Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du 30 janvier 2014 à 21h30
Progrès de l'union bancaire et de l'intégration économique au sein de l'union économique et monétaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis 2007 l’Union européenne compte 13 millions de chômeurs supplémentaires. Depuis 2007, la dette publique des États de l’Union européenne est passée de 7 300 milliards d’euros, à 11 000 milliards d’euros, non parce que les dépenses sociales auraient explosé du fait de la crise – elles ont bien sûr augmenté –, mais surtout parce que les États sont venus au secours de leurs établissements bancaires en difficulté ; ils l’ont fait en ordre dispersé, parce que justement nous n’avions pas de mécanisme permettant à la fois d’avancer groupés et d’éviter de faire peser sur les dettes nationales les plans de sauvetage.

Cette situation a eu une conséquence très grave : on a fabriqué un cercle vicieux, on a fabriqué une crise économique, car c’est au moment où les États pouvaient le moins payer – je pense notamment à la Grèce et à l’Italie – que des taux d’intérêt de 7 % à 15 % ont été pratiqués par leurs créanciers, ce qui de facto a affecté leurs finances publiques et contribué à faire augmenter leur propre dette. Ainsi, on a plongé la tête la première dans un cercle vicieux qui a fragilisé l’Europe tout entière.

Bien sûr, face à l’ampleur de ce cercle vicieux, quelques réponses ont été apportées. Tout d’abord, en mai 2010, avec la création du FESF. Dix-sept membres de la zone euro ont décidé d’accorder leur garantie à un fonds, qui était transitoire puisqu’il devait disparaître en 2013. En 2012, le FESF est devenu le MES. Contrairement au FESF, il est créé par un traité et il s’agit d’un instrument permanent. C’est un fonds commun de créances qui permet de « garantir la mobilisation de fonds pour faire face à une éventuelle défaillance d’un de ses membres ». En contrepartie, les États bénéficiaires devront s’engager à prendre des mesures précises qui conditionneront l’octroi du prêt. Il s’agit, là encore, d’une solution très nationale et très individuelle. Mais, jusque-là, aucune solution structurelle n’avait émergé, c’est-à-dire une solution qui viserait à changer l’organisation du système bancaire et du système de sauvetage des banques.

La première a émané de la France qui a voté, en juillet 2013, une loi bancaire visant à interdire des activités spéculatives, à cantonner dans une filiale spécifique d’autres activités, et à inventer un mécanisme de résolution – cette résolution qui vise à écrire son propre testament, à envisager sa propre mort financière.

Quelle que soit la robustesse d’une solution nationale, son périmètre d’action réduit d’emblée la portée de son efficacité. C’est pourquoi il était indispensable d’avoir une solution européenne, et c’est l’objet de la présente proposition de résolution.

La première avancée cruciale de cette union bancaire concerne la supervision commune des banques. En effet, tout principe de responsabilité suppose que nous nous mettions d’accord en commun sur les risques financiers que nous acceptons de faire porter à l’économie européenne. C’est désormais chose faite puisque, sous la responsabilité de la Banque centrale européenne, 128 établissements bancaires vont pouvoir être supervisés. À cet égard, je salue la nomination de Mme Nouy à la tête de cet organe de régulation, car je crois que la France dispose d’un vrai savoir et d’une vraie expertise en la matière. J’espère que cette expertise pourra essaimer sur l’ensemble des autres pays.

Un comité de surveillance et un comité de médiation sont également créés afin de garantir l’étanchéité des missions de politique monétaire et de supervision bancaire.

Avec Karine Berger, nous avons déposé les amendements nos 1 et 2 qui visent à véritablement utiliser les stress tests dans la politique de supervision des établissements bancaires, y compris pour augmenter le cas échéant les fonds propres et le capital nécessaires. Des stress tests qui n’auraient aucune conséquence sur le niveau des fonds propres ou du capital demandés aux établissements bancaires ne serviraient à rien.

La deuxième avancée concerne le mécanisme de résolution. Cela revient à écrire son testament, en disant quelles sont, en cas de crise financière, les activités que l’on conserve et celles que l’on ne sauve pas, celles qu’on abandonne, en faisant en sorte que l’absence de sauvetage n’entraîne pas une crise systémique pour l’ensemble de la zone euro et l’ensemble de l’Union européenne.

Là aussi, on note plusieurs avancées. La création de ce mécanisme est en soi une avancée. Cependant, comme l’a dit le rapporteur, son mode de gouvernance demeure assez complexe, alors que, lorsqu’il est nécessaire d’actionner la résolution, on a très peu de temps.

Lors de la faillite de Lehman Brothers, le fameux week-end du 15 septembre 2008, c’est en moins de deux jours qu’il a fallu prendre des décisions. Le mécanisme qui nous est proposé ici n’a pas cette réactivité : il est beaucoup plus long. Martin Schulz, le président du Parlement européen, a fait remarquer qu’un tel cas entraînerait la participation de neuf comités et 126 personnes au maximum. C’est – je le cite – comme si, lorsqu’un blessé est amené aux urgences, on convoquait d’abord le conseil d’administration de l’hôpital plutôt que d’administrer les premiers secours.

Autre point, toujours sur ce processus de résolution : le processus de décision reste encore très national. Même si la Commission a le dernier mot, l’Écofin, c’est-à-dire l’ensemble des ministres des finances de la zone euro, dispose d’un droit de veto, ce qui, en théorie, peut paralyser tout le système.

Enfin, la proposition de résolution européenne débattue ce soir vise à corriger ce point en demandant d’éviter tout risque de conflit d’intérêts au sein de ce conseil de résolution. C’est également ce qui a été demandé par nos collègues du SPD au Bundestag, qui se sont adressés aux députés européens : « Le Conseil ne devrait pas être sujet à des décisions politiques nationales. »

Troisième avancée : la création d’un fonds de secours. C’est une étape essentielle pour faire en sorte que les contribuables européens ne soient pas mis à contribution lorsqu’il survient une crise bancaire ou financière, mais c’est sans doute le point sur lequel nous avons le plus d’interrogations.

D’abord – je reprends ce qu’a dit Karine Berger – parce que ce fonds ne sera opérationnel que dans dix ans. D’ici là aucune solution transitoire n’est proposée. On peut lire, ici ou là : « Il faudra instaurer des filets de sécurité », mais personne n’a jamais proposé de définition pour ces filets de sécurité.

Toujours avec Karine Berger, nous proposons un amendement no 4 qui vise à faire en sorte que le MES joue pendant cette période transitoire le rôle de filet de sécurité.

Ensuite, ce fonds de secours nous paraît sous-doté, avec 55 milliards d’euros. C’est aussi un point qui a été évoqué par les députés SPD au Bundestag. Carsten Schneider, leur porte-parole, propose même d’augmenter les ressources de ce fonds par un accès aux marchés financiers. Nous déposons un amendement no 5 qui vise à considérer le MES comme prêteur en dernier ressort, pour qu’il y ait une ligne de crédit utilisable si nécessaire en cas de restructurations.

Ce fond doit être mutualisé dès la première année, pour casser les logiques nationales : c’est l’objet de notre amendement no 3 .

Enfin, la crise chypriote nous a rappelé la nécessité d’avoir un message très clair sur la garantie des dépôts, afin d’éviter tout bank run ou, en bon français, toute fuite des capitaux risquant de mettre le système financier au tapis.

L’exemple chypriote a été très concret et je crois très important que l’union bancaire soit très claire sur la garantie des dépôts. C’est pourquoi elle doit s’appuyer sur une garantie unique et européenne, au lieu d’une garantie nationale. Ceci ne pourra se faire que par une mutualisation des garanties nationales. À ce stade, seules les garanties nationales sont envisagées. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement no 6 qui vise à rappeler l’objectif de mutualisation de ces garanties.

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