Nous voyons bien là le projet révolutionnaire : une seule langue pour tout le monde et ainsi le monde aura sa fin. Nous pouvons comprendre qu’une période troublée de notre histoire pousse à se montrer quelque peu extrême. Malheureusement, aux XIXe et au XXe siècles, cela a continué. Ainsi, les préfets qui accueillaient les nouveaux promus de l’École normale leur enjoignaient de se souvenir qu’ils n’étaient en place que pour tuer la langue bretonne. Et cela a duré jusque dans les années soixante !
Se posait donc un léger problème entre la République et une partie de ses citoyens, et nous connaissons un certain nombre d’affaires récentes du même ordre. Je citerai évidemment le livret de famille bilingue de Carhaix : cela ne pose aucun problème dans un bon nombre de pays en Europe, mais dans notre pays, il faudrait établir deux livrets, un en français et un en breton, et tout remplir deux fois au lieu d’une seule ! Sans doute est-ce cela, la simplification administrative !
C’est ce genre de chose que l’on nous refuse. L’application de l’article 2 de la Constitution est parfois assez restrictive. L’administration interprète, voire surinterprète les décisions du Conseil constitutionnel en les durcissant et il est courant que des fonctionnaires par trop zélés en déduisent que l’on ne peut utiliser que le français. Ils sapent le travail des élus locaux, nous l’avons déjà évoqué. Je ne résiste d’ailleurs pas à la tentation de vous citer la prose d’un recteur dans une lettre du 3 octobre 2013, répondant à une sollicitation du conseil régional de Bretagne qui propose d’inscrire la devise de la République sur les frontons des lycées en breton et en français : « Liberté, égalité, fraternité », « Frankiz, Kavatalded, Breudeuriezh ». Il estime ainsi que « la proclamation de la devise de la République, qui contribue à l’affirmation de l’identité nationale, ne peut être faite dans une autre langue que celle de la République. »