Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 5 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Présentation

Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

C’est là que la mutualisation fait sens, et qu’elle fonctionne.

C’est tellement nécessaire que la réforme renforcera cette mutualisation. Aujourd’hui, plus d’un euro sur cinq collectés via les dispositifs à financement contraint – je pense au congé individuel de formation, au droit individuel à la formation et à la professionnalisation – est utilisé pour financer la formation d’entreprises plus petites que celles qui versent. Pour les entreprises de moins de vingt salariés, cela représente deux à trois fois la somme versée aux organismes paritaires au titre de la professionnalisation et du DIF et plus de cinq fois la somme versée pour le CIF. En revanche, les sommes collectées au titre du plan de formation participent très peu à la redistribution entre les classes de taille. Vous avez dans ces chiffres l’une des explications de la réforme, qui remplace le DIF par le compte personnel de formation, et le dote de plus d’1 milliard d’euros par an, contre 180 millions d’euros, et qui renforce le financement du CIF. Le montant de celui-ci est aujourd’hui de 1,2 milliard d’euros par an. Demain, avec l’augmentation des fonds destinés au CIF et la création d’un financement dédié au compte personnel de formation, ce sont 2,3 milliards d’euros qui pourront être consacrés au financement de formations qualifiantes mobilisées à l’initiative des salariés et des chômeurs. C’est une augmentation d’environ 72 %.

Cinquième enjeu : la bataille des connaissances et des compétences. Elles sont le nerf de la guerre de la compétition mondiale. Cet enjeu guide la réforme de la formation professionnelle et l’inscrit dans le même mouvement que la refondation de l’école ou que la loi sur l’université. Nous sommes le gouvernement qui promeut les connaissances et qui soutient les compétences ! L’économie des connaissances, ce n’est pas l’élitisme, c’est la progression de tous : de celui qui ne sait pas lire et qui doit pouvoir accéder aux savoirs de base ; de celui qui a un CAP et qui doit pouvoir aller vers le bac pro ; de celui qui a le bac et qui doit pouvoir viser le niveau BTS ; et ainsi de suite, jusqu’aux plus hauts niveaux. De même, ceux qui sont dans l’emploi doivent pouvoir accéder à des formations leur permettant, soit d’actualiser une compétence, soit de prendre des responsabilités, soit même de changer totalement de métier.

Autre finalité encore, dont vous avez déjà vu poindre l’ambition : une action plus forte en faveur des demandeurs d’emploi. Précisément, ce sont eux, ce sont ces personnes qui ont le plus besoin d’accéder à une formation qualifiante, gage d’une meilleure insertion ou d’une reconversion et qui, jusqu’à présent, bénéficiaient le moins de la formation professionnelle ; 560 000 demandeurs d’emploi sont entrés en formation en 2011, nous devons pouvoir faire beaucoup mieux ! Là aussi, un chiffre est à retenir dans cette réforme : une augmentation de 50 % des financements des partenaires sociaux pour former les demandeurs d’emploi, dont 300 millions qui sont apportés par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels pour abonder le compte personnel de formation des demandeurs d’emploi.Par ailleurs, s’ils le souhaitent, les régions et l’État pourront abonder, de manière supplémentaire, le compte personnel des demandeurs d’emploi.

Enfin – il s’agit encore d’un enjeu d’importance –, cette réforme se fait aussi en faveur d’une simplification radicale du système de collecte, d’affectation et de mobilisation des fonds pour le rendre plus transparent, plus lisible, plus simple d’accès, grâce à la réforme des contributions obligatoires et à la rationalisation du réseau des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage. Leur nombre sera divisé par trois et le produit de la taxe sera davantage affecté à l’apprentissage lui-même.

Quant à la gouvernance, elle sera décentralisée et transférée aux régions pour créer un bloc de compétence homogène et incarné dans un service public régional de la formation professionnelle. Les régions auront donc la main pour rendre effectif l’accès de tous à un premier niveau de qualification, pour faciliter l’insertion et les transitions professionnelles et pour adapter les qualifications à chaque territoire, au regard de son tissu économique. Pourquoi cela ? Parce que la formation professionnelle est gage d’insertion si elle est adaptée aux besoins en compétences d’un territoire. Cela ne peut se faire qu’au plus près de la vie économique de ce territoire.

Les régions garantiront aussi le droit d’accès à la formation quel que soit son lieu de résidence, et mettront en place des programmes dédiés aux personnes en grande difficulté d’apprentissage, en habilitant des organismes de formation. Elles fédéreront enfin les différents acteurs, comme les politiques de l’emploi et de la formation. Les régions seront donc, dans la mise en oeuvre de cette réforme, des acteurs essentiels, qui joueront demain un rôle décisif pour réussir enfin à croiser la logique sectorielle et la logique territoriale, de même que le développement économique et le développement des compétences.

Comme vous le constatez, mesdames et messieurs les députés, nous franchissons une étape dans la mobilisation de tous pour l’emploi. Ce projet de loi comporte aussi une disposition visant à assouplir le contrat de génération pour la création d’entreprise et la transmission des petites entreprises : l’âge limite pour pouvoir signer un contrat de génération est reporté à trente ans. Il comporte également des dispositions mettant en oeuvre la réforme du financement de l’insertion par l’activité économique. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j’en viens maintenant à la démocratie sociale, qui forme le titre II de ce projet de loi. Renforcer la démocratie sociale, c’est renforcer la maturité économique de notre pays, capable de dialogue pour réformer sans se renier. Le dialogue social tient une place centrale dans la conception et la mise en oeuvre des politiques d’emploi, de travail, de formation, et cela à tous les niveaux : à celui de l’entreprise, à celui des branches, et au niveau interprofessionnel.

Salaires, temps de travail, protection sociale, droits collectifs : la vie quotidienne de millions de salariés est au coeur de la négociation collective. Pour assumer cette responsabilité de négocier, les partenaires sociaux ont besoin d’une légitimité confortée et de moyens solides. Oui, il faut des syndicats forts et des organisations patronales fortes pour construire des compromis forts. Ceux qui s’assoient autour de la table doivent être légitimes aux yeux de ceux qu’ils représentent, et en capacité d’exercer pleinement leur responsabilité.

Le volet concernant la démocratie sociale accomplit donc une percée décisive. Il est marqué par une double ambition : la légitimité et la transparence. Il parachève des années de réflexions sur la représentativité, en tranchant la question de la représentativité patronale, question qui avait été jusqu’à présent laissée pendante. Le paysage patronal est très éclaté. La majorité des branches couvrent moins de 5 000 salariés. À l’issue d’un recensement effectué depuis cinq ans, nous dénombrons 1 043 confédérations et organisations professionnelles signataires ou adhérentes d’une convention collective ou d’un accord de branche. Cet émiettement nuit à l’action comme à la légitimité, à la force comme à la responsabilité. Il fallait donc changer cela.

Le projet de loi porte l’ambition de la structuration des branches et pose enfin des règles claires en matière de représentativité patronale. Il traduit les préconisations du rapport du directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle. Ces propositions prolongent elles-mêmes des propositions faites par les organisations patronales lors de la Grande Conférence sociale de juin 2013 : un socle de critères communs avec la représentativité syndicale, et une mesure de l’audience adaptée à la spécificité de la représentation patronale en la fondant sur l’adhésion. La précédente majorité avait lancé le mécanisme de la représentativité syndicale. Gérard Larcher était alors ministre du travail.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion