Néanmoins, même en France, les mentalités évoluent. Nous nous acheminons vers une timide reconnaissance. L’article 75-1 de la Constitution et l’article 40 de la loi sur la refondation de l’école ont été cités en ce sens, même si l’introduction de la mention du français comme langue de la République dans l’article 2 de la Constitution, censé lutter contre la pénétration de l’anglais, quand bien même il le pourrait, sert en fait au Conseil constitutionnel à élaborer une jurisprudence visant à limiter toute avancée pour les langues régionales. Il a fallu d’ailleurs introduire un article 21 dans la loi Toubon de 1994 pour que cette loi pour la défense du français ne se retourne pas contre les langues régionales.
Encore récemment, dans un avis rendu l’année dernière, le Conseil d’État estime que la Charte porterait atteinte à tout ce qui fonde le pacte social et serait contraire à l’essence même de la République française. Selon lui, ratifier la Charte reviendrait alors à détruire le régime constitutionnel français, alors qu’il estimait lui-même que les engagements choisis par la France se bornent pour la plupart à reconnaître des pratiques déjà mises en oeuvre.
Les circonvolutions juridiques utilisées cachent bien mal la lutte acharnée que mènent ces institutions conservatrices contre les langues régionales. Il convient donc de reconnaître que ces dernières restent dans une grande insécurité juridique. Leur développement et leur transmission sont gravement entravés par cette absence de droit positif. Leur pérennité et leur existence même ne peuvent être assurées que dans un cadre législatif positif. La ratification de la Charte est-elle un moyen de cette normalisation linguistique ? On peut raisonnablement le penser, même si une large partie des mesures sélectionnées par la France est déjà mise en oeuvre.
Il convient en effet de ne pas fantasmer, dans un sens ou dans l’autre, sur la portée de cette charte. Elle ne permettra pas une explosion de l’usage des langues régionales, mais sera un corpus juridique sur lequel s’appuyer pour avancer dans une future loi-cadre sur les langues régionales. De même, elle n’imposera pas les langues régionales dans l’enseignement ou l’administration, comme voudraient le faire croire certains agitateurs de droite ou de gauche. Ces dispositions n’ont pas été retenues par la France.
Certaines interrogations ou craintes sont toutefois suscitées par la rédaction actuelle du texte, notamment en ce qui concerne la constitutionnalité de l’interdiction de l’usage des langues régionales dans les administrations et services publics, alors qu’elles sont déjà utilisées au quotidien dans bon nombre d’entre elles, notamment dans les régions d’outre-mer. Ainsi, qu’en est-il du service public de France 3 ? J’ai déposé des amendements sur le sujet, j’aurai l’occasion d’y revenir.
Pourquoi ratifier la Charte ?