Je pourrais retrouver les articles de la doctrine selon lesquels tout était réglé, du moins quant au fait que l’on pourrait, ultérieurement, éviter le risque de censure du Conseil constitutionnel – pour ce qui est du reste, le Président de la République avait bien dit qu’il ne voulait pas de la ratification de la Charte, et la garde des sceaux avait bien spécifié que la mention des langues régionales ne signifiait pas la ratification de la Charte.
Cependant, saisi par un justiciable au moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a décidé, de manière complètement baroque – je le maintiens – que le constituant prenait des actes n’ayant aucune conséquence. Selon le Conseil, les modifications que nous avions apportées à la Constitution en y intégrant les langues régionales n’étaient que d’ordre déclaratif. Cela revenait à infantiliser le constituant, qui prenait des actes sans que cela n’ait de conséquences ! Dont acte, et c’est ce qui nous oblige à modifier la Constitution pour éviter que, demain, nos futures lois soient censurées par le Conseil constitutionnel.
Comment modifie-t-on la Constitution, me direz-vous ? Tout simplement à partir de ce que nous avons en magasin, c’est-à-dire à partir des décisions du Conseil constitutionnel et, le cas échéant, des éclairages apportés par le Conseil d’État. J’en profite pour dire à Henri Guaino, qui n’est malheureusement plus là, que je dispose de la faculté, en tant que président de la commission des lois – comme tout rapporteur, d’ailleurs – de demander au Gouvernement la communication de l’avis du Conseil d’État. C’est ce que j’ai fait, avant de rédiger une note reprenant cet avis in extenso, que j’ai adressée à tous les parlementaires qui me l’ont demandée – de ce point de vue, la transparence a été totale.
Donc, nourris de ce que le Conseil constitutionnel a jugé et de ce que le Conseil d’État a écrit, comment pourrions-nous procéder ? Plusieurs hypothèses se présentent. La première consiste à écrire que « la République peut ratifier ». Si Jacques Myard était encore là, je lui dirais que j’ai écrit l’article 53-3 en employant exactement les mêmes termes que ceux de l’article 53-2, que le Conseil constitutionnel a jugé compatible avec la Constitution : je me méfie tellement des innovations sémantiques que je bannis toute audace de rédaction.
Pourquoi dire que « la République peut ratifier » plutôt que « la République ratifie » ? Parce qu’il s’agit d’une révision de la Constitution, et non d’une loi d’habilitation.