Certains ne manqueront alors pas de dire que le loup est dans la bergerie, et de crier à l’autodestruction de la République ! Pures fantasmagories, certes, mais qui prospéreront tout de même, ce qu’il vaut mieux éviter.
La deuxième hypothèse est celle où le Gouvernement, au moment où il ratifie la charte, fait une déclaration interprétative, hors la vue du Parlement. Mais dans ce cas, qu’est-ce qui nous garantit, à nous législateur et constituant, que ce que le Gouvernement écrira – peut-être conseillé par le Conseil d’État – ne constituera pas une déclaration interprétative extrêmement restrictive, auquel cas les plus prudents se retrouveraient Gros-Jean comme devant, si vous me permettez l’expression ?
Aucune de ces deux hypothèses ne me paraissant souhaitable, je préfère que l’on mentionne la déclaration interprétative – pas intégralement, à vrai dire : je propose de n’en constitutionnaliser que deux points sur quatre, qui constituent l’existant aujourd’hui.
Quand on nous parle de « groupes de locuteurs », de qui s’agit-il ? Je le redis à ceux qui sont inquiets : ce qui est aujourd’hui écrit dans la proposition de loi constitutionnelle n’est autre qu’une retranscription de la jurisprudence du Conseil d’État. Ce que vous estimez que nous ne pourrions pas faire demain, nous ne devrions pas non plus pouvoir le faire aujourd’hui, parce que c’est la décision du Conseil constitutionnel. Ce que je vous propose d’inscrire dans la Constitution, c’est la Constitution ! Je vous l’accorde, cela peut paraître amusant, étonnant. Mais si je ne le fais pas, le Conseil constitutionnel estimera que le constituant ne s’est pas exprimé de manière explicite. On retombe alors dans le travers de 2008. Vous aviez alors une intention louable, et on nous a prêté une intention louable. Dissipons les malentendus, écrivons ce que le Conseil nous dit.
Je voudrais tout de même vous faire remarquer que le Conseil constitutionnel ne jugera pas notre travail. Il ne juge pas les révisions constitutionnelles. Nous nous appuyons sur ce qu’a fait le Conseil constitutionnel de façon à sécuriser l’existant : cela n’implique donc ni prise de risque, ni retour en arrière et n’introduit aucune entrave pour demain. Nous avons tous en effet pour objectif de faire des pas supplémentaires demain, et ce dans le respect de la philosophie des trente-neuf engagements que nous avons pris. Il n’y aura évidemment pas de co-officialité, au regret de Paul Molac et de Paul Giacobbi. En revanche, nous supprimons les entraves pour les billevesées du quotidien, les évidences. Le Conseil ne pourra pas demain plaquer une interprétation sur des propos que nous aurions eus.
Je vous propose donc de constitutionnaliser l’existant. L’existant permet l’existant ; c’est une tautologie.