Naturellement, monsieur Le Fur, j’entends vos questions. J’entends vos critiques sur les modalités adoptées. Mais si elles sont possibles, c’est parce que ce texte est inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée. Et si ce débat est inscrit à l’ordre du jour, c’est parce que le Président de la République a pris l’engagement de ratifier la Charte. Au cours du précédent quinquennat, nous n’avions pas eu cette occasion, parce que Nicolas Sarkozy n’avait pas souhaité prendre cet engagement. J’entends bien que nous ne faisons pas tout ce qui est bien, mais au moins nous faisons un petit pas sur le chemin que vous dites vouloir suivre, alors que nous n’en avions pas eu l’occasion pendant cinq ans.
Je vais vous redire quel est l’état d’esprit, me semble-t-il, du groupe SRC. La question est assez simple : voulons-nous réellement – réellement ! – nous donner les moyens de ratifier la Charte ? Si oui, et je pense que chacun d’entre nous ici le veut, alors nous n’avons pas d’autre choix que de respecter deux contraintes qui, qu’on le veuille ou non, s’imposent à nous. Première contrainte : il nous faut bâtir un texte d’une solidité juridique à toute épreuve, qui nous mette à l’abri de toutes les déconvenues que, sur ce dossier, nous avons très souvent rencontrées par le passé. Deuxième contrainte : il nous faut bâtir un texte susceptible de rassurer les plus prudents d’entre nous comme les plus enthousiastes d’entre nous, condition sine qua non pour que le Congrès de la République vote un jour, à la majorité des trois cinquièmes, la ratification de la Charte.
La proposition de loi du groupe SRC apporte toutes les garanties pour que ces deux obstacles soient levés. Aucune formulation – je le dis, et cela m’évitera de le répéter lors de l’examen des amendements – ne peut en tout cas le faire aussi bien. Notre démarche est pragmatique. Vous dites, monsieur le député, que notre texte n’a pas d’ambition. Il n’en a qu’une, modeste : que la Charte soit ratifiée.
Pour y parvenir, il n’est pas question de se faire plaisir en défendant un texte susceptible de susciter l’enthousiasme des cercles militants du Pays basque ou de Bretagne mais dont nous savons qu’il serait, à coup sûr, condamné. Pour que chacun s’en convainque, il suffit d’admettre cette réalité : nous ne sortirons de l’impasse dans laquelle nous sommes depuis quatorze ans que par le compromis, le renoncement aux postures intransigeantes et au triomphe illusoire d’un camp sur un autre. À chacun de prendre ses responsabilités, de consentir. Si nous sommes prêts, les uns et les autres, les plus prudents et les plus enthousiastes, à faire un pas les uns vers les autres, quelle que soit l’attitude, ouverte ou fermée, que nous adopterons finalement, une chose me semble-t-il est certaine, c’est que si nous nous montrons tous ensemble, ici, mardi, incapables de saisir l’occasion qui s’offre à nous, elle risque de ne plus se représenter avant très longtemps.
Je veux donc dire à tous ceux qui sont là et qui sont, dans leur écrasante majorité, les défenseurs, dans cet hémicycle, de la promotion des langues régionales : il faut se satisfaire du possible quand l’idéal est hors de portée. La Charte est un symbole, on le sait tous ici, mais sa ratification serait un formidable signe, pas seulement pour la défense des langues régionales, comme je l’entends trop souvent, mais pour leur promotion, leur épanouissement, leur embellissement, sur leur développement – enfin, leur développement ! En y renonçant pour des questions rédactionnelles somme toute secondaires, nous nous emploierions nous-mêmes à refermer à double tour une porte dont nous avons attendu très longtemps qu’elle s’entrouvre. Elle est entrouverte. À nous de la pousser. Il y a des inconséquences dont on ne se remet pas.
Naturellement, je ne souhaite pas le renvoi en commission.