A priori, on pourrait penser que l’article 17 pose la question de l’équilibre délicat entre défense des libertés dans le numérique et lutte contre la grande violence qui peut s’exprimer sur internet – en particulier sur les sites et les réseaux sociaux.
Pas un jour, en effet, sans qu’on mesure la puissance du net, à la fois comme vecteur des idées les plus émancipatrices, affranchies des contraintes d’autorité et de souveraineté, mais aussi comme véhicule des propos les plus haineux, les plus racistes, les plus nauséabonds.
Dans sa rédaction nouvelle, issue de la commission, l’article prévoit d’étendre les champs des contenus illicites devant faire l’objet d’un signalement par les fournisseurs d’accès et les hébergeurs aux « contenus sexistes, homophobes, transphobes ou handiphobes ». On voit bien que le champ désormais couvert est beaucoup plus large que celui que prévoyait initialement la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004, qui ne visait que les crimes contre l’humanité, la pédopornographie et la haine raciale.
En soi, cette extension du champ n’est pas contestable, car elle répond à une demande de protection que je considère comme légitime, une demande de sécurité des usagers du net, en même temps qu’elle permet de rappeler que, si internet est un espace de liberté, il ne peut ni ne doit être un espace d’impunité.
Mais le débat se place du point de vue de l’effectivité du dispositif créé il y a plus de dix ans. En 2001, il y avait 500 millions d’internautes dans le monde ; en 2012, il y en avait 2,27 milliards. La puissance des géants du net est telle qu’elle dilue la notion de liberté de l’internet. Dans ces conditions, la véritable question qui devrait nous préoccuper est celle de l’efficacité du dispositif.
Qui doit porter la responsabilité juridique de l’opportunité d’évaluer la licéité des contenus ? Qui doit la financer ? Quelles ressources donner aux autorités de police ? Quel contrôle faut-il faire effectuer par le juge judiciaire ?
On voit bien que ce dispositif, en l’état, induit un risque de contre-productivité, avec une plate-forme de police qui pourrait être noyée sous un très grand nombre de signalements, dont certains, en visant des contenus licites, deviendraient inopportuns. On sait que le tableau de Courbet L’Origine du monde a été bloqué, car considéré trop rapidement comme un contenu illicite.
À mon sens, il faut donc réfléchir à une nouvelle architecture des dispositifs pour poser la question de la responsabilité des hébergeurs.