Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est avec une certaine émotion que je prends aujourd’hui la parole devant vous, comme je l’ai fait il y a quinze ans, ici même, dans des conditions à peu près similaires.
À cette époque, le gouvernement de Lionel Jospin venait de signer la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l’Europe du 5 novembre 1992. À ce jour, cette charte a été signée par 33 États, et ratifiée par 25 d’entre eux.
En France, nous en étions à l’étape décisive de la ratification, lorsque le couperet du Conseil constitutionnel, qui pèse encore aujourd’hui sur nos débats, est tombé.
Chers collègues, la proposition de loi constitutionnelle qui nous est soumise aujourd’hui par Jean-Jacques Urvoas, rapporteur et président de la commission des lois, est sans doute l’une de nos dernières chances de ratifier – enfin ! – une grande partie de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Je voudrais d’ailleurs saluer la détermination de notre collègue, qui a su convaincre les uns et les autres de l’importance de ce dossier ; c’était inespéré il y a encore quelques mois.
Est-il nécessaire de rappeler les principes qui guident la charte du Conseil de l’Europe, dont le siège, je tiens à le rappeler, est à Strasbourg, dans ma circonscription ? La langue française est notre langue officielle. La République française reconnaît les langues et cultures régionales sur son territoire. La politique en matière de langues et cultures régionales doit s’inscrire davantage dans le cadre de la décentralisation. Apprendre une langue régionale est un acte volontaire, qui doit s’offrir à tous. Nous souhaitons aujourd’hui ratifier officiellement ces principes, ni plus, ni moins !
Est-il vraiment nécessaire de rappeler, à ce stade du débat, que les langues régionales ne menacent pas l’unicité de notre République et que la France n’est pas une citadelle assiégée ? Reconnaître les langues régionales ne signifie pas que l’on cède à des pressions communautaristes !
La République, la nôtre, n’a rien à craindre des langues régionales. Bien au contraire, elle a besoin, aux côtés d’une langue française forte, de langues et de cultures régionales qui font toute la richesse de notre pays. À mon sens, il n’y a pas de véritable avenir commun sans valorisation de notre histoire et de nos racines.
Chers collègues, j’aurais souhaité, moi aussi, que l’ensemble des articles de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires fût adopté ! Moi aussi, je regrette les interprétations juridiques du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel !
Mais nous ne pouvons pas, après quinze ans d’atermoiements et de combats trop souvent déçus, rester sur un statu quo. Nous ne pouvons pas rester éternellement sous la menace de la censure des plus hautes juridictions de l’État.
La proposition de loi constitutionnelle de Jean-Jacques Urvoas est une avancée majeure, déterminante et inespérée. Si nous ne donnons pas suite à cette chance unique, je ne vois pas comment l’on pourra apporter aux langues régionales de notre pays la reconnaissance et le statut que nous appelons tous, ou beaucoup, de nos voeux, quelles que soient nos sensibilités politiques.