Je tiens à dire quelques mots sur ce sujet, d’abord parce qu’il intéresse un grand nombre de nos concitoyens et qu’il a également attiré l’attention de la presse. Le projet de loi initial ne comportait pas de dispositions sur ce sujet et c’est effectivement à l’occasion du débat au Sénat que le texte s’est vu ajouter de nombreuses dispositions, qui présentaient, quoi qu’on pense du fond de la proposition, de graves difficultés sur le plan constitutionnel, ou en tout cas juridique. Même si nous avions partagé les objectifs visés par les auteurs de cet amendement, il eût été opportun de réécrire les dispositions concernées.
Par ailleurs, puisque ce sujet présentait une relative gravité, j’avais jugé utile de procéder à un grand nombre d’auditions et de tables rondes, pour entendre des pédopsychiatres, des avocats et des juges. Tous les acteurs qui pouvaient être concernés par ce sujet ont été entendus et écoutés, comme les associations de pères ou les associations de mères. Très vite, je suis arrivé à la conclusion que ce n’était peut-être pas dans la loi relative à l’égalité entre les femmes et les hommes que ce sujet devait être débattu.
Il est évident que, dès lors que l’on parle de résidence alternée, on touche au rapport entre le père et la mère, et donc entre les hommes et les femmes. Mais la conclusion à laquelle nous sommes rapidement arrivés en assistant à l’ensemble de ces auditions, c’est qu’avant la question du rapport entre les femmes et les hommes, et même au-dessus de cette question, il y a celle de l’intérêt de l’enfant, et même de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui doit être le seul guide dans ce type de situation. Sur cette base-là, il nous a semblé que ce véhicule législatif n’était sans doute pas le plus approprié pour aborder cette question.
Des éléments de contexte ont également joué. Il fallait bien prendre en compte le fait que le Gouvernement avait mis en place, avec la Chancellerie, le ministère de la famille et le ministère des droits des femmes, des groupes de travail chargés de réfléchir à la parentalité et à ces questions. Or ces groupes n’étaient pas en mesure de rendre leurs conclusions au moment où nous devions nous prononcer, et il importe de leur laisser le temps d’aller au bout de leurs analyses. Nous sommes finalement arrivés à la conclusion que ce sujet, qui mérite tout notre intérêt, aura davantage sa place dans le cadre de la discussion de la loi sur la famille.
Je tiens à dire que personne ici n’est opposé au principe même de la résidence alternée. Je vous suggère seulement, monsieur Baupin, de bien y réfléchir : pensez-vous qu’elle devrait devenir le principe en cas de désaccord entre les parents, comme le prévoyait l’amendement sénatorial ? Il faudrait donc réussir dans le divorce ce qu’on n’a pas réussi à faire lorsqu’on était en couple. Je veux également rappeler que c’est à l’initiative de Ségolène Royal, lorsqu’elle était ministre de la famille, qu’a été adoptée une réforme en la matière, qui fait que la résidence alternée est le premier mode de résidence des enfants abordé par le code, ce qui suggère que le juge l’envisage en premier.
Et puis, il faut savoir de quoi on parle exactement ! Aujourd’hui, lorsque la garde – même si le terme est devenu impropre – est attribuée à l’un des parents et que l’autre parent garde ses enfants un week-end sur deux et la moitié des vacances, à quoi peut s’ajouter le mercredi après-midi ou un autre moment de la semaine, celui-ci voit ses enfants au moins 35 % du temps sur une année. Ce que je veux dire, c’est que toute résidence est déjà alternée. Tout parent, heureusement, maintient un lien avec ses enfants.
Pardonnez-moi, monsieur le président, si je suis un peu long, mais je rejoins ce qu’a dit ce matin Mme la ministre au sujet des antennes télévisées. Avec la réforme du congé parental, cette loi oeuvre vraiment pour l’égalité entre les femmes et les hommes. En effet, le père pourra désormais s’investir davantage, dès la naissance de l’enfant, si bien qu’en cas de séparation, lorsque le juge aura à se prononcer, le père pourra peut-être, tout autant que la mère, dire qu’il s’est investi dès le début de la vie de son enfant.
Ce sont toutes ces raisons qui nous ont conduits à supprimer ces dispositions, à l’initiative de Mme Chapdelaine, et avec un avis favorable de ma part. Ce sont ces mêmes raisons qui me conduisent aujourd’hui à réitérer mon avis défavorable à cet amendement visant à rétablir les dispositions votées en la matière au Sénat.