C’est un amendement auquel je tiens personnellement beaucoup. Il est le fruit des réflexions que je me suis faites après avoir écouté avec une grande attention l’ancienne ministre des droits des femmes, Yvette Roudy, lorsque, à l’invitation de Catherine Coutelle, elle était venue répondre à des questions de la délégation aux droits des femmes.
Yvette Roudy nous a invités à réfléchir de nouveau, trente ans après elle, à la question de la féminisation des mots. Nous avons souvent des échanges à ce sujet dans l’hémicycle, regrettant que certains continuent d’appeler la ministre des droits des femmes « madame le ministre » ou une vice-présidente « madame le président ». Réfléchissant à cette question, je me suis aperçu qu’elle relevait davantage du pouvoir réglementaire : c’est essentiellement par voie de circulaire que, jusqu’à présent, nous avons fait évoluer les choses dans notre pays, en féminisant un certain nombre de termes.
L’amendement que je propose vise à ce que, lors du renouvellement des membres des cinq académies regroupées au sein de l’Institut de France, leurs membres veillent à assurer une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. L’Académie française, qui s’honore d’avoir pour secrétaire perpétuelle Mme Hélène Carrère d’Encausse, ne compte que 21 % de femmes. Mais il y a pire. L’Académie des inscriptions et belles-lettres compte 3,6 % de femmes, l’Académie des sciences 10,7 %, l’Académie des beaux-arts 5,2 %, l’Académie des sciences morales et politiques 8 %, et le bureau de l’Institut de France, l’instance de pouvoir de ces institutions, 18,1 %. On peut donc comprendre qu’il soit pertinent de relire et méditer les propos de Stendhal que j’ai cités à la tribune en présentant ce texte : « L’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation, et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain. »
Je propose aujourd’hui à l’Assemblée de faire sienne cette invitation stendhalienne, car c’est le sens de l’histoire et l’on ne comprendrait pas que nous ayons oeuvré à la parité dans des instances aussi importantes que les régies municipales et les instances dirigeantes des fédérations sportives, et que nous nous arrêtions à la porte de cette institution que l’on nomme improprement la « vieille dame du quai Conti », improprement puisqu’elle comporte essentiellement des hommes, 91,3 % pour être exact.
D’aucuns objecteront sans doute que la féminisation de l’Institut de France n’est pas une priorité. Nous avons montré, depuis une semaine, que la priorité était l’égalité salariale, la lutte contre la précarité, la lutte contre les violences, mais l’on peut aussi accorder de l’importance à ce sujet apparemment symbolique. Je pense qu’il y a lieu, pour les héritières d’Olympe de Gouges, de Simone de Beauvoir, de George Sand, de Marie Curie, de faire oeuvre utile en permettant à davantage de femmes d’entrer au sein de chacune de ces académies.
Au moment où l’on réfléchit, au sommet de l’État, à la question de savoir quelle femme fera son entrée au Panthéon, on peut se demander si, parmi les vivantes, certaines ne pourraient entrer à l’Institut, car il me semble que les femmes sont des immortelles au même titre que les hommes.