants, déclarés individuellement à l’URSSAF. Ils dépendent, pour la retraite, du régime des professions libérales. Dans la réalité, les moniteurs de ski exercent leur activité bien au-delà de l’âge légal de départ à la retraite. Une étude de 2012 précise que plus de 80 % des moniteurs âgés de plus de soixante ans, 50 à 56 % des moniteurs âgés de soixante-dix ans, et 10 à 14 % des moniteurs âgés de quatre-vingts ans continuent à exercer leur activité professionnelle. Ils le font, comme toujours, avec compétence, rigueur et amour de ce métier qu’ils partagent avec les plus jeunes.
Dans le même temps, environ 400 moniteurs sont diplômés chaque année, et l’on compte 3 500 moniteurs stagiaires. Il est de notre devoir d’offrir des perspectives d’avenir à ces jeunes. Si nous voulons préserver l’activité économique de nos communes de montagne, il faut pouvoir offrir des emplois à nos jeunes, des emplois non délocalisables, des emplois source de vie dans toutes nos communes rurales et de montagne. C’est pourquoi la profession elle-même a prévu un dispositif de réduction progressive d’activité au bénéfice des jeunes moniteurs de moins de trente ans : un « pacte intergénérationnel ».
Ce pacte, élaboré par le Syndicat national des moniteurs du ski français sous l’impulsion de son président, Gilles Chabert, en accord avec le Défenseur des droits, a été plébiscité par 95 % des moniteurs.
Il prévoit une réduction d’activité progressive pour les moniteurs de plus de soixante-deux ans afin de favoriser l’embauche des jeunes de moins de trente ans exerçant en continuité sur la saison. Entre soixante-deux et soixante-cinq ans, le taux maximal de réduction sera de 30 %. Il sera ensuite, entre soixante-cinq et soixante-sept ans, porté à 50 %. Le taux de réduction d’activité pourra bien entendu être inférieur à 30 ou à 50 % en fonction des particularités et des besoins dans les stations. Au-delà de soixante-sept ans, il n’y aura pas d’activité minimale garantie par les écoles de ski, mais les moniteurs pourront naturellement être appelés en renfort comme c’est toujours le cas pendant les semaines de vacances, en particulier les vacances de février, et notamment celles des Parisiens.
Le pacte apporte des garanties en matière de retraite, comme la validation au minimum de deux trimestres d’assurance vieillesse pour chaque saison de ski, tant pour les moniteurs seniors que pour les moniteurs juniors bénéficiant du dispositif. Il s’appliquera sur la base du volontariat, car il faut laisser le libre choix aux écoles de ski afin de ne pas entraver leur fonctionnement, notamment celui des plus petites d’entre elles, et les activités exercées par les moniteurs de ski seniors avec leur propre clientèle ne sont aucunement concernées par le texte.
Tels sont les principaux éléments du pacte repris par les propositions de loi quasi similaires des groupes SRC et UMP. C’est un texte transpartisan. C’est suffisamment rare pour être souligné, mais la montagne, vous le savez tous, fait consensus. C’est l’expression de la solidarité des gens de la montagne, la montagne qui est au-dessus de tous les clivages et de tous les partis.
Nos propositions de loi ont un objectif commun : sécuriser juridiquement ce pacte de solidarité qui a fait l’objet de critiques, car on lui reprochait une discrimination fondée sur l’âge. Mais peut-on véritablement parler de discrimination quand une profession organise elle-même le passage d’une génération à une autre, le renouvellement des générations, en préservant l’activité de ses aînés et en donnant du travail aux jeunes ?
C’est d’ailleurs le raisonnement que la cour d’appel de Grenoble a retenu en infirmant le jugement du tribunal de grande instance qui avait jugé illicite une mesure prévoyant une réduction d’activité pour les moniteurs seniors. Elle a, de fait, validé le pacte intergénérationnel.
Au-delà des aléas judiciaires, car nous savons qu’une décision peut être censurée, reprise, cassée, il nous a semblé primordial de pérenniser un système qui préserve l’avenir d’une profession garantissant aux jeunes moniteurs diplômés une activité pour le métier qu’ils ont choisi avec grand coeur.
En votant ce texte, nous donnerons corps à l’esprit de solidarité des gens de la montagne. Nous continuerons ainsi à transmettre nos valeurs, notre attachement à la solidarité entre les générations. Nous continuerons aussi, sur chaque banc de notre assemblée, à faire la preuve que la montagne, par nature, par définition, est au-dessus et au-delà des intérêts partisans et personnels.