Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Séance en hémicycle du 24 janvier 2014 à 15h00
Égalité entre les femmes et les hommes — Après l'article 19

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement :

Il est difficile de prendre la parole après ce bel exposé ! Monsieur le rapporteur, j’ai envie de commencer par vous dire que je suis extrêmement sensible à vos arguments. Je trouve que c’est une très belle idée. Nos académies et l’Institut, depuis qu’ils ont été inventés par Richelieu, sont supposément la voix de l’excellence de la France, et je crois que nul ne doute aujourd’hui que l’excellence se conjugue au féminin comme au masculin. Or, compte tenu de leurs règles de composition, nous sommes encore loin de la parité.

Je me suis replongée dans l’histoire. C’est en 1980 que Marguerite Yourcenar a fait irruption à l’Académie ; cela ressemblait franchement à un braquage, après plus de cent ans de refus d’y laisser siéger une femme, la candidature de Marie Lafond remontant à 1874, à une époque où, quand les femmes toquaient à la porte, elles se voyaient invariablement renvoyer au quarante-et-unième fauteuil.

Je pense donc que votre proposition est d’une grande fraîcheur. Cela fait aujourd’hui trente-quatre ans qu’une femme est entrée à l’Académie française. Les progrès sont trop lents. Je voudrais à mon tour avoir une pensée pour les pionnières qui ont fait et font l’honneur des femmes à ces sièges de prestige, en particulier pour quelqu’un que j’aime beaucoup, Jacqueline de Romilly, dont je veux ici saluer la mémoire.

On nous rétorquera sans doute, en prenant connaissance de votre amendement, que le premier combat des femmes n’est pas celui du bicorne, de la cape et de l’épée, et qu’il y a bien d’autres priorités. Je voudrais dire très clairement que je ne partage pas ce point de vue : en matière de parité, il n’y a pas de combat purement symbolique, aucun sujet ne doit être considéré comme secondaire, car c’est l’histoire même du combat pour la parité d’avoir été considéré comme secondaire, avant de passer au premier plan. Ce combat est aussi un combat pour notre mémoire. C’est un devoir que l’on doit à notre histoire que de lui permettre de reconnaître tous les visages qui l’ont construite, et, parmi ces visages, il y a ceux d’innombrables femmes. Vous avez, monsieur le rapporteur, évoqué Simone de Beauvoir ; il est tout de même étrange de se dire qu’elle n’a jamais eu de place sous d’autre coupole que celle de Montparnasse.

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