…car il est faux, rigoureusement faux, de prétendre que la partie II de la Charte, avec ses objectifs et principes généraux, conduirait à conférer « des droits spécifiques à des "groupes" de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l’intérieur de "territoires" dans lesquels ces langues sont pratiquées ». C’était la position du Conseil constitutionnel dans sa décision de 1999, reprise à l’identique par le Conseil d’État dans son avis du 7 mars 2013. Il faut vouloir lire la Charte et parcourir l’histoire européenne de sa rédaction pour comprendre qu’elle appréhende les langues régionales comme un patrimoine et qu’en aucun cas elle ne consacre de droits spécifiques dans une logique identitaire.
Il n’y a pas dans la Charte de statut officiel conféré aux langues régionales. Je me permets de l’affirmer ici car voilà un fantasme récurrent, alimenté par ceux qui s’opposent à ce texte. Il y a par contre l’affirmation sans la moindre ambiguïté, dans le préambule, que « la protection et l’encouragement des langues régionales ne doit pas se faire au détriment des langues officielles et de la nécessité de les apprendre ». Preuve que le français ne risque rien de l’entrée en vigueur de la Charte ! Pour la ratifier, il faut choisir un minimum de trente-cinq mesures incitatives sur un total de quatre-vingt-dix-huit touchant, entre autres, à l’enseignement, à la culture, à la justice, aux services publics, aux médias ou à la vie économique. La France en a choisi trente-neuf, pour beaucoup déjà en vigueur d’ailleurs.
Dès lors, imaginer voir vaciller la République parce que la Charte européenne des langues régionales aura été ratifiée n’a aucun sens. La France n’est pas une île. Les Français n’ont pas raison contre tous les autres. Il est illogique de se faire les hérauts de la diversité culturelle à l’extérieur et de la nier à l’intérieur. La promotion efficace de la langue française passe par le soutien à accorder aux langues de France, pour beaucoup en danger, selon l’indice de vitalité de l’UNESCO.
Ratifier la Charte, c’est accomplir un acte politique fort et symbolique. C’est donner une sécurité juridique à toutes les initiatives en faveur des langues régionales, trop souvent à la merci du pouvoir réglementaire ou du zèle contentieux. Je pense ici notamment aux subventions aux écoles associatives pratiquant l’enseignement par immersion.
Il est heureux que ce soit l’Europe, creuset de tant de cultures, nationales comme régionales, qui nous rappelle à notre devoir d’agir. Ce qui se joue ce soir dans notre hémicycle n’est pas anodin. C’est de la diversité, de la grandeur, de l’avenir de notre pays dont il est question, de paix et d’unité, de reconnaissance et de respect. Par-delà nos différences politiques, rassemblons-nous et votons largement cette proposition de loi constitutionnelle, tout simplement pour qu’au coeur de l’Europe vive la République et vive la France.